Mr Luc Denil,
Professeur d'éducation physique

Interview réalisée en décembre 2008

Pouvez-vous brièvement nous décrire l’école dans laquelle vous enseignez ?

Il s’agit d’un établissement d’enseignement secondaire qui propose des études générales et techniques de transition. Il y a environ 1400 élèves. Et nous sommes sept professeurs d’éducation physique : quatre bacheliers et trois masters universitaires.

Le bachelier que vous avez fait était-il adapté à l’exercice de votre profession ?

Oui dans la mesure où, à côté des nombreux cours pédagogiques, d’autres étaient directement ciblés sur la pratique de différents sports, qu’ils soient athlétiques, aquatiques, gymniques ou encore collectifs avec balles, ballons et raquettes. Je constate d’ailleurs que les stagiaires que j’accueille chaque année sont pour la plupart bien préparés aux techniques de base des disciplines.

Faut-il avoir la bosse des sciences pour entamer ce type d’études ?

Pas du tout. Durant mes secondaires, je n’avais que 3h de sciences par semaine et cela ne m’a pas empêché de réussir mon bachelier. On n’étudie pas les sciences pures, plutôt la physiologie, la biométrie, l’anatomie et la biomécanique. Il vaut mieux par contre être intéressé par tous les sports et avoir un niveau suffisamment bon dans plusieurs disciplines. Faire un bachelier en éducation physique uniquement parce que l’on aime jouer au basket me paraît un peu simpliste.

Constatez-vous des faiblesses récurrentes chez les étudiants stagiaires en éducation-physique ?

La gymnastique, sans aucun doute. Et aussi la pédagogie. Pratiquer un sport est une chose, l’enseigner en est une autre… Il ne faut pas oublier que professeur d’éducation physique, ce n’est pas jouer au foot avec des élèves mais c’est transmettre des compétences.

Quel a été votre parcours professionnel ?

Après mes études et mon service militaire, j’ai effectué un remplacement dans une école. Je ne l’ai plus jamais quittée ! J’avoue que j’ai eu beaucoup de chance. La plupart des bacheliers qui débutent doivent bien souvent aller d’école en école. Toutefois, malgré le fait que je sois diplômé depuis 1991, j’ai seulement obtenu ma nomination à titre définitif plusieurs années plus tard. Un enseignant vit généralement bien longtemps dans l’incertitude quant à son statut, sa sécurité d’emploi. Aujourd’hui, je suis nommé à temps plein, soit pour 21h par semaine.

En dehors de vos heures de cours, suivez-vous des formations complémentaires, des recyclages ?

Au sein même de l’école, je dois participer à diverses réunions, notamment les conseils de classe. Avec les autres professeurs d’éducation physique de l’établissement, on a aussi des réunions de concertation pour évaluer notre travail. Quant aux recyclages, ils existent mais sont peu nombreux. Récemment, j’ai été initié à de nouveaux sports, tels l’indiaka et la crosse canadienne. Certaines journées de recyclages sont vraiment très instructives et très agréables, comme celles organisées annuellement à Louvain-la-Neuve où près de 50 disciplines différentes sont proposées ! Et parmi elles, il y a des sports moins pratiqués dans le cadre scolaire comme le football américain, le flag football (une sorte de football américain sans contacts) ou encore le rugby.

Suivez-vous un programme précis ?

Au sein de notre établissement, les professeurs d’éducation physique, dont moi-même, se sont récemment réunis et en ont réalisé un nouveau, à la demande de l’Inspection. Ce programme, qui a été approuvé par la Fédération Wallonie-Bruxelles, permet de solliciter les compétences des champs de la coopération socio-motrice et des habiletés gestuelles et motrices du référentiel "Socle de compétences". Il se décline en quatre axes : l’éducation à la santé, l’éducation à la sécurité, l’éducation sportive et l’éducation à l’expression.

Au niveau du 1er degré, en quoi consistent les axes de l’éducation à la santé et à la sécurité ?

L’axe de l’éducation à la santé aborde l’endurance en course à pied et en natation. L’objectif est que l’élève maintienne dans le temps un effort prolongé d’intensité modérée et acquiert un rythme propre. Un élève de 1ère doit être capable de courir 15 minutes sur une distance de 1800m minimum et de nager 15 minutes avec un minimum de 12 longueurs. En 2ème, il devra pouvoir courir 20 min sur 2200m minimum et nager 20 minutes avec un minimum de 18 longueurs. La force et la souplesse des élèves sont également testées. Ceux-ci doivent pouvoir reproduire des exercices via des "Circuits training" sur engins et/ou avec de petits haltères et des séances de renforcement musculaire ou d’assouplissement avec partenaire. Ils doivent aussi être capables de gérer un stress physique (peur des sauts, vertige, etc.), et psychologique (timidité, peur de la critique, des moqueries) mais aussi l’expression de leurs émotions face à un adversaire ou à un résultat. En natation, on tend à les initier à l’apnée et à d’autres exercices subaquatiques.
L’axe de l’éducation à la sécurité a pour but d’adopter un comportement sécurisé et adapté à des situations à risque de la vie courante, domestique ou professionnelle. Cet axe se matérialise en natation via l’apprentissage de règles élémentaires de sécurité en milieu aquatique. En 1ère, on leur demande de nager 25m dans un style efficace et en 2ème dans un style "correct". Cet axe se matérialise aussi en acrogym par la présentation d’une production de groupe du style pyramide, par des parcours d’obstacles divers, d’équilibres sur supports différents à une hauteur moyenne basse. Enfin, il se matérialise aussi via des jeux d’opposition que l’on pourrait définir comme des duels (poussées, tractions, esquives) qui permettent le dépassement de soi dans le respect d’autrui.

Et l’axe de l’éducation sportive ?

Il se décline selon la discipline :
- natation : les non nageurs devront apprendre une des trois nages de base : le crawl, la brasse et le dos crawlé au choix et ce, en fonction de leurs aptitudes et de leurs points forts. Les autres perfectionneront la technique des trois nages ;
- sports collectifs : le but est de prendre les bonnes décisions au bon moment et de se donner les moyens techniques d’y arriver dans le but de vaincre une équipe adverse en respectant les règles du jeu. Au sein de notre école sont abordés le handball, le basket-ball, le football et le mini-foot (règles de bases et fondamentaux techniques) ainsi que des sports nouveaux tels le base-ball, l’unihoc ou encore le tchouk-ball ;
- gymnastique sportive : au sol, les élèves du 1er degré doivent réaliser des culbutes avant groupées et jambes écartées, la chandelle, la roue, le trépied et l’appui renversé contre espalier. Ils doivent sauter au bock hors appui, effectuer des exercices précis sur un grand trampoline, aux barres asymétriques et aux barres parallèles. Enfin, ils doivent aussi monter sur une corde ;
- sports de raquettes : vu nos infrastructures et notre matériel, ce sont principalement le badminton et le tennis de table qui sont visés par notre établissement. On y voit là aussi les règles de base et les fondamentaux. Pour donner un exemple, en 1ère année, on demande aux élèves de tenir 20 échanges et 30 s’ils sont en 2ème ;
- athlétisme : cela concerne surtout les sauts en hauteur et en longueur (prise d’élan, battue et réception).

Pouvez-vous aussi nous parler de l’axe de l’éducation à l’expression ?

Dans les sports collectifs, il s’agit avant tout de l’expression de ses émotions face à des partenaires, des adversaires ou un résultat. Pour la gymnastique, c’est le sens de la présentation, de la rigueur et de l’élégance face à son professeur. Pour l’évaluation, lors d’une fancy-fair par exemple, on demande aux élèves de présenter un modèle vu en classe.

Et au niveau du 2ème degré ?

Ces grands axes se retrouvent également mais bien évidemment avec un niveau d’exigences plus élevé. Ainsi, par exemple, un élève de 3ème doit être capable de courir 22 minutes sur une distance de 2300m minimum. En 4ème, ce sera 25 minutes sur 2800m.
On peut aussi initier à d’autres sports, comme le judo ou encore le volley-ball. Dans les sports collectifs, la technique et la tactique sont plus approfondies. En gymnastique, les exercices demandés sont aussi d’un autre niveau d’exigence. Enfin, en athlétisme, on peut travailler les lancers du javelot et du poids. J’insiste bien sur le fait qu’une part d’initiative est laissée au professeur. Il ne doit donc pas obligatoirement suivre ce programme à la lettre. 

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’exercice de votre métier ?

La discipline assurément. Le respect de l’autorité se perd, malheureusement, comme la politesse d’ailleurs. Et il suffit d’un élève récalcitrant pour pourrir le climat. Les parents ne sont pas non plus toujours faciles à gérer. Un professeur d’éducation physique peut aussi être confronté à un problème d’infrastructures, une salle pas adéquate, ou encore à un manque de matériel flagrant. Difficile dans ces cas de faire du bon travail. Heureusement, mon école est plutôt bien pourvue dans ces domaines. Je n’ai pas trop à me plaindre.

Qu’est-ce qui vous motive à enseigner ?

Dans certains cas, la propre motivation des élèves. C’est surtout vrai pour ceux qui sont déjà sportifs à la base. Je trouve cela aussi valorisant de faire apprendre une discipline quelle qu’elle soit ainsi que des valeurs. Certains élèves que j’ai eus par le passé ont ensuite rejoint un club après avoir découvert la discipline que je leur avais enseignée.

Avez-vous un projet personnel à développer au sein de votre école ?

J’aimerais instaurer des notions d’arbitrage. Cela concernerait plutôt les élèves qui sont dans l’incapacité de pratiquer une activité sportive. Je trouve que ce serait une bonne façon de les impliquer dans le cours plutôt que de leur faire faire une rédaction sur un thème en rapport avec le sport.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.