Mme Barbara Massaut,
Assistante de production

Interview réalisée en janvier 2009

En quoi consiste votre activité au quotidien ?

Il faut distinguer l’assistante de production « bureau » qui travaille à l’année dans une société de production de l’assistante de production « tournage » qui n’est pas employée par une société, mais engagée sur un projet ! J’appartiens à cette deuxième catégorie. Le tournage d’un film se divise en trois parties : la préparation, le tournage à proprement parler et les finitions. Les tâches réalisées lors de ces étapes sont différentes. La préparation est longue… Je commence par réaliser la «bible de tournage», un petit carnet comportant toutes les informations de base susceptibles d’aider l’équipe lors du tournage. Ce document précise les coordonnées des techniciens, des comédiens, des agents, de tous les fournisseurs de matériel et de tous les lieux utiles (lieux de tournage, hôtels, etc.) ainsi que les horaires des transports. Je récolte ces informations en faisant remplir une fiche de renseignements à chacun et en posant des questions aux régisseurs et aux chefs de poste. Cette bible de tournage est très importante. Elle servira de base à la réalisation du générique de fin de film. Le projet étant en perpétuelle évolution, l’assistante de production doit actualiser ces informations tout au long du tournage, y ajouter les renforts qui ont participé au projet, les fournisseurs additionnels, etc. Ensuite, je transmets les fiches de renseignements à l’administrateur de production pour qu’il rédige les contrats. L’administrateur est la personne responsable des paiements et des contacts avec le secrétariat social. Je commande aussi du matériel administratif (papier, enveloppes, cartouches d’imprimantes, timbres). Bien que cela paraisse anodin, se retrouver sans encre pendant un tournage peut se révéler réellement problématique ! Cela m’est arrivé lors d’un tournage dans un petit village au Maroc alors que j’avais divers documents urgents à imprimer. Le premier magasin susceptible de me fournir des cartouches était à plus de deux heures de voiture !

Je réserve les billets d’avion, de train et les chambres d’hôtel. Certains comédiens et certains techniciens ne vivent pas dans la région du tournage, par exemple dans le cas d’une coproduction avec la France. Je contacte ces personnes pour connaître leurs demandes (horaires souhaités, exigence particulière par rapport à la chambre). Je dois parfois contacter des agences de voyage et des établissements hôteliers à l’étranger. Toutefois, l’arrivée d’internet et des billets électroniques a simplifié cette part du travail. Toutes ces réservations sont susceptibles d’être changées à tout moment, suite à une réunion ou à une journée de tournage qui se prolonge. Un bon contact avec les interlocuteurs est indispensable. J’essaye de leur expliquer le mode de fonctionnement d’un tournage tout en respectant leur manière de travailler et leurs impératifs. Il vaut parfois mieux attendre quelques heures avant de réserver un billet et être sûre. Faire des changements coûte de l’argent. J’envoie également les dossiers, les colis, les scénarios et les plans de travail aux différents intervenants en Belgique ou à l’étranger. Pour être efficace, je dois connaître les points forts de chaque société de livraison. J’assiste le directeur de production dans ses diverses demandes, ce qui occupe la majeure partie de mon temps. Je le tiens au courant de l’état d’avancement de mon travail. Il m’arrive de l’aider pour la rédaction de courriers, d’e-mails. Je prends aussi contact avec des fournisseurs et des techniciens. Il m’est parfois demandé de chercher des sponsors (vêtements, partenaires pour des objets qui apparaissent à l’écran, etc.). Pour les convaincre, je dois parfois réaliser des petits dossiers de présentation du projet.
Une fois que toutes ces tâches sont réalisées, le tournage peut commencer!

Pendant le tournage, je dois toujours réserver des transports et des chambres d’hôtel, mais j’ai aussi de nouvelles activités. Je rédige la feuille de service conformément aux instructions du premier assistant réalisateur. Ce document présente le programme du lendemain et précise l’heure d’arrivée et les horaires de chacun, les éléments techniques, les transports prévus et les itinéraires. Cette feuille est vérifiée par l’assistant réalisateur et par le directeur de production. Lorsque j’ai leur aval, je distribue ce document à toute l’équipe, ce qui ressemble un peu à une course-poursuite ! Je dois m’assurer que chacun ait reçu ces informations avant de quitter les lieux. A la fin de la journée, je récolte aussi les impressions de tournage des techniciens et j’en fais éventuellement part au directeur de production. Je transmets la feuille de service aux équipes qui ne sont pas sur le plateau pendant le tournage, comme l’équipe de décoration, l’assureur.

Toutes ces tâches semblent faciles à effectuer lorsqu’on travaille dans un bureau, mais imaginez-vous dans une ferme humide, sans connexion à internet ! Le papier est parfois tellement gondolé qu’il ne passe plus dans l’imprimante ! Je dois sans cesse trouver des solutions dans l’urgence. L’assistanat de production sur tournage consiste à réaliser un travail administratif dans des conditions qui ne s’y prêtent pas du tout ! Après le tournage, il reste les finitions. Je dois rendre la bible de fin de tournage à l’assistante de production bureau ou au responsable de postproduction qui s’occupera du générique de fin. Je complète le document à l’aide de toutes les informations recueillies lors de celui-ci. Je m’assure que tous les contrats soient signés, je les clôture.

Quelles sont les qualités nécessaires pour exercer votre profession ?

Il faut avoir un sens aigu de l’organisation, savoir s’adapter, être débrouillard, indépendant, flexible et conscient de ses responsabilités et de ses limites. Une bonne assistante de production a une bonne orthographe, elle connaît plusieurs langues, a des connaissances en informatique (Word, Excel, Internet). C’est un métier de contact. L’assistante de production collabore avec le directeur de production, les régisseurs, les assistants de réalisation, les techniciens, les acteurs, mais aussi avec les agences de voyage, les hôtels, les fournisseurs et les agents. Il faut savoir écouter, donner son avis et parfois se taire. Un bon carnet d’adresses peut être un atout. On le construit avec les années de pratique. Je viens d’une famille qui travaille dans le secteur médical, ce qui m’aide parfois, par exemple, lorsque quelqu’un tombe malade sur le plateau. Un jour, je me suis retrouvée aux urgences de l’hôpital où travaille mon père avec un comédien qui devait avoir un plâtre pour son rôle !

Quels sont les avantages et inconvénients de votre métier ?

Avantage(s) : le salaire est attractif. Il m’arrive de voyager. En cinq ans, j’ai visité la moitié de la Belgique, j’ai vécu en France pendant trois mois, je me suis rendue au Maroc l’été passé et je projette de me rendre en Espagne et aux Etats-Unis pour des projets à venir. Je suis confrontée à de nouveaux défis tous les jours. Je rencontre des gens sur chaque tournage, je change fréquemment d’environnement de travail. J’apprends sans cesse. En plus, entre deux projets, j’ai du temps pour moi. 

Inconvénient(s) : l’emploi n’est pas stable, je dépends des projets qui sont produits. Je n’ai pas d’horaire fixe et les conditions de travail sont parfois difficiles. Je dois accepter de travailler « à côté » du projet. Je  passe peu de temps sur le plateau et je suis souvent seule dans mon bureau à la recherche de solutions d’urgence pour un projet dont je ne vois généralement que très peu...

Quel est l’horaire de travail ?

Mes horaires sont variables. Lorsqu’on tourne de nuit, je travaille la nuit, mais aussi la journée, puisque je suis en contact avec les fournisseurs. Je dois toujours être disponible. En cas de problème, c’est souvent moi qu’on appelle. 

Quelles études avez-vous suivies pour accéder à votre profession ? 

J’ai fait quelques années en journalisme, puis un master en arts du spectacle à l’ULB ainsi qu’un master en gestion culturelle à l’Universidad Carlos III de Madrid. 

Quel a été votre parcours professionnel ? 

J’ai commencé par un stage comme assistante de production sur le tournage de « Bunker Paradise », puis à la direction de la production pour «Comme à Ostende». J’ai eu d’autres expériences à la régie et en renfort logistique, comme responsable du transport du matériel, des voyages et des logements sur le tournage de «Mr Nobody» de Jaco Van Dormael, par exemple. J’ai fait le suivi de production du tournage de « Le Premier Venu » de Jacques Doillon. J’ai été assistante de production «bureau» pour Stromboli Pictures. J’ai aussi travaillé lors de shootings photo et de défilés de mode. 

Pourquoi avez-vous choisi ce métier ? 

J’aime penser que je n’ai pas choisi ce métier mais que ce métier m’a choisie. Lorsque je suis rentrée d’Espagne, je devais faire un stage pour finaliser mon master. Un ami m’a proposé de travailler sur le tournage de «Bunker Paradise». Je ne savais pas où je mettais les pieds mais comme je n’avais rien d’autre à l’horizon, j’ai accepté. J’ai réalisé peu à peu que ce travail me correspondait et me plaisait. Je savais que je voulais travailler dans le domaine de la production cinématographique, mais sans idée précise. Je sais maintenant que je ne pourrais jamais me fixer comme assistante de production en bureau par exemple. 

Que diriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans cette voie ? 

Je lui dirais de s’accrocher, d’essayer de trouver un stage dans une société de production et de voir si cela lui plaît. Une fois le pied à l’étrier, il ne faut pas se décourager. Il faut accepter de travailler à d’autres postes comme à la régie, par exemple. On a plus de contacts avec le plateau et on apprend plein de nouvelles choses. 

Avez-vous une anecdote à raconter ? 

Je me rappellerai toute ma vie de ma toute première journée de tournage. Je n’avais jamais mis les pieds sur un plateau et je découvrais cet univers d’un coup. J’ai demandé au régisseur général où je pouvais m’installer. Il m’a indiqué un petit escalier en dessous d’un garage et m’a dit : «Ton bureau est en bas. Juste une petite chose : je n’ai pas encore reçu les radiants...». Ne sachant pas ce que c’était, j’ai dit que ce n’était pas grave. En arrivant dans la pièce, j’ai compris qu’il n’y avait pas de chauffage, on était en janvier et il faisait -4°C dehors… Un froid de canard ! J’ai donc mis mes gants, coupé les extrémités pour en faire des mitaines et commencé à travailler sur mon ordinateur ! Je me suis dit : «Barbara, bienvenue dans le cinéma !». C’est un de mes meilleurs souvenirs... C’était magique ! J’étais face à une baie vitrée qui s’ouvrait sur un magnifique jardin enneigé !

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.