Mr Guy Dalne, Boucher-charcutier

Interview réalisée en novembre 2016

Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir exercer le métier de boucher ?

J’avais un peu ça dans les gènes puisque mon grand-père était boucher et que je suis issu d’une famille agricole. J’étais donc en contact avec les animaux mais aussi avec le monde de l’abattage à la ferme, pour notre consommation personnelle. Dès mon plus jeune âge, j’ai été baigné dans le monde de la ferme et de la boucherie. 

Pouvez-vous m’expliquer ce que vous faites concrètement dans votre travail ?

C’est un peu tous les jours la même chose, comme dans beaucoup de métiers. Le matin, je commence par la préparation des hachés, saucisses, découpe de la viande afin de préparer le comptoir de vente pour que le magasin soit prêt à accueillir les clients. Dans la routine du travail, il y a la découpe de la viande et la préparation de la charcuterie. On ne fait pas nécessairement la même découpe ou les mêmes charcuteries chaque jour. Cela se fait en rotation sur dix à quinze jours. 

Quel a été votre parcours ?

J’ai fait un apprentissage de 4 ans. Ensuite, je suis allé à l’IFAPME pour me former en tant que chef d’entreprise. J’ai travaillé quelques années comme ouvrier en grande surface puis j’ai été chef-boucher. Puis, je suis revenu travailler pour mon ancien patron (celui qui m’avait formé lorsque j’étais apprenti) et j’ai repris son commerce. Avant de m’installer à mon propre compte, j’avais déjà dix ans de métier derrière moi. 

Quand avez-vous su que vous deviendriez boucher ?

Dès l’âge de 12 ans, en primaire, je savais que je voulais devenir boucher. Mes parents n’étaient pas d’accord et ils m’ont imposé un niveau scolaire minimum. Je suis donc allé dans l’enseignement secondaire général.  À cet âge, j’allais chez un boucher de mon petit village. Je pouvais monter ses chevaux et en contrepartie, je lui donnais un coup de main. À l’époque, il était encore possible d’abattre les animaux sur place et je participais à l’abattage. Plus tard, j’ai travaillé chez un autre boucher (le samedi, pendant les vacances). Pour moi, c’était une forme de loisir. À l’époque, j’étais toujours en secondaire où j’ai obtenu une qualification en électricité. J’aurais pu me lancer dans le métier d’électricien, mais dès le lendemain de la remise de ce diplôme, j’entrais en apprentissage pour devenir boucher.

Est-ce difficile de s’installer à son compte ?

Seul, c’est assez difficile. Ma femme est donc venue me donner un coup de main. Mon papa venait également m’aider et j’ai engagé un ouvrier à mi-temps.  Un boucher indépendant a beaucoup de mal à travailler tout seul, il y a beaucoup d’heures de travail et l’organisation ne le permet pas toujours. 

Quelle est votre journée type en tant que boucher ?

Il n’existe pas vraiment de journée type parce que chaque boucher va gérer son travail différemment. Il y a des bouchers qui sont des lève-tôt et qui aiment bien finir tôt. Il y en a d’autres qui ne savent pas se lever tôt mais qui peuvent finir tard. 

En tant qu’indépendant, vous avez des journées de 12 heures, en comptant les préparations, la vente, la gestion du commerce. Il est nécessaire de savoir s’organiser entre la vente et les découpes. Si vous devez sans cesse passer de l’une à l’autre, vous perdez beaucoup de temps. D’où l’intérêt de travailler avec une autre personne.

Bien évidemment, en tant qu’indépendant, il ne faut pas oublier de faire sa comptabilité et cela se fait le soir, au lieu de regarder la télévision. D’autant que la charge administrative s’est fortement alourdie depuis trente ans. Cela prend deux à trois heures par semaine pour être en ordre d’un point de vue administratif. 

Deux fois par semaine, je commence ma journée à 6h du matin. Les autres jours, je commence à 7h. J’ouvre mon commerce à 8h30 et il faut que mon comptoir soit achalandé pour l’ouverture. Je ferme ma boucherie à 18h. Je travaille bien évidemment le samedi et occasionnellement le dimanche quand j’ai des commandes à honorer. Mon commerce est fermé le lundi. Je consacre cette journée du lundi à la préparation de certaines charcuteries, aux courses, à un rendez-vous avec le comptable, au contact avec les fournisseurs, etc. Le lundi matin, je me lève à 6h afin d’être à l’abattoir pour 7h et choisir mes viandes pour la semaine qui arrive. 

Votre travail de boucher commence donc déjà à l’abattoir ?

Oui, c’est un choix que j’ai fait. Je me rends à l’abattoir afin de choisir les viandes que je vais acheter et travailler. D’autres collègues ne fonctionnent que par commande et font confiance aux vendeurs. Si j’ai un souci de tendreté ou de fermeté de la viande que je vends, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même car c’est moi qui ai choisi la carcasse. Je ne pourrai pas rejeter la faute sur mon fournisseur. Chaque lundi, je suis donc à l’abattoir.

Comment est organisée votre boucherie ?

J’ai du personnel et chacun a son horaire. Mon ouvrier travaille 38h/semaine. J’ai également un apprenti en formation, en première année. Il preste donc 26h dans ma boucherie. 

Travailler comme indépendant demande un certain investissement, notamment financier. Quel a été le vôtre ?

L’investissement est important. Pour se lancer, il faut avoir quelques réserves. Soit vos parents peuvent vous aider, soit vous avez des économies de côté parce que vous avez travaillé comme ouvrier pendant quelques années avant de vous installer. Le matériel est très onéreux et on nous demande d’être de plus en plus équipés selon les normes. La reprise d’un commerce existant peut se négocier de différentes façons.  Il faut se mettre autour d’une table et voir quelles sont les possibilités de l’acheteur et du vendeur. 

Concernant le prix d’une reprise de boucherie, plusieurs facteurs vont entrer en ligne de compte : le chiffre d’affaires de la boucherie, l’infrastructure en matériel et en locaux, l’achat du bâtiment ou sa location, la localisation de la boucherie, etc.

Est-ce possible pour une personne fraîchement diplômée de s’installer directement à son compte ?

Oui, mais cela est très rare, sauf quand il s’agit d’un enfant de boucher qui va, par exemple, reprendre la boucherie de ses parents. Maintenant, si c’est dans le cadre d’une réorientation professionnelle et que la personne est déjà plus âgée, c’est possible car la personne a déjà tout un passé professionnel derrière elle et a peut-être des économies à investir pour la reprise d’un commerce. 

Qu’en est-il de la présence des femmes dans ce métier de boucher ?

Ce n’est pas un métier réservé aux hommes. Il y a régulièrement des jeunes femmes qui entrent en formation. 

Les petits commerçants tendent à disparaître de plus en plus. Avez-vous vu cette évolution dans votre métier de boucher ?

Depuis 25 ans, on a pu voir une évolution dans le métier de boucher indépendant. Ici, dans la région de Charleroi, le nombre de petits bouchers a été divisé par 5 ou 6. Dans les années ‘80, il y avait encore 300 bouchers affiliés à la Fédération des bouchers de Charleroi, ils ne sont plus que 50 actuellement. C’est quand même un signe. 

Le premier facteur qui a favorisé cette diminution, c’est la fermeture de certaines boucheries pour des raisons sanitaires liées à l’AFSCA qui ne faisait pas la différence entre vétusté et saleté. Si c’était vétuste, c’était forcément sale et l’AFSCA exigeait une remise aux normes. Certains bouchers, à quelques années de la pension, ne souhaitaient pas réinvestir dans la mise aux normes de leur installation et ont donc préféré tout simplement fermer leur commerce. 

Un autre facteur important du déclin des petites boucheries, c’est la concurrence des grandes surfaces. Quand j’ai commencé mon commerce il y a presque 30 ans, nous étions 6 bouchers à Monceau. Maintenant, nous ne sommes plus que 2. Je n’ai pas trop souffert de cette concurrence. 

Le mode de consommation a changé. La consommation de viande a diminué mais celle de plats préparés a augmenté. Les gens travaillent à deux, ont davantage de loisirs et recherchent la facilité dans la préparation des repas. Ils n’ont plus le temps de préparer des repas dans lesquels la viande doit mijoter pendant des heures. Alors, en semaine, ils font des repas vite faits et le dimanche, ils n’ont pas forcément envie de cuisiner toute leur journée pour préparer les repas de la semaine. Le boucher indépendant a donc été obligé de s’adapter à cette nouvelle forme de consommation et de proposer davantage de plats préparés à emporter.

La tendance actuelle est de revenir un peu à un mode de vie à l’ancienne, à privilégier les circuits courts, ce qui va tendre à recréer un tissu de plus petits indépendants. La mutation de la société est en faveur de la recréation de petits commerces de proximité. Cela prendra quand même un certain temps, cela ne se fera pas du jour au lendemain. 

Est-ce un métier difficile physiquement ?

Oui, quand même. Vous êtes debout 12h par jour, dans le froid, l’humidité. Toujours en train de piétiner sur place. C’est donc un métier physiquement fatigant. Heureusement, on ne porte plus des carcasses comme dans le temps. On travaille sur rail ou alors la viande arrive en pièces découpées. Celui qui doit avoir un bon dos, c’est plutôt le transporteur. C’est surtout de l’endurance qui est demandée au boucher. Avoir une bonne condition physique et l’entretenir est donc important.

Quels sont les aspects les plus positifs de votre métier de boucher ?

Ce que j’aime le plus dans mon métier, c’est fabriquer. C’est également recevoir un retour positif du client, voir la satisfaction de ma clientèle. Ce contact humain est quelque chose de très positif. Ce qui est également agréable, c’est de se voir travailler de plus en plus vite pour faire les mêmes choses. 

Pouvoir organiser son travail comme on le souhaite, être son propre patron, prendre des initiatives, tout cela me procure beaucoup de plaisir. 

Y-a-t-il des aspects qui vous plaisent moins dans votre métier ?

Je n’ai jamais rien trouvé de rébarbatif dans mon métier. Je ne suis jamais parti au travail avec des pieds de plomb. Mon métier a toujours beaucoup compté pour moi mais il est important de pouvoir se réserver un peu de temps libre afin de trouver un juste équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée.

Quelles qualités faut-il avoir pour être un bon boucher ?

La première nécessité, c’est surtout d’être courageux et de ne pas avoir peur du travail. Être capable de supporter les conditions de travail particulières telles que le froid. Il faut également avoir un bon contact humain car nous sommes au contact de la clientèle et il n’est pas rare de jouer au psychologue avec les clients qui viennent vous parler de leurs problèmes. 

Quelle est votre spécialité en tant que boucher ?

C’est la saucisse ! J’ai des clients qui viennent de très loin pour en manger. Je suis fier de vous dire qu’il y a même des gens qui partent en vacances à l’étranger, dans leur famille et qui veulent leur faire goûter. Elle est donc déjà partie aux 4 coins du monde.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.