Mme Danielle,
Infirmière spécialisée en oncologie dans un hôpital bruxellois

Interview réalisée en février 2019

Pouvez-vous retracer en quelques lignes votre parcours professionnel ? 

Je suis infirmière depuis 24 ans et j’ai suivi mes études à la Haute-Ecole Provinciale de Liège. J’ai professé trois ans dans un service de revalidation et de chirurgie à Liège et travaille depuis 21 ans à l’Hôpital Erasme de Bruxelles.

Je travaille en oncologie depuis 12 ans et ne me suis jamais sentie aussi épanouie. Je suis fière de ce que j’accomplis chaque jour. Le soutien, l’écoute et le réconfort prennent tout leur sens dans un service en oncologie et c’est ce dont j’ai besoin pour me sentir utile.

Pourquoi avoir choisi le métier d’infirmière et le domaine oncologique en particulier ?

En fait, ce choix est le fruit du hasard. Je n’avais pas d’idée précise sur l’orientation de mes études. La seule certitude que j’avais était que je souhaitais me diriger vers une voie scientifique. A la fin de mes études secondaires, j’ai parcouru un dépliant concernant les études en soins infirmiers et je me suis dit : “c’est ça que je veux faire !“. Je ne l’ai jamais regretté.

Concrètement, quelles sont les tâches quotidiennes d’un infirmier dans un tel service ?

Nous sommes polyvalents :

  • réalisation des soins qui nécessitent de maîtriser parfaitement les techniques de soins propres au service (placement d’un cathéter périphérique, assistance du médecin en cas de ponction d’ascite (ponction réalisée au niveau abdominal par un gastroentérologue), etc.) ;
  • prise des rendez-vous en cas d’absence de la secrétaire (chimios, transfusions, traitements intraveineux) ;
  • réalisation des dossiers infirmiers de façon complète et précise ;
  • commande et gestion des stocks de notre pharmacie.

Travaillez-vous avec un public particulier ?

Nous travaillons essentiellement avec des patients adultes mais nous acceptons les jeunes à partir de 16 ans.

Comme c’est un service ambulatoire, nous prenons en charge les patients atteints de cancer, de pathologies chroniques (telles que sclérose en plaque, maladie de Crohn (maladie inflammatoire chronique du système digestif) rectocolite (maladie inflammatoire chronique du côlon et du rectum) etc.), et de tout autre maladie nécessitant un traitement intraveineux.

Dans votre métier, vous êtes parfois confrontée à des situations particulièrement difficiles. Comment faites-vous pour gérer ces interventions qui vous touchent ? 

Ce n’est pas simple tous les jours…

Il est évident qu’il faut avoir des qualités d’empathie et de communication car nous jouons un rôle de soutien et d’accompagnement chez le patient et sa famille, qui se retrouvent parfois dans des situations d’angoisse et de détresse (ex : lors de l’annonce du diagnostic, lors d’actes douloureux ou de traitements lourds et fatigants). Nous sommes amenés à vivre des émotions très fortes avec eux, nous devons donc prendre le temps de les écouter, les informer et les amener à exprimer leur ressenti. De plus, certains patients ont un parcours de vie particulièrement difficile.

Parler entre collègues peut s’avérer être d’un grand réconfort.

Mes proches aussi jouent un rôle important dans ma vie, j’ai la chance de pouvoir échanger mon ressenti avec eux, ils sont d’un grand soutien pour moi.

De combien de personnes se composent votre service ? Quels sont les autres professionnels avec lesquels vous collaborez ?

Notre équipe est relativement petite, puisqu’elle est composée de dix infirmiers (dont seulement deux équivalents temps plein), un secrétaire, un aide-logistique et un aide-hospitalier.

Nous collaborons étroitement avec les médecins, les pharmaciens, les psychologues, les assistants sociaux, les diététiciens.  

Quels sont vos horaires de travail ?

3 horaires sont possibles :

  • 8h-14h
  • 8h-16h45
  • 9h-17h45 avec un infirmier qui clôture la journée jusque 19h si nécessaire.

Quels sont les éléments qui vous plaisent dans votre métier d’infirmière en oncologie ?

Tout d’abord, je dirais les rapports humains. Même si notre travail paraît routinier, aucun jour ne se ressemble. Nous rentrons dans la “bulle privée“ de nos patients et nous prenons une place “à part“ dans un moment particulier de leur vie. Nous sommes leur interlocuteur privilégié et leur meilleure source d’information car ils ont besoin d’une oreille attentive et de soutien.  Nous connaissons bien la majorité des malades car la plupart d’entre eux viennent chaque semaine ou tous les quinze jours. Nous entretenons des contacts sincères et authentiques tout en assurant une prise en charge efficace et expérimentée, je trouve cela merveilleux.

Ensuite, ce que j’aime, c’est le travail en équipe. J’ai beaucoup de chance, car tous les membres de notre équipe s’entendent très bien, cela facilite grandement la cohésion et la communication. Le fait de professer au sein d’une structure multidisciplinaire est aussi un plus (médecins, pharmaciens, etc.) car cela permet d’œuvrer en coopération pour le bien-être des patients.

Pour terminer, j’apprécie les moments où les patients guéris ou en rémission viennent nous rendre visite. Voir leur visage souriant me remplit de joie. Dans ces moment-là, je me dis que, dans une moindre mesure, c’est nous qui avons contribué à cela et j’ai alors le sentiment du travail accompli.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées au quotidien ?

En premier lieu, je dirais le manque de personnel. Cette profession n’est malheureusement pas reconnue à sa juste valeur. Peu de jeunes sont prêts à s’engager dans cette discipline qui est pourtant formidable. Certains services sont obligés de recourir à des intérimaires qui sont motivés mais pas toujours “spécialisés“, ils sont très rapidement confrontés à la dure réalité du travail de terrain et n’ont pas beaucoup de temps pour parfaire leur écolage. Ils doivent être efficaces et “rentables“ dans un délai très bref, ce qui engendre chez eux stress et tension.

Une autre grande difficulté est la gestion des émotions que nous pouvons ressentir. Nous sommes amenés à vivre des émotions très fortes avec les patients et leur famille. Cela peut se traduire par de la colère, de l’agressivité, des pleurs. Nous tâchons donc d’être patients, calmes et compréhensifs mais cela n’est pas toujours évident. Nous restons néanmoins des êtres humains et la gestion de toutes ces émotions peut s’avérer très compliquée. Nous ne sommes pas des robots sans cœur et la souffrance des gens peut nous bouleverser, prendre de la distance n’est pas chose aisée.

En dernier lieu, le rythme de travail étant très soutenu, la fatigue est parfois difficile à surmonter. Il ne faut pas se le cacher, certaines journées sont pénibles et éreintantes, mais comme dans beaucoup d’autres professions.

D’après vous, quelles sont les qualités requises pour exercer en tant qu’infirmière en oncologie ?

Je ne pourrais pas les citer toutes car la liste est très longue, mais je vais essayer d’en énumérer un maximum.

Selon moi, il faut être :

  • rigoureux et minutieux ;
  • passionné, disponible, patient, tolérant et bienveillant ;
  • courageux et enthousiaste.

Il faut également avoir des qualités d’empathie et de communication car l’infirmier joue un rôle de soutien et d’accompagnement (je pense néanmoins que c’est avec l’expérience et dans la pratique quotidienne que l’on apprend à écouter l’autre) ainsi qu’un esprit d’équipe.

L’infirmier doit impérativement :

  • maîtriser les techniques de soins ;
  • connaître les différents traitements qu’il administre et leurs effets secondaires ;
  • faire preuve de réflexion ;
  • se remettre en question et se corriger si nécessaire ;
  • approfondir régulièrement ses connaissances. Les avancées techniques et scientifiques permettent de guérir et de traiter davantage de maladies, ceci oblige le personnel à être “à la page“.

Notre rôle est indispensable et cela à tous les niveaux (physique, relationnel, psychologique, moral, social et religieux).

Depuis vos débuts, avez-vous pu observer une évolution dans l’exercice du métier ? Si oui, dans quel sens ?

Oui bien évidemment. L’évolution de la technologie impose à la médecine d’être à la pointe du changement. Les médecins sont devenus hyper spécialisés, ce qui impose aux infirmiers de l’être tout autant ! Les traitements évoluent énormément et de nouvelles molécules apparaissent régulièrement. L’infirmier doit donc assimiler rapidement les modes d’administration de ces nouveaux médicaments ainsi que les effets secondaires induits et les risques encourus. Il doit donc se former et enrichir constamment ses connaissances.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.