Mr Frédéric Brébant,
Jounaliste rédacteur

Pourriez-vous vous présenter ?

Sur mon contrat, il est stipulé que je suis journaliste pour “Le Vif Magazine S.A.“. Dans les faits, je travaille exclusivement pour le supplément Weekend du Vif/L'Express. Mais je n'aime pas trop le terme supplément. Il faudrait plutôt parler de complément : “Le Vif“ repose sur un journalisme dit “sérieux“, souvent porteur de mauvaises nouvelles (aux niveaux politique, économique, social), tandis que Weekend propose un journalisme “positif“. Le premier permet au lecteur de s'informer ; le deuxième lui propose de se détendre et de s'évader tout en s'informant sur des sujets lifestyle (mode, loisirs, design, musique, culture, beauté, etc.).

 Le lifestyle était-il un de vos objectifs de départ ?

Non. Lors de mes études, j'avais une vision plutôt négative de ce journalisme-là : je l'estimais frivole et superficiel. Mon idéal était de traiter de politique internationale, voire d'être reporter de guerre à l'étranger. A présent, j'ai révisé mon jugement car mon expérience m'a montré que ce type de journalisme est tout aussi exigeant. Décrocher l'interview d'un grand créateur de mode ou produire des projets rédactionnels originaux requièrent un travail, un sérieux et une démarche d'investigation tout aussi importants.

Qu'est-ce qui vous a amené à devenir journaliste ?

Je n'ai pas étudié le journalisme par pure vocation mais plutôt par hasard. Je savais seulement que je ne voulais plus faire de maths (j'étais en maths fortes en secondaire) ! J'ai choisi de faire des études à l'IHECS par curiosité et par proximité géographique. Ce fut réellement intéressant et cela m'a ouvert l'esprit. Je me suis mis à lire “Libération“ tous les jours.

Le type d'enseignement dispensé à l'IHECS est à double tranchant. Il permet de toucher à tout, ouvre l'esprit et table sur la polyvalence et la débrouillardise : on y apprend à photographier, à développer, à faire des montages audiovisuels, à faire de la radio, des reportages vidéo, etc. Cette formation est idéale pour intégrer une télévision communautaire, par exemple. Par contre, elle ne permet pas de se spécialiser et elle est lacunaire au niveau du fond. Quoi qu'il en soit, j'avais envie de me spécialiser après l'IHECS. Je voulais même apprendre le japonais pour être correspondant à l'étranger ! En fait, pour compléter mon cursus, j'ai fait une spécialisation intitulée “Relations internationales et politique comparée“ (n’existe plus actuellement).

Ensuite, quel a été votre parcours ?

En 1990, après le service militaire (encore obligatoire), la réalité du marché de l'emploi m'a infligé une grande claque : il n'y avait pas de place dans la spécialité que je visais (politique internationale). J'avais alors deux solutions, soit m'inscrire au chômage, lire les annonces et attendre qu'on me propose du boulot, soit prendre le risque de travailler en tant qu'indépendant. J'ai choisi la deuxième solution. J'ai frappé à la porte de Anne Hislaire, lui ai montré mes articles, parlé de mon stage à Strip-Tease. Elle m'a pris à l'essai avant de m'engager. En quelques années, j'ai fait une centaine de reportages. Quelques mois après, j'ai aussi été engagé comme journaliste free-lance au magazine “Weekend“. J'y suis toujours.

De 1991 à 1998, j'ai donc été indépendant, à la fois pour la presse écrite, la télévision et, petit à petit, pour la radio. A partir de 1994-1995, “Le Vif“ m'a confié ses pages “Tourisme“, ce qui m'a amené à voyager un maximum. J'ai ensuite fait de la télé en talk-show dans l'émission “Carlos et les autres“ (n’est plus diffusée aujourd’hui), où je faisais plutôt de l'animation journalistique. Toutes ces activités étaient très agréables mais ce n'était pas évident au niveau financier et ça commençait à être pesant. En plus, je travaillais souvent le week-end et au moins trois soirs par semaine. En fait, l'aspect le plus confortable du statut d'indépendant c'est d'être son propre patron et de gérer son temps comme on veut.

Le type de vie impliqué par le statut d'indépendant est-il facilement conciliable avec une vie privée ?

Pas vraiment. J'ai d'ailleurs changé ma façon de travailler pour respecter ma vie de famille. Lorsque je me suis marié, j'étais indépendant et je m'occupais de la rubrique “Tourisme“ : je voyageais donc énormément. Quand le “Vif/Weekend“ a proposé de m'engager (en tant que salarié), j'ai accepté, même si ça impliquait l'abandon du tourisme (et donc des voyages) au profit de la mode. Cette décision a été rationnelle (stabilité, salaire attractif + avantages en nature) et non pas passionnelle. De plus, j'ai dû arrêter les autres collaborations (notamment à la TV), puisqu'il s'agit d'un contrat exclusif. Je peux néanmoins continuer à faire de la radio, à condition que l'on me présente comme journaliste détaché du “Weekend“.

En fait, ma vie de journaliste s'est un peu “fonctionnarisée“. Les voyages et une certaine indépendance me manquent. Mais par rapport à la politique, je ne regrette rien. De toute manière, rien n'est définitif et il n'est pas impossible que je revienne au journalisme dit “sérieux“. Dans dix ans, j'arrêterai peut-être “Le Vif“ pour faire une émission radio, j'irai peut-être travailler en tant que journaliste à la Réunion, j'arrêterai peut-être tout pour écrire un bouquin... je ne sais pas !

Vous est-il possible de décrire une journée type ?

Il n'y a pas vraiment de journée type. La journée classique (quand il n'y a pas de reportage extérieur) se passe au bureau, de 9h à +/- 18h. Je lis mes mails, des revues de presse (sur papier ou informatiques) et diverses newsletters auxquelles je suis abonné (musique, nouvelles technologies, etc.). Quand je trouve des infos intéressantes, je fais des recherches supplémentaires, que ce soit par le net ou par d'autres interlocuteurs, je fais des petites enquêtes ou des investigations et j'écris.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un intéressé par ce métier ?

Je lui dirais de se battre, d'avoir de l'audace et d'être le déclencheur (ne pas rester passivement au chômage). Si les moyens financiers le permettent, il ne faut pas hésiter à faire un ou deux stages non rémunérés pour étoffer son CV. Il faut oser se présenter chez un rédacteur en chef avec un reportage clé en main : les rédac-chefs sont demandeurs. Et, enfin, il ne faut pas avoir peur de se lancer en tant qu'indépendant parce que, même si ce n'est pas l'idéal en terme de confort de vie à long terme, c'est une bonne école et un journaliste qui fait du bon boulot se verra de plus en plus sollicité.

Qu'en est-il de la tendance au journalisme “omnimédia“ ?

Il y a dix ans, à la RTB, il y avait un preneur de son, un cadreur, un réalisateur, un éclairagiste, un journaliste pour chaque reportage. Maintenant, c'est la tendance RTL : le journaliste est seul avec sa caméra, il fait l'image, le son, la réalisation. C'est par souci économique que les télévisions communautaires ont amorcé ce mouvement qui se développe de plus en plus. Dans la presse écrite, seules les petites publications adoptent cette attitude (le journaliste s'occupe aussi de la maquette, de la mise en forme, etc.) mais au sein de structures un peu plus développées, chacun gère sa spécialité.

Quel est votre souvenir professionnel le plus marquant ?

L'interview de Kurt Cobain (Nirvana). A l'époque, le groupe n'était pas encore connu en Europe et je n'étais pas particulièrement impressionné, si ce n'est que c'était ma première interview rock. Une vrai “première“ pour moi, puisqu'il s'est endormi en pleine interview, visiblement à cause des substances illicites qu'il avait ingurgitées ! Lorsque j'ai appris son suicide cinq ans plus tard, j'ai eu envie de revoir l'émission. Je me suis alors rendu compte qu'en guise de réponse à la question : “Comment vous voyez-vous dans dix ans ?“, l'image montrait un gros plan du chanteur endormi ! Comme une prémonition...

Mes collaborations à Strip-Tease restent aussi des moments forts. D'ailleurs, j'ai un grand regret professionnel parce que j'ai refusé de m'investir dans l'émission quand les producteurs de l'émission m'ont invité à leur proposer des sujets. Le travail était très exigeant et nécessitait une pré-enquête non rémunérée (la rémunération portait seulement sur un sujet pris). Comme j'étais indépendant, je me suis dit que ce serait trop difficile. J'ai baissé les bras trop rapidement. Ça m'aurait quand même bien plu de continuer à faire de la télévision de cette qualité.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.