Mme Cécile Alphonse, Eco-conseillère

Interview réalisée en janvier 2008

Eco-conseillère indépendante et présidente de l'ABECE (Association Belge des Eco-conseillers et Conseillers en Environnement).

En quoi consiste votre travail au quotidien ? 

Il s’agit principalement d’un travail d’aide à la décision auprès des hommes politiques et des fonctionnaires ainsi que d’un travail d’information et de sensibilisation des citoyens. Selon la commune pour laquelle l’éco-conseiller travaille, les thématiques peuvent être différentes, une commune rurale n’aura pas les mêmes besoins qu’une commune industrielle. Cela dépend aussi du service auquel on est lié (environnement, urbanisme, travaux, etc), de l’échevin qui supervise. Au quotidien, c’est un travail très diversifié. Au niveau des thématiques, par exemple, sur une même journée, je peux être amenée à travailler sur les déchets, les panneaux solaires, les chauves-souris, l’organisation de visites de jardins naturels, sensibiliser à l’économie de papier et d’énergie au sein de l’administration communale. On peut m’appeler parce qu’il y a de la mousse blanche dans un ruisseau, parce qu’il est rouge ou parce que ça sent mauvais. 

On me demande mon avis pour remblayer une zone humide, pour installer une porcherie ou encore parce qu’une usine veut fabriquer du PVC. Je peux rechercher de l’information, la synthétiser, rédiger des rapports techniques pour le Collège communal, rédiger des textes vulgarisés de sensibilisation pour les citoyens, animer des réunions, coordonner des réunions, coordonner des actions de citoyens, etc. L’éco-conseiller a un rôle de moteur pour motiver les gens, rassembler les idées. Sur une même journée, je peux rencontrer un éboueur et un ministre. J’ai beaucoup de contacts avec la population, avec le personnel des autres administrations, avec les industriels.

Pour le moment, c’est encore moi qui m’occupe de tout ce qui est énergies renouvelables et utilisation rationnelle de l’énergie à la commune de Seneffe à destination des habitants. Nous aurons bientôt un conseiller en énergie, mais, depuis toujours, c’est moi qui réponds à des questions telles que “Comment isoler ?“, “Est-ce qu’il y a des primes ?“, “Dois-je mettre du solaire thermique ou photovoltaïque ?“, “Où puis-je trouver telle information ?“, etc. La commune m’interroge également parfois : “Est-ce que ça vaut la peine d’installer telle nouvelle technique sur les bâtiments communaux ? “. Dans les communes plus petites, c’est l’éco-conseiller qui prend en charge l’utilisation des énergies renouvelables et l’utilisation rationnelle de l’énergie dans l’administration communale. Rendre un avis pour placer une éolienne ou installer une unité de cogénération fera toujours partie de mes attributions. L’énergie est une des thématiques sur lesquelles je travaille au même titre que la nature, les déchets, etc. 

Quelles formations avez-vous faites pour accéder à cette profession ? 

J‘ai un master en biologie. Ensuite, j’ai fait un master complémentaire en environnement. Depuis lors, je suis en formation continuée. En fonction des dossiers sur lesquels on travaille, je suis telle ou telle formation. Il ne se passe pas un mois sans que je ne doive participer à un colloque, un séminaire ou une formation. Le site wallonie.énergie.be est tellement riche qu’il est aussi une source indirecte de formation. Je vais aussi visiter les foires, les salons.

Quelles sont les qualités personnelles et les compétences attendues dans ce domaine professionnel ? 

Il faut avant tout beaucoup de rigueur. Un éco-conseiller est un généraliste qui travaille sur de nombreuses disciplines. A présent, grâce à internet, on peut aller chercher de l’information beaucoup plus loin et de façon beaucoup plus sûre qu’il y a quelques années. Néanmoins, il faut être conscient de ses limites en matière d’information tant au niveau technique que scientifique. Il faut être certain de donner une information fiable et si nécessaire renvoyer les demandeurs vers des personnes relais (p.ex. un avocat, un spécialiste en analyse des sols, etc.). Le volet communication est très important aussi. Il faut aimer le contact. Je téléphone souvent pour obtenir des informations. J’ai un réseau professionnel très large, beaucoup de réunions, beaucoup d’animations, je suscite des processus participatifs, je gère les plaintes. Enfin, il faut être organisé et capable de gérer plusieurs dossiers en même temps. 

Quel est l’horaire de travail ? 

En règle générale, la plupart des éco-conseillers ont un horaire de bureau, c’est-à-dire 9h à 17h. Moi, comme je suis indépendante, j’ai un horaire plus flexible. Dès le moment où l’on travaille avec la population, cela veut dire avoir des réunions en soirée. Les visites de jardins naturels ou les permanences de guides composteurs, par exemple, se font le week-end pour les mêmes raisons. J’ai donc régulièrement des réunions le soir et des activités le week-end. 

Quelles sont les perspectives d’avenir ? 

Le marché de l’emploi est vraiment ouvert. Il faut cependant être attentif au fait que ce métier demande une haute qualification. Comme le titre d’écoconseiller n’est pas protégé pour le moment, certaines écoles proposent des formations dites d’éco-conseiller en quelques mois. Sortir des secondaires et faire une formation de 3 mois, ce n’est pas ça le métier d’éco-conseiller. On préconise au minimum des études supérieures en 3 ans et une formation complémentaire. La Fédératrion Wallonie-Bruxelles va encore plus loin : dans le cadre d’obtention de subsides pour une commune qui voudrait engager un conseiller en environnement, elle exige un universitaire qui a une formation complémentaire comportant des notions d’environnement et de communication. A la base, on peut être traducteur, ingénieur civil, bio-ingénieur, bachelier en construction, historien, philosophe, etc. Avoir un solide bagage d’enseignement supérieur est indispensable, même s’il n’est pas nécessaire d’être ingénieur ou diplômé en sciences. 

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans cette voie ? 

Avoir le métier dans les tripes ! J’ai trouvé mon premier job 3 mois après mes études et depuis je n’ai jamais chômé. Je ne gagne pas de l’or en barre, mais c’est un métier qui me passionne. C’est un métier où il faut être optimiste, croire en l’avenir et être un peu utopiste. Il exige beaucoup d’énergie et les résultats ne sont pas toujours concrets. De nos jours, les gens ont conscience qu’il faut économiser l’énergie et avoir recours aux énergies renouvelables. Mais ils ne sont pas encore sensibilisés à la protection de la biodiversité. C’est un métier où il faut se battre, avoir une force de conviction face aux échevins, aux industriels. Il est important d’avoir une vision transversale, une vision globale des choses et de faire travailler les gens ensemble.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.