Mr Frédéric Backx, Boulanger

Interview réalisée en avril 2006

Comment êtes-vous devenu boulanger bio ?

Je suis devenu boulanger après avoir suivi une formation en techniques de qualification en boulangerie-pâtisserie. A l'époque, l'apprentissage portait sur un savoir-faire et la maîtrise des matières premières. On peut déplorer que l'artisanat, qui laisse le temps aux choses d'exister, soit un peu laissé de côté pour laisser place à la rentabilisation économique optimale. Mon grand-père était déjà boulanger et mon père a toujours valorisé sa propre production en matière d'alimentation.

Mais l'histoire de la production bio commence il y a quelques années avec la rencontre de Louis François, un fermier reconverti à  la culture et la production bio, qui désirait connaître ce que devenait son froment et la façon dont il allait être transformé. L'idée émerge de lancer une coopérative avec une production de farine et de pains. Mais la coopérative ne parvenait pas à  assumer la charge financière qu'engageait ma fonction, je suis donc devenu indépendant. C'est finalement à la ferme Dôrlou à Wodecq que je m'installe. J' y travaille depuis 8 ans maintenant.

Vous êtes boulanger "bio" mais également de "terroir", que représentent précisément ces deux appellations ?

Cela veut dire que nous avons 80% de farine en provenance d'agriculteurs hennuyers.

La production de farine bio existe depuis un certain temps mais la farine moulue à la meule est plus rare. Or, une mouture à meule permet de laisser plus de fibres dans la farine. Toutes les qualités nutritives du germe sont préservées. Ensuite la farine est tamisée plus ou moins fort en fonction de la qualité que l'on désire obtenir. Les compétences du meunier jouent un rôle important dans la qualité de la farine. Je me fournis principalement auprès du moulin de Moulbaix mais, pour des raisons de stabilité du produit, nous devons faire appel à  d'autres producteurs de froment et de farine. Actuellement, pour notre production de pains, nous utilisons trois types de farines : celle qui provient des fermiers bio que l'on fait moudre au moulin de Moulbaix, celle qui provient des mêmes froments mais qui est moulue au rouleau du moulin d'Oppuurs et enfin, un complément qui est issu d'un mélange de farines de diverses provenances. Une partie du froment provient d'Hongrie, celui-ci présente un taux de protéines plus élevé que ce que nous pouvons produire en Belgique étant donné la particularité de notre climat. Le label bio exige que chaque étape, chaque produit de base introduit pour la réalisation de la production du pain, ait obtenu le label bio. Cette labellisation a pour conséquence d'imposer un prix plus élevé à la vente mais c'est un choix. La contrainte est double, elle porte à la fois sur la qualité globale des produits et impose l'utilisation maximale de produits locaux.

Quelles sont les difficultés directement liées à cette fourniture locale ?

Comme je l'ai déjà évoqué, il y a la stabilité à préserver pour la farine.

Il y a l'adaptation nécessaire aux caractéristiques des produits accessibles dans la région. La certification "bio" impose que l'origine des tous les produits utilisés doit être connue et contrôlée par deux organismes. Nous sommes soumis à des contrôles sans que nous soyons prévenus, ceux-ci prélèvent des échantillons pour analyse. Or, tous les produits régionaux ne sont pas nécessairement certifiés. Une marge de 5% en produits secs est acceptée comme introduction de produits non-bio. La levure n'est pas bio en Belgique, mais nous exigeons qu'elle ne contienne pas d'OGM. Une des raisons qui justifie le coût du bio est la multiplicité des intermédiaires. Nous utilisons de la maïzena d'Autriche par exemple, ce qui implique qu'il y ait un importateur. Nous ne trouvons pas de maïzena bio en Belgique étant donné le peu de clients intéressés chez nous.

Est-il plus difficile d'être boulanger bio que d'être boulanger artisan simplement ?

C'est une question de choix.

Les contraintes de base dont assez semblables. C'est un mélange entre une philosophie et un cahier des charges. Notre travail est essentiellement manuel. Notre pétrissage est par conséquent plus long. Nous sommes un maillon d'une chaîne et nous devons nous adapter aux maillons qui nous précèdent étant donné la certification à respecter.

Comment reconnaît-on qu'un produit est "bio" ? Produisez-vous différents types de pains ?

Chaque produit doit être marqué, nous plaçons une pastille sur le pain et l'emballage doit également le préciser. Nous produisons du pain au levain et à la levure. La production au levain exige une plus longue durée de préparation. Le levain provoque une double fermentation, alcoolique et lactique qui crée un milieu acide mais plus digeste.

Avez-vous été aidé dans l'installation de votre production bio ?

Nous avons été aidés par la faculté de Gembloux pour mettre au point une pratique plus adéquate par rapport à l'hygiène nécessaire.

Comment s'organise une journée ?

Nous n'avons pas de vitrine de boulanger, nous avons une livraison en magasin et à domicile en début d'après-midi.

La journée démarre à 6h le matin ou 4h selon les lieux de livraison et de distribution à fournir. La journée se termine vers 19h. Nous allons chercher le froment et nous le déposons au moulin à Moulbaix même. Notre journée est remplie d'activités liées à ce choix que nous avons fait.

Tous vos produits sont-ils bio ?

Toute notre production est "pur beurre", nous nous sommes orientés vers une pâtisserie sèche.

Mais tous nos produits ne sont pas bio. Notre pâtisserie n'est pas certifiée. Les amandes broyées de nos frangipanes ne sont pas bio non plus parce que le coût est vraiment trop élevé. Toutefois, même là, nous travaillons avec des produits purs. Dans certains broyages d'amandes tout faits, qui doivent comporter 50% de sucre et 50% d'amandes, on ne sent absolument pas les amandes.

Quels sont vos créneaux de distribution ?

Nous avons deux lieux de distribution : une ferme à Tournai et les magasins "Coprosain".

Nous ne travaillons que sur commande, l'avantage est que nous pouvons plus ou moins prévoir quelle sera l'ampleur de la production à envisager.

Quelle formation avez-vous suivie ? Existe-t-il une formation particulière pour devenir boulanger "bio" ?

J'ai suivi la filière technique de qualification boulangerie-pâtisserie en secondaire ce qui m'a permis d'acquérir le savoir-faire nécessaire pour travailler les matières de base.

Il n'y a pas de formation spécifique pour devenir boulanger "bio".

Vous travaillez seul et assumez toutes les étapes de la production vous même, n'est-ce pas trop lourd pour un seul homme ?

Ce n'est plus le cas depuis quelques temps. Bien que l'engagement de main d’œuvre qualifiée implique un coût élevé, je travaille maintenant avec un ouvrier que j'ai engagé à plein temps. J'aurais pu faire le choix de développer un magasin, mais je serais resté seul à l'atelier, ce qui n'est pas possible vu l'augmentation de la production. Avec l'engagement d'une personne qualifiée pour l'atelier, j'ai la possibilité de diversifier davantage la production et d'élargir la gamme.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.