Mme Marie Chantelot, Céramiste

Interview réalisée en avril 2013

Comment êtes-vous devenue céramiste ? Quel a été votre parcours ?

J’exerçais une autre profession mais lors d’un voyage au Yémen, j’ai découvert des constructions en terre qui dataient de plusieurs centaines d’années et qui tenaient  toujours car elles sont restaurées chaque année. J’ai été attirée par la matière.

J’ai donc commencé par suivre un atelier créatif puis je suis allée dans une académie. J’ai pris une pause carrière dans ma profession et j’ai alors changé tout à fait de métier. 

En quoi consiste ce métier ? Quels sont les types d’objets créés ?

La céramique est un terme générique qui couvre toute une série de matières comme la faïence, le grès, la terre cuite. Ces matières se cuisent à des températures différentes, ont des solidités différentes, pour des usages différents.

Il existe plusieurs options dans ce métier : l’option "utilitaire", dans laquelle on fait souvent  appel à la technique du tournage (façonnage d’une pièce à la main ou à l’aide d’un tour) ou du coulage (verser une barbotine, terre sous forme liquide, dans un moule) ou l’option plus "sculpturale", avec la création de pièces uniques, la mise en place d’installations… Personnellement, je travaille beaucoup la récupération de petits objets auxquels je donne une nouvelle vie lors d’installations.

Quelles sont les techniques, les matériaux que vous utilisez ?

J’utilise presque exclusivement la porcelaine car je peux la couler sous forme liquide dans des moules en plâtre. Avant, je faisais du tournage mais maintenant, j’utilise surtout le coulage.

Quelles sont les différentes étapes de votre travail, de l’idée à la réalisation ?

Je commence généralement par faire des dessins, des maquettes et puis j’essaie différentes cuissons.  Il y a des choses qui tiennent, d’autres pas. C’est toujours un peu une surprise car on ne peut pas toujours contrôler le résultat. C’est une partie un peu aléatoire du métier, que les artisans doivent prendre en compte et accepter, mais cela pose moins de problèmes à partir du moment où ce sont des pièces uniques et non produites en série.

On procède donc d’abord à une première cuisson (entre 900 et 1000°) de terre nue. Puis, il y a une deuxième cuisson à plus haute température, avec ou sans émail. La pièce est alors terminée, on ne peut, en principe, plus y toucher. Parfois, en troisième cuisson, il est possible d’appliquer un dessin en décalcomanie.

Il y a quand même un aspect très technique dans la cuisson car il faut veiller à ce que la température soit homogène et à ce que la pièce ne fasse pas plus d’1 cm d’épaisseur sinon, elle explose dans le four ! 

Travaillez-vous sur commande ou selon votre inspiration ?

Je travaille presque toujours suivant mon inspiration même si j’ai quelques commandes. J’ai, par exemple, participé au Parcours d’artistes de Saint-Gilles où on m’a proposé de travailler sur le thème de la ville de Détroit. Mais généralement, je réalise moi-même des installations avec mes objets.  

Quelles sont vos inspirations ?

Ce sont des petites choses du quotidien qui ont été utilisées ou qui vont être jetées et que je récupère. Je transforme, par exemple, des dosettes de café en fleurs, par centaines. Lors d’installations en intérieur ou en extérieur, je les fais bouger avec un ventilateur. Je travaille beaucoup en rapport  avec l’alimentation (petits os, sachets de thé, etc.) ou avec ma généalogie. J’ai notamment utilisé une photo de ma grand-mère qui s’efface petit à petit, sur des plaques céramiques. 

Est-ce une discipline qui évolue ?

Depuis 10 ans, c’est le cas. Il y a eu une stagnation dans les années 70, avec des pièces tournées à la main par l’artisan et sur lesquelles on voyait parfois encore la trace des doigts. Dans les années 80 et 90, il est devenu assez difficile pour les artisans de s’insérer dans l’art contemporain. La céramique restait une matière "pauvre". Désormais, elle s’expose avec la peinture, la photo, grâce entre autre à une nouvelle génération d’artistes qui sortent de La Cambre (où une option céramique est proposée), par exemple. De plus, le métier se développe beaucoup grâce à certains designers qui utilisent la céramique comme matière de prédilection.

Continuez-vous à vous former ? Est-ce que vous apprenez des nouvelles techniques ?

Oui, mais j’expérimente plus par moi-même que par des stages bien que j’en aie suivis quelques uns. Il est possible de participer à des stages pointus sur des spécialisations comme les émaux, le verre par exemple.

Comme je fais peu d’utilitaire, je suis en recherche constante, j’expérimente beaucoup.

Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre métier ?

Je dirais qu’il y a beaucoup "d’à côté", d’aspects dont on ne tient pas forcément compte. Beaucoup de céramistes en fin de carrière ont mal au dos car il faut porter des sacs de terre assez lourds, rester dans la même position lorsque l’on tourne… C’est une discipline assez salissante et donc, beaucoup de vaisselle et de choses à laver ! C’est vraiment un art appliqué de la matière. Le coût du matériel lorsqu’on s’installe peut également être un inconvénient, ce qui amène pas mal d’artistes à partager leur atelier.

Mais lorsque l’on crée, on est en dehors du monde et ce sont les moments magiques de l’art.

Que conseilleriez-vous à une personne qui voudrait se lancer ?

Je pense qu’il peut être utile de commencer par suivre un stage afin de se familiariser avec le métier, avec le toucher de la matière, le tournage, le modelage… Certaines personnes se rendent alors compte qu’elles ne sont pas attirées par la matière, qu’il y a un peu de dégoût.

Si cette première approche a plu, elle peut se diriger vers une académie. L’avantage, c’est que ce n’est pas trop cher et qu’il y a les fours à disposition, mais par contre, il y a souvent beaucoup de monde. Sinon, dans le supérieur, il y a aussi La Cambre mais il y a un examen d’entrée pour lequel il faut déjà des notions artistiques. Elle peut alors aller voir des musées, des expos, voyager afin d’en apprendre le plus possible sur le sujet. 

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.