Mme Marie-Claude Thurion,
Conservatrice de Musée

Interview réalisée en janvier 2009

Vous êtes actuellement conservatrice du tout nouveau Musée de la Vie wallonne (MVW) de Liège. Pourriez-vous évoquer votre parcours personnel ?

Mon parcours est assez classique. Après avoir effectué des secondaires en gréc latin, je n’avais qu’une seule envie : entamer des études en histoire de l’art. Ma mère trouvant cette orientation peu prometteuse d'avenir, j’ai dû me résoudre à entamer des études de droit considérées comme plus porteuses en matière d’emploi. Après le deuxième bloc, vécue comme profondément ennuyeux, j’ai décidé d’y mettre un terme pour faire enfin ce que je voulais. Ayant effectué un stage au MVW, dans le cadre de mes études, j’ai eu l’occasion d’y travailler quelque temps lors de contrats assez précaires qui n’ont pu être renouvelés, faute de crédits. Ce travail portait sur la création d’une salle de consultation spécifique aux chercheurs en plus du service éducatif, devenue, depuis, le Centre de Documentation du Musée. A cette époque, la Ville de Liège traversait, en effet, une période très noire…
Ensuite, après avoir œuvré à la bibliothèque de l'Abbaye de Maredsous et puis, pour les Iles de Paix, j’ai fini par réintégrer l’équipe du MVW pour finalement en devenir la conservatrice. Avec la directrice, nous veillons à la bonne organisation de cette institution, désormais prise en charge par la Province de Liège et qui abrite, depuis peu, le Fonds d’Histoire du Mouvement wallon ainsi que la Bibliothèque des Dialectes de Wallonie. En automne 2008, après des années de travaux, le MVW agrandi, entièrement repensé et rénové, a été inauguré. 

En quoi consiste le rôle d’un conservateur de musée ?

Ma mission est de veiller à la collecte et surtout la conservation des pièces de collection ainsi que leur diffusion se fassent dans les meilleures conditions. Je représente donc le pan scientifique du musée qui a la particularité d’être doté d’un fonds très important. Pour info, une partie seulement de ce patrimoine est montrée au public dans les salles du parcours permanent ou lors d’expositions temporaires. Et même si elles sont disséminées dans divers lieux de rangement, les pièces de collection doivent être conservées selon des règles strictes, dans les meilleures conditions possibles et parfois restaurées. 

Concernant vos activités, peut-on évoquer une journée-type ?

Non car le travail est extrêmement varié. Concrètement, quand j’accueille des chercheurs, des étudiants, des collègues d’autres musées, notamment pour des prêts qu’il s’agit de négocier, ou toute personne venant consulter le fonds, je débroussaille le terrain avant de les mettre en contact avec les responsables du centre de documentation ou du département concerné.
Côté administratif, je réponds aux courriels, aux demandes de dons, je supervise les enquêtes ethnographiques, les captures d’images comprises, etc. A côté de cela, je rédige des articles de type scientifique, je réponds aux demandes de rencontres protocolaires et, évidemment, je gère mon équipe de scientifiques et de restaurateurs d'œuvres d'art.
En fin de compte, ce qui est immuable c’est mon inspection du parcours permanent du musée, une fois par semaine, salle après salle, question de vérifier que tout est en état ou d’améliorer l’un ou l’autre point. La directrice, elle, chapeaute l’ensemble : elle s’occupe de l’aspect administratif, organisationnel, de la médiation culturelle (animations, relations publiques, expositions temporaires) de l’institution. Autant dire que nous avons été impliquées dans le projet de rénovation du Musée et que nous travaillons en étroite collaboration.
Au total, notre musée emploie une soixantaine de personnes. C’est donc un gros musée avec un organigramme important où tout est structuré. Dans un petit musée, les fonctions de directeur et de conservateur se confondent. Ainsi, le conservateur se doit d’être polyvalent et sera, parfois gardien, technicien de surface ou comptable !

Quels conseils donneriez-vous à des personnes attirées par le monde des musées ?

Tout d’abord, je crois qu’il est bon de rappeler que toute une série de métiers coexistent dans un musée d’envergure comme l’est, par exemple, le Musée de la Vie Wallonne.
Certes, les emplois les plus "logiques" sont généralement occupés par des historiens ou des historiens d’art mais pour faire "tourner" une structure comme la nôtre, nous avons besoin de graphistes, de gardiens, de menuisiers, d’archivistes ou de restaurateurs d’œuvres d’art, de techniciens, de photographes, de bibliothécaires, d'employés d'administration, de personnel d'entretien et d'ouvriers spécialisés dans la manipulation de pièces fragiles, etc.
Chez nous, on conserve des marionnettes comme des costumes anciens, des objets usuels mais aussi de vieux clichés photographiques ou des bobines de films comme des motos dont l’entretien est pris en charge par des mécaniciens, sans oublier, évidemment, tous les supports papier (livres, journaux ou affiches) : bref, la panoplie des professions représentée est assez large.
En général, mais le conseil vaut certainement pour pas mal de professions, je dirais que le jeune historien ou historien d’art doit être prêt à sortir de ses sentiers battus, à s’ouvrir à de nouvelles expériences, et à accepter l’idée que l’on obtient rarement une place intéressante à la sortie de ses études.
Côté pratique, la connaissance des langues étrangères, et plus prosaïquement la maîtrise de la dactylographie, sont un plus. En matière d’études et vu mon parcours personnel, je pense qu’il est important de suivre sa voie et qu’étudier devrait être un plaisir. Autant dire que c’est le premier conseil que je donne aux étudiants : faites d’abord ce que vous aimez !

Ces dernières années, Liège a décidé de se mettre en avant comme un pôle touristique d’envergure et, à ce titre, tente de valoriser au mieux son patrimoine muséal. Ce choix a-t-il pesé dans le projet de rénovation du Musée auquel vous avez participé ?

Incontestablement. Notre parti pris était de s’ouvrir aux touristes mais avec le souci de proposer un tourisme de qualité, sans oublier l’aspect scientifique du lieu. Un tourisme pensé comme exigeant mais néanmoins amusant car si la connaissance demande un effort, elle ne doit jamais être ennuyeuse. Jadis, le musée, créé en 1913 et rénové en 1971, présentait un caractère essentiellement ethnographique et limité dans le temps. Aujourd’hui, il se définit aussi comme musée de société, envisageant la vie en Wallonie jusqu'à la fin du XXème siècle.

Quelles ont-été les conséquences directes de ce changement de cap ?

Sans aucun doute, en mettant en œuvre la promotion du produit "Musée de la Vie Wallonne" dans les médias, y compris à l’étranger. Un service en relations publiques et communication se charge de cette importante tâche. Jadis, le poste n’existait pas au Musée. Par ailleurs, nous travaillons de concert avec l’Office du Tourisme et la visite du Musée est proposée dans le cadre d’un "package" qui reprend d’autres institutions liégeoises.
Plus concrètement, nous avons eu le souci de communiquer en plusieurs langues ce qui n’était pas le cas auparavant. Ainsi, nous mettons à la disposition des visiteurs des audio-guides et des fascicules de commentaires (conçus en synergie avec des bornes lumineuses placées au fil des galeries) réalisés dans les trois langues nationales ainsi qu’en anglais. Nos guides-maison, comme le personnel de l’accueil, maîtrisent également plusieurs langues.
Autre nouveauté, le souci de susciter la curiosité des enfants : tout au long de la visite, ils peuvent lire des commentaires adaptés à leur âge, délivrés par un petit personnage présent ça et là sur des bornes lumineuses.
Par ailleurs, nous avons particulièrement soigné l'espace d’accueil, la boutique et la cafeteria attenante, le tout sur un même niveau.
Très pratiquement, nous avons également installé un ascenseur qui facilite l’accès du musée aux personnes à mobilité réduite.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.