Mme Joëlle Huart,
Monitrice de chiens-guides

Directrice de l'asbl Entrevues, spécialisée dans le dressage de chiens-guides.

Quelle est votre formation de base ?

Je n'ai pas de formation spécifique. En France, il y a une formation sur 3 ans de maître chien-guide, mais en Belgique, elle se fait généralement en alternance avec la scolarité normale ou par passation de pouvoirs via d'anciens moniteurs de l'asbl.

Quels sont les profils des maîtres chiens-guides ?

 Nous cherchons des personnes ayant une formation dans le secteur social ou paramédical, ainsi qu'une expérience en éducation canine.

Combien de temps faut-il pour dresser un chien-guide ?

Il faut 2 ans de formation pour qu'un chien puisse travailler seul. Mais, pour sortir 3 ou 4 chiens complètement autonomes, il faut 3 ans.

Comment travaillez-vous ?

Les chiens de moins d'un an sont confiés en famille d'accueil. Le moniteur leur rend visite tous les 15 jours et apprend aux familles les bases nécessaires pour passer les principaux ordres. Il leur incombe aussi de sortir les chiens, si possible deux heures chaque jour, afin qu'ils se familiarisent aux bruits, mais aussi avec leurs congénères. Ensuite, nous organisons des stages avec la personne déficiente visuelle et durant les trois premiers mois, nous faisons une mise à l'essais tous les jours, dans le but qu'elle puisse acquérir de plus en plus d'autonomie.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez et trouvez-vous facilement des familles d'accueil ?

Au départ, c'est surtout la sélection des chiens qui est difficile. Dans une portée, nous ne gardons que les femelles, celles qui ne sont pas trop dominantes, mais pas trop craintives non plus.

Nous trouvons toujours des familles d'accueil. Mais elles éprouvent parfois des difficultés avec des chiens trop anxieux et quand ceux-ci arrivent en formation technique, certains ne sont pas suffisamment sortis en ville, dans les magasins ou les marchés et ils sont trop craintifs.

Ils doivent également avoir été habitués aux enfants, ainsi qu'avec d'autres animaux pour qu'ils ne se laissent pas distraire par leurs congénères en promenade. L'ennui, c'est qu'au bout d'un an, les chiens ont pris certaines habitudes et si on ne peut plus les former cela représente un coût inutile important.

Quelles sont les qualités demandées aux familles d'accueil et les difficultés qu'elles rencontrent ?

Elles doivent apprendre au chien à se déplacer dans son milieu naturel, rural ou citadin. A ce niveau-là, il n'y a pas de gros soucis. En ville, les chiens s'intéressent à leurs congénères, il faut donc les habituer à en croiser sans qu'ils s'y intéressent de trop, pour qu'ils n'oublient pas leur mission. L'essentiel, c'est qu'une personne de la famille qui travaille à mi-temps ou pas du tout, trouve beaucoup de disponibilité pour s'occuper du chien et le sortir. S'il est seul pendant huit heures par jour et qu'il sort juste pour ses besoins, cela n'apporte rien.

La famille d'accueil doit aussi être disponible pour les séances d'éducation avec le moniteur, qui leur apprend comment faire obéir l'animal à certaines règles, comment le tenir en laisse, lui apprendre à ne pas grimper dans les fauteuils et à ne pas sauter sur les gens. Cela s'apparente à un dressage normal, mais il faut en plus le sortir au maximum pour lui apprendre à s'arrêter aux signaux et devant les passages pour piétons, ainsi que de ne pas traverser seul, pour que la personne déficiente visuelle s'arrête lorsque c'est nécessaire.

Quelles sont les races que vous utilisez ?

Au début, nous choisissions souvent des labradors et golden retrievers, car ils sont très conviviaux et ont une grande capacité d'apprentissage. Maintenant ils sont souvent croisés avec des bergers belges, pour éviter le risque de maladies génétiques comme celles de dysphasie des hanches. Nous préférons donc les croisements, car ce sont des chiens qui doivent fournir un travail sur au moins 10 ans.

Ils doivent aussi pouvoir être manipulés dans tous les sens, donc il faut un chien à l'aise partout, éveillé et curieux. Le profil type est un chien en bonne santé, de taille adéquate, convivial, capable de travailler pendant de nombreuses heures. Il faut aussi qu'il ait du caractère : il doit pouvoir refuser un geste ou un ordre d'avancer si cela implique un danger.

Est-ce que vous connaissez les personnes pour lesquelles vous dressez les chiens ?

Oui, ces personnes sont généralement placées sur une liste d'attente de deux ans et lorsque leur tour arrive, nous essayons de créer l'équipe la plus harmonieuse possible en choisissant le chien en accord avec le caractère du maître. Si ce dernier est une personne calme, nous essayons de lui donner un chien calme et pour une personne plus active, nous leur donnons un chien plus actif, qui aime sortir et qui exige aussi davantage d'être promené.

Il faut aussi un animal adapté à la taille de l'appartement ou de la maison, mais aussi à la vitesse de marche de la personne déficiente visuelle. C'est pour cela qu'il y a un délai d'attente car on fait essayer plusieurs chiens à la personne avant de déterminer le type d'animal qui lui conviendra le mieux.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.