Mme Marianne,
Gestionnaire de Patrimoine

Comment devient-on gestionnaire de patrimoine ?

En principe, il n'y a pas d'études prévues pour devenir gestionnaire de patrimoine. Néanmoins, une formation supérieure économique est évidemment la plus appropriée. Il existe des cycles de formations post-universitaires tel que, par exemple, analyste-financier, organisés en deux ans par l'ABAF (Association Belge des Analystes Financier). C'est donc l'expérience et la transmission d'un savoir au contact d'autres personnes qui priment : on ne devient pas gestionnaire de patrimoine à la sortie des études.

Qui sont vos clients ?  Des institutionnels ?  Des privés ?

Depuis 1979, je m'occupe de gestion de clientèle privée par opposition à la clientèle institutionnelle (compagnies d'assurances, fonds de pension, etc.).

La clientèle privée est constituée de personnes qui soit, ont reçu un héritage, soit ont une fortune personnelle, soit des gens qui vendent leur société et qui en gèrent le capital, soit encore qui gèrent leur épargne-pension.

Y-a-t-il un capital minimum requis ?

Dans notre société, il n'y a pas de capital minimum, mais la façon dont sont investies les liquidités diffère selon les montants du capital. Cela est assez simple à comprendre : si vous voulez des diversifications suffisantes dans un portefeuille, il faut un minimum de valeurs dans chaque pays avec un minimum de pays, et en obligations un minimum de devises, etc. Il va sans dire que pour couvrir ces opérations, un certain capital est exigé.

Comment peut-on définir concrètement les missions de votre fonction ?

Les missions du gestionnaire de fortune dépendent de deux types d'analyses : l'analyse primaire, organisée dans un bureau d'études où des analystes étudient les sociétés avec lesquelles ils sont en contact.

L'analyse secondaire : il s'agit ici d'analyses faites par des intervenants extérieurs à notre société. Nous recevons, de façon hebdomadaire, leurs informations et leurs études, que nous dispatchons dans certains de nos portefeuilles. Exemple : si l'analyste extérieur nous informe qu'il est opportun d'acheter Suez ou Philips, nous prenons la décision d'acheter au profit du portefeuille de nos clients. Ceci schématise le cheminement de notre mission.

Aujourd'hui, la commission bancaire et financière (CBF) a très fort réglementé la profession. Il est impératif que le client signe un contrat de gestion pour pouvoir être géré. Ceci semble évident, mais avant cette réglementation, le contrat était tacite. 

Cet élément essentiel évalue le niveau de risques que le client est disposé à supporter. Notre travail dépend donc de nombreuses concertations avec le client qui ont permis de délimiter son profil  et ses exigences. Ce contrat détermine par exemple la volonté d'une croissance de son capital, ou un revenu de son capital, ses actions ou ses obligations. Il s'agit en quelque sorte d'artisanat puisque chaque client a des desiderata particuliers.

En fait, nous proposons 3 modes de gestion :

  • soit le client ouvre un compte chez nous, et donne ses ordres d'achat et de vente. Nous n'avons dans ce cas, aucune valeur ajoutée ;
  • soit la gestion discrétionnaire : ce mandat de gestion est régi par certaines contraintes fixées préalablement par le client. Exemple : un client peut refuser toute transaction liée à l'armement. De plus, celui-ci mentionne son souhait d'avoir un portefeuille défensif (axé sur les obligations), équilibré (ce sont les revenus du capital et sa croissance) ou actif (axé sur les actions) ;
  • soit la gestion conseil : ici, on ne peut absolument pas intervenir dans un dossier sans l'accord du client. Exemple : si l'on veut vendre un titre ou lui recommander d'en acheter un, il faut l'appeler et lui expliquer les motivations. Il lui appartient dès lors d'en prendre seul la décision. Ce type de gestion ne s'applique qu'à une partie minoritaire de notre clientèle.

Dans un métier d'une telle technicité, quel rôle a encore l'aspect humain ?

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'aspect humain est primordial. Nous sommes probablement, avec les médecins, les seuls confidents de nos clients. Effectivement, nous sommes obligés de bien connaître leur situation familiale, patrimoniale et fiscale. Les contacts établis sont tellement confidentiels qu'ils se doivent d'être rigoureusement stables.

La fréquence des entrevues avec le client est proportionnelle à leur portefeuille. Ils reçoivent dans tous les cas un bulletin trimestriel.

Quelles sont les compétences indispensables pour être un gestionnaire de patrimoine ?

Au delà de la formation supérieure économique évoquée plus haut, l'aspect humain me semble primordial. Il faut posséder de réelles qualités d'écoute, de psychologie et de communication.

Dans notre métier, l'aspect chiffre de la fiscalité fait face aux relations humaines et familiales et exige donc une écoute particulière ; notamment, lors de planification successorale. 

Il faut être capable de travailler en équipe.

Le bilinguisme, voire le trilinguisme est indispensable. Exemple : toutes les analyses nous parviennent en anglais.

De quels autres spécialistes vous entourez-vous pour mener à bien votre travail ?

D'un point de vue hiérarchique, je fais partie d'une équipe de 15 gestionnaires en charge de la clientèle privée. Cette équipe est chapeautée par un Directeur.

De plus, la cellule Real Estate Planning où travaille un juriste fiscaliste qui s'occupe de dons manuels, de planifications successorales. Il existe également un cellule de gestion institutionnelle, une cellule Corporate (c'est-à-dire qui s'occupe de fusions et d'acquisitions de sociétés) ainsi qu'une équipe qui travaille en salle des marchés, etc.

Avez-vous dû suivre des formations complémentaires ?

Au départ, j'ai un master en sciences commerciales et financières, puis j'ai passé l'examen d'accès à la profession d'agent de change. A l'époque, une mesure transitoire autorisait les personnes qui travaillaient en banque, ce qui était mon cas, et qui avaient une connaissance en matière de titre de passer cet examen. C'est donc ce que j'ai fait, cet examen requérait comme connaissances, les statuts de la production de la bourse, les courtages, etc.

J'ai travaillé directement chez un agent de change à Liège pendant 5 ans où l'on m'a permis d'aborder en plus la gestion clientèle privée et de l'animation de clubs d'investissements.

Ensuite, j'ai travaillé pendant 10 ans dans deux institutions bancaires différentes où j'étais en relation avec les agents de change. Durant trois années, j'ai travaillé en bourse tous les jours. Ensuite, j'ai rejoins la société de bourse où je travaille actuellement.

Quels sont vos horaires de travail ?

Cela dépend de l'activité boursière. On peut vivre des périodes d'activité très intense. Dans ce cas, on ne compte pas ses heures. En général, nos plages horaires sont très élastiques. Nous recevons des clients qui eux-mêmes travaillent et devons les rencontrer, ou tôt le matin, ou à midi, ou tard le soir. Certains demandent que nous nous déplacions à leur domicile, d'autres se rendent chez nous le soir. Tout cela demande un investissement de temps assez considérable.

Sont-ils compatibles avec une vie familiale ?

Je pense qu'avec un minimum d'organisation, cela est faisable.

Quel est votre mode de rémunération ?

Nous avons un statut d'employé. Nous ne sommes pas commissionnés sur les performances des portefeuilles. Cette règle évite certaines dérives. Nous sommes donc des employés tout à fait normaux avec un système de rémunération, de participation aux bénéfices qui est unique chez nous. On reçoit des parts bénéficiaires, mais ce n'est pas du capital. On en reçoit quand on a bien travaillé.

Qu'auriez-vous envie de dire à une personne qui se destine à ce métier ?

Partons du principe qu'il y a les compétences professionnelles au point de vue qualités humaines, comme je l'ai dit plus haut, de la psychologie, beaucoup de patience car ce sont des gens qui ne sont pas toujours avertis en matière financière. Il faut expliquer patiemment, avec pédagogie, diplomatie et rigueur ce qui se passe dans leur portefeuille. Il faut également veiller avec philosophie à être "détaché" de l'évolution des marchés boursiers. Si votre moral est corrélé à celui-ci, depuis mars 2000, vous ne dormez plus.

Alors, bien évidemment, on prend à cœur le portefeuille de notre client, mais il faut garder une certaine distance. Comme j'ai 20 ans d'expérience, je suis déjà passée par toutes sortes de crises qui finissent par passer.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.