Mr Christophe Gatot,
Chercheur et directeur dans un laboratoire

Pouvez-vous m'expliquer le domaine précis dans lequel vous travaillez actuellement ?

4C Biotech est une société qui fait essentiellement de la culture de cellules. La société a été créée, il y a une dizaine d'années, comme spin-off de l'Université de Mons, pour répondre à un manque dans la fourniture de cellules animales pour la recherche. Il y 3 ans le capital a augmenté, du personnel a été engagé, nous sommes passés de 3 à 15 puis de 15 à 20. La force de 4 C aujourd'hui est de faire de la culture cellulaire à haute densité, ce qui est un procédé que nous sommes les seuls à proposer dans le domaine pharmaceutique.

Quelle est votre fonction aujourd'hui ?

Je suis directeur du bioprocessus et de la technologie. Cela englobe beaucoup de choses : tout ce qui a trait à la technique du bioréacteur de culture de cellules (c'est la partie que je connais le mieux), un regard sur les achats du matériel, la gestion du bâtiment, qui est tout nouveau, et la gestion du réseau informatique. C'est donc un ensemble de choses où les priorités changent à peu près tous les jours. Il faut donc gérer les priorités, mais je trouve ça très sympa !

Depuis quand êtes-vous chez 4 C ?

Je suis ici depuis 6 ans, j'ai commencé comme laborantin. J'étais là pour faire ce qu'on me disait de faire, et c'est au fur et à mesure que mes responsabilités ont évolué. Comme on était une petite société, c'était plus facile. Le fait de commencer au bas de l'échelle aussi, cela donne des possibilités d'évolution. Il faut dire que j'ai rejoint 4C juste au bon moment, un peu avant l'augmentation de capital.

Le fait aussi de m'être impliqué beaucoup dans mon travail a joué en ma faveur : nous n'étions que trois, et les cellules, ça ne connaît pas ni samedi, ni dimanche ! Il fallait donc venir le week-end, ce que j'ai fait pendant trois ans pratiquement tous les week-ends ! Et la récupération des heures supplémentaires, on ne connaissait pas non plus ! C'était fatigant parce qu'il n'y avait jamais de moments de réelle coupure, mais quand on aime ce qu'on fait et quand les résultats sont bons... Je ne dis pas que je ne suis jamais venu avec des pieds de plomb !

Quelle est votre formation ?

Je suis ingénieur industriel en chimie de l'ISIB. J'ai fait une option céramique parce que je voulais faire de la chimie analytique. Je suis sorti en 1993. J'ai atterri chez 4 C parce qu'ils cherchaient quelqu'un pour faire de l'analyse. En gros, je ne savais pas ce qu'était une cellule ou très peu, je ne savais pas travailler stérilement, etc. Des cultures cellulaires, je ne savais même pas que ça existait ! En une semaine, j'ai dû tout apprendre. Et finalement, je n'ai pratiquement pas fait d'analyse.

Quel est le lien entre votre formation et votre travail actuel ?

Je pense que le gros avantage de ma formation, c'est qu'elle était très polyvalente ; je suis capable de toucher à tout. Elle m'a aussi donné une vision large des choses, même s'il y a toujours un domaine où l'on est plus performant, ce qui m'a permis d'appréhender des choses que je ne connaissais pas. Dès qu'il y a une machine, il faut que je touche, il faut que je démonte. C'est un avantage aussi de mon travail ici : j'ai effectivement touché à tout. J'ai appris beaucoup de choses "sur le tas". Je pense que la formation d'ingénieur industriel en biochimie ou en biotechnologie colle bien, en tout cas pour une société comme celle-ci. L'opportunité des petites boîtes, c'est qu'on peut faire de tout et arriver à un certain niveau qu'on ne pourrait pas atteindre un âge équivalent dans une grosse boîte.

Quelles sont les qualités nécessaires pour exercer votre métier ?

Il faut beaucoup de rigueur, beaucoup de remises en question. Une personne avec qui je travaillais m'a dit un jour qu'en culture cellulaire, ce n'est pas parce qu'on fait bien 99 % des choses qu'on récolte 99%. On a 0% ! Cela résume assez bien, parce que si on fait une petite erreur dans la manipulation, c'est tout qui foire ! C'est peut-être une toute petite partie de la chaîne, mais il faut que tout soit parfait. On n'a pas droit à l'erreur.

Pouvez-vous décrire une journée type ?

Une journée type d'aujourd'hui, c'est très difficile à dire parce que les priorités d'aujourd'hui soir ne seront plus les priorités de demain matin. Les priorités changent au jour le jour. Grosso modo, la journée se divise en deux. La matinée c'est plus du suivi de culture : entretien du bioréacteur, comptage des cellules, etc. Et puis l'après-midi, c'est plutôt du travail pour l'amélioration des paramètres.

Le travail se fait-il en équipe ou seul ?

Disons qu'il y a des choses que je fais souvent seul. Par exemple toutes les modifications techniques sur le bioréacteur. Je suis en train de l'apprendre à une autre personne. C'est quelque chose de très difficile, même si c'est parfois bêtement de la plomberie ! De la plomberie propre mais de la plomberie quand même ! On doit prendre beaucoup de précautions pour faire les modifications parce que ce qu'on modifie est irréversible sur le bioréacteur. Et tout ce qu'on utilise chez nous, coûte une fortune. Pour l'instant en culture, il y a beaucoup plus de filles que de garçons. Et elles n'ont pas forcément envie de bricoler des trucs plus mécaniques.

Quelles sont vos perspectives professionnelles ?

J'ai tendance à vivre les choses au jour le jour. Maintenant c'est clair, chez 4 C, j'aurai difficilement une position plus importante. Le but aujourd'hui, c'est de développer 4 C pour que ce soit une boîte qui puisse continuer à vivre. Avant je faisais égoïstement mon job pour moi. Si je n'avais pas de résultats, il n'y avait pas de contrat et c'était seulement mon job qui était en péril. Maintenant ce sont les emplois des 20 autres personnes qui travaillent chez 4 C. Au niveau du management, nous avons tous les quatre la même vision : vouloir développer 4 C et l'amener à un niveau qui lui permette de survivre et de ne plus être dépendant des capitaux privés ou publics. Le but est donc d'en faire une société rentable.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une personne qui veut se lancer dans la même profession que vous ?

De le faire à fond ! Il ne faut pas avoir peur de commencer au bas de l'échelle. C'est certainement plus facile à faire dans une petite boîte que dans une grosse mais ça apporte une vision globale très importante. Moi, je ne regrette pas du tout. Il ne faut pas non plus avoir peur de commencer en ne gagnant presque rien.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.