Interview anonyme,
Gestionnaire de gîtes et de ferme pédagogique

Comment avez-vous décidé de vous lancer dans le tourisme vert ?

Je pratique le tourisme à la ferme depuis 11 ans. A l'époque, j'avais un bâtiment qui n'était plus d'utilité au niveau agricole, et qui était en très mauvais état. Il fallait le rénover, mais dans quel but ? J'ai eu l'opportunité de visiter un gîte et l'idée a germé.

On a commencé par un gîte de 4 à 6 personnes, puis un deuxième, et ensuite, on a ouvert un gîte de 30 personnes. Depuis peu, on travaille aussi comme ferme pédagogique.

Pourquoi avez-vous décidé d'ouvrir une partie ferme pédagogique ?

Comme j'ai un gîte de grande capacité, j'y accueille souvent des groupes où il y a beaucoup d'enfants. Et les enfants sont très intéressés par l'activité agricole. C'est très porteur, j'ai de plus en plus de demandes. Si vous recevez bien vos premières classes, les instituteurs vont se le dire. Les enfants, eux, sont toujours enchantés. C'est si facile de leur expliquer la vie des animaux quand ils les ont devant les yeux, les questions viennent d'elles-mêmes.

De plus, les fermes pédagogiques deviennent maintenant accessibles aux familles, hors des classes. On parle alors de fermes découvertes. Moyennant un prix, comme au musée. Sinon qu'il s'agit de musée vivant, de musée de la vie.

Depuis 10 ans que je reçois des touristes, je me suis rendu compte que même les adultes connaissaient très mal l'agriculture. Soit parce qu'ils n'avaient pas été informés, soit parce qu'ils l'avaient mal été. Je crois qu'il faut recréer une nouvelle image de marque de l'agriculture qui corresponde un peu plus à la réalité. Les fermes pédagogiques, ce sont des portes ouvertes toute l'année.

Concrètement, comment se déroule le séjour des touristes ?

Quand ils arrivent, on les accueille, on leur fait visiter les lieux ; on essaye un peu de savoir qui ils sont, d'où ils viennent, ce qu'ils font dans la vie. Ainsi que leurs attentes pour le week-end ; c'est là qu'on juge si on peut les inviter à visiter la ferme, à participer à certains travaux, si on propose des activités aux enfants... Après, de toute façon, ils ont leur autonomie, ils peuvent organiser leur week-end comme ils le désirent, étant donné qu'ils ont sur place de la documentation sur toute la région.

Ca signifie aussi qu'il faut s'investir au niveau du développement rural et de ce qui se passe dans la région. Il faut se faire connaître, aller voir les offices de tourisme. Essayer que le week-end se passe au mieux. Parce que si les clients sont satisfaits, en principe ils reviendront.

A quels styles d'activité les touristes peuvent-ils participer ?

Souvent, c'est avec les enfants. Ils peuvent venir le matin pour donner les soins aux animaux. J'ai beaucoup de petits animaux, comme un nandou, un cochon vietnamien, des moutons, des lapins. On leur donne l'occasion de les nourrir, de donner des biberons quand il y a des petits veaux par exemple.

Si c'est en été, en période de moisson, les adultes nous accompagnent avec plaisir. Ils ramassent et ils déchargent. Parfois pas longtemps, mais ils le font de bon coeur. Ils ont ainsi l'opportunité de réaliser ce qu'est le labeur d'un agriculteur. Leur vision du métier change.

N'est-ce pas trop difficile de continuer son activité d'agriculteur malgré ces interruptions fréquentes ?

C'est comme pour toute diversification. Je dois établir mes programmes en tenant compte des personnes qui peuvent arriver. J'ai aussi la chance de pouvoir être plus disponible pour les touristes parce que mon fils travaille avec moi. Il est vrai qu'on peut avoir parfois l'impression de perdre son temps, quand on passe plus d'une heure à discuter avec les touristes, mais l'accueil chez soi de personnes étrangères permet aussi de savoir ce qui se passe de l'autre côté de la société. L'écoute est l'une des richesses de cette diversification : elle laisse des points positifs des deux côtés.

Qu'en est-il de la promotion ?

Tout d'abord, il y a une promotion qui se fait au niveau de la Région (Wallonie) par l'intermédiaire du guide BELSUD qui reprend les établissements de tourisme de terroir reconnus dans cette région. Il faut savoir que les appellations du tourisme à la ferme sont réglementées. Il faut être reconnu auprès du Commissariat Général au Tourisme pour obtenir l'agréation et la classification par la suite.

Les associations de tourisme vert organisent aussi leur promotion, elles sont présentes sur toutes les foires agricoles et de tourisme. Le propriétaire a par ailleurs la possibilité de passer par des agences de réservations étrangères, ou de faire sa promotion personnelle par un folder, ou via des initiatives touristiques plus régionales.

Depuis 10 ans, la promotion a changé, s'est étoffée. Il y a des articles, on passe à la radio, à la télévision. Les panneaux le long de la route y participent aussi.

Comment obtient-on l'agréation ?

Il faut introduire un dossier au Commissariat Général au Tourisme, où un décret détermine les règles, les aménagements minimum à effectuer dans un hébergement. Il y a notamment des règles au niveau des équipements, de la superficie des chambres, du minimum au niveau sanitaire ou au niveau cuisine, des aménagements intérieurs et extérieurs. Parallèlement, il y a un dossier de classification, de 1 à 4 épis, avec des pré-requis pour chaque catégorie. La classification en Belgique est assez stricte, la qualité requise très haute. Sur 10 ans, le secteur a fortement évolué, on a élevé le niveau parce qu'on est attentif aux demandes du touriste, évolution oblige.

L'image de marque du secteur compte. On dit toujours qu'un touriste mécontent en préviendra dix, tandis qu'un touriste satisfait en amènera deux nouveaux. Le touriste ne reste pas huit jours dans le gîte, il voyage tout autour et se fait une image de la Belgique. On prépare sa vision du pays.

Les touristes sont-ils différents depuis que vous avez commencé ?

Une modification de l'idée des vacances s'est opérée. Il y a 10 ans, on louait plus facilement pour 3 semaines-un mois. Maintenant, il s'agit surtout de petites périodes. Une à deux semaines en période de vacances, et sinon des week-ends. La mentalité a évolué. Les gens prennent leur congé par petites périodes, souvent en famille, et ils recherchent moins le soleil.

Il y a une augmentation croissante du nombre de gîtes, et pourtant la moyenne d'occupation reste identique, de 18 à 22 semaines, parce qu'on accueille de plus en plus de personnes chaque année.

Quelles sont les qualités requises pour faire de l'accueil à la ferme ?

D'abord l'ouverture d'esprit. Accepter tout client, aimer le contact et être toujours disponible. Avant leur arrivée, quand ils appellent au soir pour réserver. Quand ils arrivent, même si vous êtes justement en train de traire. Et pendant leur séjour, parce qu'ils voudront peut-être vous poser des questions au moment même où vous passez à table. Le tourisme du terroir, c'est d'abord l'accueil et la proximité.

Quels en sont les inconvénients ?

Un des principaux inconvénients est d'être retenu à la ferme quasiment tous les week-ends. Ensuite, on doit être très attentif à ce qui se passe dans sa ferme, veiller à son bon ordre, supprimer au maximum tout risque d'accident. Il faut rester sur le qui-vive, et être disponible. A chaque instant. Il faut toujours être prêt à donner de son temps.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui voudrait se lancer dans le tourisme vert ?

Le premier conseil, c'est de s'informer dans les exploitations agricoles qui font déjà ce type de diversification, de les visiter et de parler avec les propriétaires. Pour se donner une idée plus exacte et mieux faire son choix. Le deuxième conseil, c'est de s'adresser à une des associations de tourisme à la ferme. Les équipes sont là pour aider à la réalisation d'un projet, et pour sa promotion ensuite. Les rapports entre les propriétaires sont très bons, c'est dans notre intérêt. Il faut collaborer, être partenaires. Celui qui veut faire ça tout seul dans son coin se pénalise lui-même, il sera mis de côté de toute façon, et il ratera des opportunités.

Pensez-vous que le tourisme est un secteur d'avenir ?

Je suis persuadé qu'il y a encore de nombreux produits qui peuvent se créer dans les exploitations agricoles, et au niveau du tourisme certainement. C'est un métier d'avenir pour celui qui veut s'investir. Plus j'avance et plus je découvre de nouveaux projets. Il y a quelques années encore, on ne parlait pas de fermes pédagogiques, par exemple.

Le tourisme est un nouvel objectif de diversification, mais beaucoup plus porteur, je crois. Parce que les touristes, ce sont des consommateurs. Et là, il y a encore énormément à faire. On pourrait combiner leurs visites avec une dégustation de produits du terroir. Quand ils retournent chez eux, il faudrait qu'ils puissent retrouver tous les produits qu'ils ont découverts pendant leur séjour.

L'intérêt, c'est qu'il s'agit de développement rural, ça fait vivre tout le monde. Les touristes essayent de participer aux activités du village et font fonctionner le commerce. C'est intéressant pour l'ensemble de la communauté rurale.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.