Mme Christiane Bours,
Artiste en broderie

Quelle est votre formation ?

J'ai fait des études en animation et illustration 2D à Saint-Luc et j'y ai aussi suivi des cours de peinture, d'illustration et d'arts textiles en tant qu'élève libre.

En quoi consiste l'art textile ?

Jadis, les artistes du textile faisaient beaucoup de tapisserie sur un métier à tisser vertical. Actuellement, la plupart des créateurs en textile se libèrent du métier à tisser pour faire un travail plus libre. C'est du moins mon cas. J'ai certes fait de la tapisserie à mes débuts, mais je me suis désormais orientée dans une autre direction où j'accorde beaucoup d'importance à la broderie. Les gens ont tendance à croire que faire de la broderie équivaut à un travail très lent ! Quelle fausse idée ! Broder ne prend pas plus de temps que graver ou peindre. Cela ne signifie pas non plus qu'une exposition se prépare du jour au lendemain.

Pouvez-vous expliquer votre méthode de travail ?

Je ne pense pas avoir une méthode particulière. Tantôt mes pièces textiles sont créées par improvisation totale, tantôt j'ai une idée en tête que je cherche à mettre en forme. Souvent j'imagine l’œuvre au fur et à mesure de sa création. Un élément en appelle un autre. Tout s'enchaîne généralement car le tissu, ses défauts, ses qualités, la lumière qui s'y reflète, m'entraîne à jouer avec les fils d'une manière précise. Je suis rarement un plan préétabli de crainte de faire un travail d'exécution.

Pouvez-vous expliquer les qualités requises pour exercer son art sur le textile ?

Non, pas vraiment. Pourquoi le textile, et pas la pierre ? J'aime les tissus comme d'autres aiment le fer ou le marbre. J'y trouve de la poésie parce que ces matériaux m'interpellent. Cela n'a pas d'importance de travailler le textile ou autre chose. Il n'existe pas des matériaux qui seraient nobles, et d'autres pas. Je peux par contre expliquer les qualités requises pour être artiste. Et à ce niveau, une fée ne se penche pas sur le berceau de certains élus. Je crois que j'étais peu douée au départ. J'ai ressenti le besoin de faire quelque chose pour moi sous peine d'aller très mal. C'était une nécessité intérieure, pas une qualité. Au-delà de ce constat, je pense que certaines personnes ressentent peut-être la nécessité, mais ne savent pas y répondre. Du caractère et de la persévérance sont en tout cas indispensables. Je ne crois guère à la chance ou aux dons extraordinaires. Ces termes servent trop souvent d'excuses ou d'alibis.

Mais la création textile recèle quand même certaines spécificités ?

Oui, peut-être. Je me suis effectivement posée des questions au tout début, à une époque où j'hésitais encore entre le textile et le dessin. La différence pour moi venait du plaisir du relief. Mais c'est un plaisir de plus, pas vraiment une qualité requise. Je dois aussi mon cheminement à des souvenirs d'enfance, cette époque lointaine où l'on chipote avec des fils et où l'on s'emmêle les doigts !

Travaillez-vous parfois en équipe ou avec des stylistes ?

Non, je fais un travail très individualiste. Mes créations sont trop émotionnelles pour que je les partage. Lors d'une période où je me sentais très mal, je faisais tout le temps des raccommodages, comme si je me raccommodais moi-même. Tous mes textiles partent de moi, jamais d'un appel de l'extérieur. Je ne cherche donc pas à m'intégrer, à avoir des commandes pour un décor de théâtre ou pour un styliste.

Concevez-vous l'art du textile comme une activité professionnelle ?

Franchement, non. Je qualifierais mon activité artistique de semi-professionnelle. Il ne s'agit pas d'un hobby puisque j'expose à chaque opportunité et que je suis quand même susceptible de vendre certaines oeuvres. Mais ce n'est pas un métier à part entière non plus. Mon activité professionnelle se situe d'abord dans l'animation artistique. J'ai fait le choix d'y travailler à mi-temps pour me ménager des moments de création. J'ai aussi fait le choix de vivre simplement. J'accepte de sacrifier certains luxes comme une voiture ou certains appareils électroménagers. J'ai déjà entendu parler d'artistes de tapisseries qui vivent de leurs créations. Tout dépend des besoins de chacun, de ce que chacun accepte comme part d'insécurité.

Comment avez-vous trouvé des expositions pour vos œuvres textiles ?

A ce niveau, mon véritable métier d'animatrice artistique m'a aidé puisqu'il m'a permis de baigner dans un milieu culturel. J'ai aussi été aidée par ma curiosité de l'actualité artistique. Tout cela m'a appris à connaître les galeries, à rencontrer des gens, à faire des expositions individuelles ou collectives.

Pouvez-vous expliquer ce que vous apporte votre art ?

Principalement de la liberté. Je ne tiens pas à ce que les gens me collent une étiquette. Enseignante d'anglais ? Animatrice artistique ? Brodeuse ? J'ai envie de pouvoir changer à tout moment d'activité. Mon atelier constitue le lieu où je trouve ma liberté, loin des contraintes et des cases sociales dans lesquelles la société veut parfois nous restreindre. Je vis mes créations spirituellement, philosophiquement même. Sans mes activités artistiques, je ne serais pas moi-même. Il me manquerait quelque chose : une part de rêve, une part de poésie. L'expression de la poésie à travers les tissus m'est indispensable tout comme il m'est indispensable de la communiquer aux autres.

Et voyez-vous des inconvénients à cette activité ?

Il y a des jours où je préférerais être riche. Mais ces petites crises ne durent jamais longtemps. Je trouve trop de plaisir à créer; tant de plaisir que je n'y vois aucun inconvénient !

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.