Interview anonyme,
Ingénieur aéronautique

Interview réalisée en avril 2011

Quelles qualités faut-il avoir pour travailler dans l’aéronautique ?

Il faut avoir une formation qui lui permet d’assimiler rapidement de nouvelles notions, théoriques et pratiques. Il doit avoir une grande facilité d’adaptation. À côté de cela, il doit être apte aux contacts sociaux, car il doit écouter et assimiler les impositions du bureau d’études, mais également tenir compte des impératifs de la production. Il doit avoir les qualités globales d’un cadre d’entreprise, tout ingénieur
étant cadre à la Sonaca.

Il faut également être bon en langues, mais c’est toujours en fonction du secteur où l’on travaille. En aéronautique, l’anglais est primordial. Pour notre travail sur les F16, par exemple, tout est en anglais, non seulement les documents que l’on reçoit et que l’on doit lire et comprendre, mais aussi tous les textes que l’on écrit. On a des contacts avec de nombreux partenaires (concepteurs, constructeurs) et on doit pouvoir se comprendre.

Comment vous situez-vous par rapport à un ingénieur civil ?

Avant, il fallait 5 ans d’études pour être ingénieur civil et 4 ans pour être ingénieur industriel, nous n’étions donc, effectivement pas du même niveau. Ce n’est plus le cas maintenant. Cependant, je crois toujours que les “civils“ ont un meilleur bagage théorique. Par contre, d’un point de vue pratique, un ingénieur industriel peut être avantagé par sa formation spécifique.

Ceci dit, la formation est différente, donc on devrait avoir des postes différents.

Logiquement, l’ingénieur civil travaille dans un bureau d’études et l’ingénieur industriel doit faire la liaison avec l’atelier, mais en pratique, sur le terrain, ce n’est pas le cas. Certains font le même travail et il n’y a pas de rivalité.

Quels sont les différents types d’ingénieurs travaillant dans l’aéronautique ?

Il y a tout d’abord l’ingénieur mécanicien. C’est le plus important parce qu’un avion, c’est de la mécanique, même si ça devient de plus en plus électronique. Donc, il y a aussi tous les ingénieurs associés à l’électronique et à l’informatique. Même si ce n’est pas en “ligne directe“ avec l’aéronautique, c’est lié au fait qu’on utilise de plus en plus d’électronique et d’informatique dans les avions. C’est l’évolution normale des choses, ce n’est pas spécifique à l’aviation.

En tout cas, tous les “nouveaux“ ingénieurs (depuis 10 ans) sont des ingénieurs mécaniciens et beaucoup d’ingénieurs civils ont suivi une formation en aéronautique. Ceci dit, ces dernières années, on a engagé plus d’ingénieurs civils à la Sonaca : sur 30, il y a 25 ingénieurs civils et 5 ingénieurs industriels, au bureau d’études.

Pourquoi avoir choisi le métier d’ingénieur aéronautique ?

J’ai toujours été attiré par l’aviation et les sciences. Le métier d’ingénieur travaillant dans le secteur aéronautique m’a permis d’assouvir cette passion pour la recherche et l’aviation. J’ai toujours adoré ça, je ne rate d’ailleurs jamais un meeting aérien.

Qu’est-ce que la Sonaca ?

C’est une entreprise qui fabrique des structures d’avions, notamment pour le F16 et différents Airbus. Nous faisons de la structure essentiellement. Sont compris : les pièces en aluminium et matériaux composites (plus légers, plus résistants, mais plus évoluées et donc plus chers), mais aussi en acier, titane, etc. Il y a aussi une section aérospatiale, cela représente environ 5 à 6 % de l’entreprise..

Comment y êtes-vous entré ?

Je suis sorti des études en 1972, c’étaient les prémisses de la crise pétrolière, le marché de l’emploi était déjà assez faible. On demandait beaucoup d’expérience et j’ai fait un peu d’intérim pour en acquérir. J’ai offert mes services à la Sabena (actuellement Brassens Airlines), à la Sabca et à la Sonaca. Ici, on m’a offert deux opportunités : travailler à la régie (bâtiments) ou au bureau d’études. J’ai passé les tests pour le deuxième poste et j’ai été engagé.

Quelles sont vos tâches quotidiennes à la Sonaca ?

J’ai, essentiellement, un travail de correction de défauts. Je fais le lien entre le bureau d’études et l’atelier. S’il y a un défaut et que cela ne pose pas de problème, on n’apporte pas de correction. S’il y a un défaut, que cela pose problème et que l’on peut corriger le tir, on le fait. S’il y a un défaut, que c’est dangereux et qu’on ne peut réparer, il faut déclasser la pièce. Ce n’est pas la routine parce qu’on travaille sur des modèles d’avions différents, parce qu’on a des impositions différentes venant de la part des concepteurs. On doit donc, tout le temps, s’adapter. Je suis là pour définir des corrections lorsque des erreurs sont commises.

Le poste d’inspection est très important parce que la sécurité est très importante dans le domaine de l’aéronautique. À chaque stade où on constate un défaut, on établit un document, tout est répertorié pour être corrigé. Si un incident survient à un avion, cela peut engendrer une catastrophe.

Quels sont les points négatifs de votre profession ?

Il faut avoir un bon moral parce que je ne traite que des défectuosités. Mon travail, c’est pallier les défauts de fabrication ou d’assemblage. Nous sommes donc confrontés aux impératifs de la production d’une part, et ceux de conception (donc de qualité et de sécurité) d’autre part.

Quels sont les points positifs de votre profession ?

On sent qu’on est utile, on est un maillon indispensable de la chaîne de construction. Chaque décision (de réparation) est suivie d’effet. On sent que l’on sert vraiment à quelque chose, ce qui est valorisant.
Le type de travail est toujours le même tout en étant diversifié : un jour, je suis à l’atelier F16, l’autre sur la chaîne Airbus, puis, je passe à l’atelier de peinture. Ça change tout le temps.

Quels conseils donneriez-vous à celui qui veut se lancer dans la profession ?

Il doit tout d’abord terminer ses études d’ingénieur, ce qui demande une grande motivation. Il faut ensuite qu’il ait un bagage suffisant en anglais. Cela doit déjà se répercuter dans le choix de ses options en secondaires parce que plus tard, ce sera plus difficile de modifier les acquis.

Il faut aussi se dire que la formation est une chose, mais qu’il faut surtout être bien accroché pour s’adapter au monde industriel. Il y a un grand fossé entre la formation et le monde du travail. Il y a beaucoup de cours que je n’utilise plus et à côté de cela, il y a beaucoup de choses que je fais tous les jours et que j’ai dû apprendre sur le terrain. À mon avis, il faudrait beaucoup plus de stages à l’école.
Enfin, pour décrocher un travail, il faut oser forcer les portes. La demande est toujours plus faible que l’offre, il y a toujours plusieurs personnes sur le coup. Même s’il y a 11 excellents candidats, il y en aura toujours 10 sur la touche, même s’ils sont très forts. Les employeurs ont le choix, donc ils prendront le meilleur. Il faut toujours frapper aux portes, même quand il n’y a pas d’offre, mais attention, il faut toujours dire la vérité.
 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.