Mr Becq, Meunier

Interview réalisée en avril 2006

Meunier au Blanc Moulin et boulanger à Ostiches.

Que représente le métier de meunier aujourd'hui ?

Etre meunier aujourd'hui dans un moulin comme celui-ci du moins, c'est avant tout répondre à une passion et assumer une mission didactique. Le Blanc Moulin d'Ostiches ne produit pas de farine, un espace d'exposition pédagogique y a été créé, sur l'abc des moulins. Il représente un instrument d'animation touristique et est inscrit dans les circuits du Parc naturel des Collines.

Depuis quand êtes-vous meunier ?

J'ai commencé à travailler dans ce moulin à partir de l'année de sa restauration en 2001.J'ai suivi les cours de meunier à Bruges, durant deux ans dont 150 heures étaient consacrées aux stages. On y apprend tout ce qu'il faut savoir sur les vents, les nuages, les voilures de moulins. Pour obtenir le diplôme de meunier, nous devons être capable de travailler avec toutes les catégories de moulin : à eau, à pivot et à tour comme celui-ci.

Quelles est l'importance des paramètres environnementaux dans la gestion d'un moulin ?

La texture de la farine va dépendre de la meule uniquement. La gestion d'un moulin sera différente selon qu'il est à l'eau ou à vent. Le moulin à vent exige une attention permanente, le meunier doit être vigilant et distinguer d'où viennent les nuages et quelle est leur nature. On peut observer des nuages de pluie et des nuages de vent. Un moulin n'est pas installé n'importe où. Il y a des lignes de vent à prendre en compte avant tout pour conserver le moulin le plus longtemps possible, les bourrasques violentes peuvent abîmer les quinze tonnes que représente ce bâtiment. A delà des 10 beaufort, nous devons arrêter le moulin et enlever la voilure en tout ou en partie. Les nuages sont très indicatifs, un nuage de vent arrive après une poussée de vent. Les nuages varient selon la période. En hiver, nous avons deux couches de nuages qui évoluent en biais et plus bas, les vents se trouvent toujours en dessous de la couche du dessous. Ce sont des vents qui sont chargée d'humidité et qui imposent un poids supplémentaire aux voiles. Le meunier doit donc mettre son moulin en sécurité.

A quoi doit-il être attentif pour la partie intérieure du moulin ?

Le meunier doit veiller à ce que les engrenages soient graissés, le bois vit, il faut serrer les dents régulièrement, veiller à ce que la trémie de blé soit bien remplie.Un moulin est explosif, s'il tourne meule sur meule, cela fait l'effet d'un silex. Sans matière à moudre, cela peut donner des catastrophes comme des explosions. Un moulin n'est pas un jouet. Quinze tonnes de toiture, ça ne s'arrête pas d'un coup de baguette magique. L'arbre à moteur, le rouet du frein, la tête en fonte et les ailes représentent huit tonnes. Quand on freine le moulin, le vent continue à pousser. Le meunier écoute son moulin.

Toutes ces boiseries nécessitent l'intervention d'un charpentier, en comptez-vous un parmi votre équipe ?

Les premières personnes qui se sont employées à construire des moulins sont des charpentiers de bateau. Les premiers moulins à pivot étaient tout en bois. Ils étaient transportables, démontables et négociables. Celui-ci est en brique et existe depuis 1789. Nous avons effectivement un charpentier qui s'occupe des boiseries.

Aujourd'hui le meunier est-il encore producteur de farine ?

Je suis boulanger au quotidien, ma farine vient de Moulbaix qui produit de la farine tous les jours. Un des pains que je propose s'appelle “le pain du moulin“. Le blé moulu sur meule n'est pas égermé, il garde le germe. Il donne une caractéristique au pain qui est celle de rester frais longtemps.

Comment se déroule la mise en route d'un moulin tel que celui-ci ?

La mise en route débute par la recherche du vent. Le moulin doit être face au vent. Pour celui-ci, c'est toute la toiture, la queue du moulin et les ailes qui bougent, contrairement à un moulin à pivot où c'est le bâtiment entier qui bouge. A Moulbaix, le moulin est à pivot, il pèse 50 tonnes et bouge sur un axe. Le moulin d'Ostiches bouge dans sa partie supérieure, un champ de roulement en acier comprenant des roues en dessous de la toiture permet sa rotation.
Il y a de nombreuses années, c'étaient des chevaux qui, tirant sur des cordes, actionnaient le roulement composé de pierres bleues et de roulement en bois. Le meunier peut prédire le temps qu'il fera dans les prochaines heures, voire les prochains jours. Le vent tourne toujours à 360 degrés. Le vent tournant contre le soleil indique un mauvais temps à venir, par contre un vent tournant avec le soleil laisse présager d'un beau temps. Avant de mettre le moulin en route, on met les engrenages dans le grand hérisson. Le travail du charpentier intervient ici, dans le remplacement des engrenages. Si les dents bougent, elles se chevauchent et ne fonctionnent plus.
Il faut également veiller à ce que la trémie soit pleine, veiller au bon débit du blé. C'est par un système de saccade que le blé descend. Le débit va influencer la qualité de la mouture, il ne doit pas être trop rapide. Le meunier ouvre le frein du moulin, il ouvre la meule et laisse le blé s'écouler dans la meule. La farine passe par la butterie pour enlever les résidus de sons. La farine est stockée dans des sacs et peut être vendue comme c'est le cas pour le moulin de Moulbaix. La farine que nous produisons au Blanc Moulin est distribuée aux fermiers des environs. Autrefois, le métier de meunier n'était pas de tout repos.
Le mythe du meunier qui dort fait référence au fait qu'il devait pouvoir réagir à tout moment. Lorsqu'il s'endormait, une languette à l'extérieure actionnait une clochette qui l'avertissait de la montée du vent et le réveillait. Le moulin était également soumis aux nombreux vols de farine et lorsqu'un voleur était pris, il était accroché aux ailes du moulin. Voilà pour les anecdotes du passé.

Comment voyez-vous l'avenir de cette pratique ?

Les grandes minoteries sont arrivées et permettent de garantir une grande production. Dans un moulin tel que celui-ci, on pourrait moudre, par bon vent, entre 150 et 200 kilos par heure. Dans les minoteries, la production se chiffre par tonnes par jour, on ne peut pas faire face à une telle concurrence. Autrefois, les productions étaient plus locales. L'utilisation de meule limite la production, le moulin à cylindre augmente la capacité de production.

Que conseilleriez-vous à une personne qui désirerait se former ?

Je ne conseillerais pas d'en faire un métier pour en vivre du moins, mais de le faire par passion. Il m'arrive de venir au moulin durant la nuit, le bruit des animaux, le bruit du vent, tout cela est très apaisant.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.