Interview anonyme, Kinésithérapeute

Interview réalisée en janvier 2007

Le type de travail que vous réalisez avec les personnes âgées est-il différent de celui d’une clientèle privée ?

Il faut préciser d'abord que nos patients sont des personnes âgées qui présentent généralement des troubles confusionnels et fréquemment un syndrome dépressif. A ces problèmes, s'ajoutent des problèmes somatiques. L'approche de ces patients est particulière et adaptée tant au niveau de la communication qu'au niveau des objectifs de prise en charge. Ceux-ci doivent être réorientés régulièrement en fonction de la symptomatologie et des problèmes nouveaux observés tous les jours. Nous avons donc des personnes très vulnérables et très vite en perte d'autonomie. C'est à ce niveau que le kinésithérapeute intervient en collaboration avec l'ensemble des membres de l'équipe soignante.

Quel type d’attitude avoir face à la dégradation des capacités de certaines personnes ?

Ce qui importe, c'est de respecter le patient. Il est capital de lui préserver toute sa dignité. Pour lui, communiquer avec son entourage est une difficulté permanente. C'est à nous, soignants, de nous adapter à ses capacités et non l'inverse. Celle-ci doit être adaptée et rassurante. La communication verbale est insuffisante pour se faire comprendre. Celle-ci doit être amplifiée par la mimique, le toucher, etc. Nous nous adressons à tous ses sens. D'un autre côté, nos patients sont peu conscients des problèmes qu'ils rencontrent. Certains vivent des problèmes familiaux, des problèmes sociaux. Même si la résolution des ces problèmes relève de la compétence du médecin ou des travailleurs sociaux, nous devons être attentifs à ces aspects et en référer à qui de droit en vue de protéger au mieux le devenir des patients.

Quelle est votre patientèle ?

Les personnes que nous recevons ici sont généralement des personnes âgées qui souffrent de différents problèmes comme celui, par exemple, de la désorientation, des troubles du comportement. De par leur âge, ces personnes ont une panoplie d’atteintes physiques qui n’ont pas forcément été explorées. La durée de leur séjour chez nous est d’environ deux mois, deux mois et demi et ce laps de temps est nécessaire pour leur permettre, en sortant, de pouvoir rentrer chez elles ou retourner en maison de repos. Tout est envisagé pour elles, au-delà des soins, il y a aussi l’aspect social, l’aspect juridique. Il s’agit donc d’un travail pluridisciplinaire.

Tout le monde a une idée relativement précise des actes que peut poser un kinésithérapeute, c’est peut-être moins vrai pour un kinésithérapeute qui travaille avec des personnes âgées ?

Avec ces patients, on vise avant tout le fonctionnel. Ce qui importe c'est de rendre au jour le jour, ou de maintenir une qualité de vie maximale à la personne. On doit se construire une certaine vision de la revalidation, très éloignée de notre formation de base. Les actes techniques sont peut-être semblables mais ils sont réalisés dans un esprit différent. Il est nécessaire d'accepter que tout investissement peut être rapidement remis en question. L'âge, l'évolution de la maladie, des complications imprévues nous appelle à beaucoup de modestie. Notre vision de la vie est affectée.

Rencontrez-vous des difficultés ?

Rencontrer ce type de patients implique un effort certain.Les cris sont fréquent, les troubles de mémoire rendent nécessaire la répétition constante de consignes, d'ordres simples. C'est parfois "usant". On vit des situations qui ne laissent pas indifférents, la mort se rencontre régulièrement. Tout cela peut agresser sa propre personnalité. D'autre part, ces patients vivent une pathologie évolutive qui couvrira plusieurs années. Les proches en sont souvent très affectés, ils ne comprennent pas ou n'acceptent pas cette maladie. Nous devons aussi les prendre en charge, les soutenir, les éclairer. Le plus souvent cela apporte beaucoup de satisfactions mais aussi parfois quelques frustrations.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.