Mr Christian Meysman, Artificier

Interview réalisée en mai 2012

Artificier et gérant de la société Must Fireworks.

Quel est votre parcours ?

Je suis électromécanicien de formation. A 18 ans, je suis entré chez Caterpillar en tant qu’ouvrier où je suis resté 6 ans. Mais depuis tout petit déjà, je m’intéressais à ce qui se faisait dans mon village, au folklore, aux ducasses, à l’ambiance festive que ça amenait. J’allais aider le patron des auto-scooters à monter son attraction, le monteur du kiosque, le placeur de hauts parleurs, etc. Je m’intéressais beaucoup au monde de la musique, aux disques, etc.

 A l’âge de 14 ans, je me suis investi dans le comité de quartier qui organisait la ducasse de mon village. Je faisais toutes sortes de choses et j’ai beaucoup appris.

 Un jour, j’ai dû remplacer mon oncle qui devait animer une soirée avec son accordéon. J’ai donc passé des disques sur un tourne-disque toute la soirée et les gens ont adoré ! J’avais 14 ans et demi et je me suis donc lancé dans cette activité de DJ que j’ai poursuivie parallèlement à l’école et chez Caterpillar. Je faisais entre 80 et 90 soirées par an !

Un jour, le monteur du podium et de la piste de danse de la ducasse que j’organisais avec le comité, m’a annoncé qu’il arrêtait son activité. J’ai décidé de reprendre son affaire car je ne voyais de toute façon pas mon avenir à l’usine. J’ai racheté l’entreprise à l’âge de 23 ans, tout en continuant mes activités de DJ. La société existe depuis maintenant 30 ans.

Comment êtes-vous devenu artificier ?

Il s’avère que le monteur à qui j’ai racheté l’entreprise avait aussi une petite activité de feux d’artifice qu’il m’a proposé de reprendre aussi. Lors de certaines occasions, pour faire plaisir aux gens, il faisait appel à un artificier flamand qui lui montait son feu et lui n’avait plus qu’à le transporter jusqu’à l’endroit en question et le tirer. J’ai donc suivi ses pas en commençant, la première année, par 8 ou 9 feux. Cette activité s’est très vite développée.

 Lorsque nous nous sommes rencontrés avec mon époux, Philippe Genion, il faisait la promotion de concerts et de festivals de rock. Il m’a poussé à développer encore plus cette activité en proposant notamment mes services aux différents festivals. Comme il parlait bien néerlandais, il a aussi prospecté des villes flamandes. Au final, le marché était tel qu’on faisait environ 200 feux par an ! Il faut savoir aussi que nous avons un peu révolutionné le feu d’artifice car nous avons inventé ce que l’on appelle le « skyfire », c’est-à-dire le feu d’artifice 100% aérien. Ce qui a plu au public, car nous proposions des feux plus courts mais plus impressionnants !

Quelles sont les autres activités de votre société ?

Nous avons une autre activité importante : nous gérons également les décorations lumineuses dans les villes pendant les fêtes de fin d’année. Le fait d’avoir cette activité nous permet de travailler toute l’année. Les feux d’artifice nous occupent de février à début octobre. Vient ensuite la période des fêtes de fin d'année lors de laquelle il faut souvent tout installer dans les différentes villes en l’espace de deux ou trois semaines, ce qui est très serré comme timing.

Quelles sont les différentes étapes qui entrent dans la préparation d'un feu d'artifice ?

Lorsque le client veut tirer un feu, il doit tout d’abord demander l’autorisation à la ville. Les pompiers, la police prennent alors contact avec moi pour que je leur transmette les modalités pratiques (barrer les routes, interdire le stationnement, etc.). J’effectue des repérages afin de bien prendre connaissance de la zone, des dangers éventuels. Les clients me donnent leurs desideratas en terme de thème, de durée, de budget et je me lance dans la composition.

Il existe de nombreuses possibilités, je possède une très grande palette de 2000 effets, références et produits différents. Je compose donc ce que j’appelle «le bouquet», avec plusieurs tableaux, de façon à créer une certaine harmonie entre les couleurs. Je choisis aussi une musique qui accompagnera le tir, le tout en cohérence avec le public, l’endroit, le thème, etc.

Sur place, en fonction des budgets, nous tirons les feux manuellement ou grâce à l’allumage électronique, suivant un timing bien précis que mes ouvriers doivent suivre de façon à ce que la musique et les feux soient synchronisés.

Fabriquez-vous vos propres fusées ?

Non. Nous achetons les bombes dans plusieurs pays (Allemagne, Italie, Portugal, Chine, Japon) et nous les transformons, c’est-à-dire que nous les mettons en spectacle. Nous les testons, nous allons voir la production sur place. Je peux aussi demander aux sociétés de m’en fabriquer sur demande. 

Est-ce un métier risqué ?

Oui bien sûr ! Il faut prendre toutes les précautions utiles, notamment en termes d’assurances. Avant de tirer un feu, nous prévenons toujours des dangers d’éventuelles retombées qui pourraient endommager les voitures ou autres. De plus, comme nous transportons des explosifs, tous mes ouvriers doivent avoir le permis ADR, obligatoire pour les conducteurs qui transportent des marchandises dangereuses. Cependant, des accidents, plus ou moins graves, surviennent encore. Même s’il fait des tests de qualité, l’artificier ne peut malheureusement pas prévoir les défauts d’un produit avant de l’avoir allumé.

Ceci dit, jusqu’à présent, nous ne comptons environ que trois accidents (des dégâts matériels) tous les 2 ans.

Pour quelles occasions fait-on appel à vos services ?

Les événements sont nombreux et divers : fêtes privées (mariages), ducasses, concerts, festivals, soirées Open Air, Fêtes de Wallonie, événements d’entreprises, etc. Nous travaillons également pour le cinéma. Nous avons notamment collaboré au film «Le Huitième Jour».

Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?

Il faut la passion ! On ne s’improvise pas artificier du jour au lendemain. Il faut aimer le contact avec le public et les clients et être un bon gestionnaire d’entreprise. Il faut pouvoir gérer les aspects de rentabilité, de gestion des stocks, des livraisons, etc. Il faut aussi être au courant des différentes réglementations.

Est-ce que ce métier a évolué avec les années ?

Oui, ce métier évolue même tout le temps ! Tous les ans, de nouveaux produits sortent, les nouvelles technologies nous permettent notamment de travailler avec plus de précision le temps entre le départ de la bombe et l’explosion, etc. L’artificier se doit d’évoluer sinon le client va se lasser et on ne fera plus appel à lui ! Chaque année, il faut l’impressionner.

La formation et la pratique du métier évoluent aussi puisqu’une nouvelle réglementation européenne est entrée en vigueur en 2014. Cette réglementation instaure l’accès à la profession (avant, n’importe qui pouvait se lancer en tant qu’artificier), des formations et des examens obligatoires, etc.

Qu'est-ce que vous appréciez le plus dans votre métier ? Le moins ?

J’aime tout, même si, avec l’âge, je me rends compte que c’est un métier fatiguant. J’ai d’ailleurs cédé une partie de mes tâches à mon bras droit tandis que je me centre beaucoup plus sur la gestion des clients.

J’aime moins tous les aspects liés aux cahiers des charges des villes qui ne sont pas toujours très bien élaborés. Il y a aussi moins de fidélité qu’avant, même si certains de mes clients me font confiance depuis 30 ans ! Les gens changent plus facilement, ce qui devient compliqué à gérer pour nous car le stock change d’une année à l’autre aussi !

Que diriez-vous à une personne qui veut se lancer ?

Il faut qu’elle ait la fibre artistique et qu’elle ne s’attende pas à gagner énormément d’argent ! C’est surtout un métier de passionnés !

Il va falloir aussi qu’elle trouve un endroit où stocker ses marchandises, ce qui n’est pas évident étant donné la nature  dangereuse de ces dernières. Il y a aussi les assurances qui ne sont pas simples à obtenir car c’est un métier qui comporte beaucoup de risques. 

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.