Mr Mathieu Piavaux,
Historien de l'art

Interview réalisée en octobre 2011

Historien de l’art et chargé de cours au département d’Histoire de l’Art et Archéologie à l’UNamur.

En quoi consiste le métier d'historien de l'art ? Quels sont les domaines dans lesquels il peut évoluer ? 

L’historien de l’art travaille sur les œuvres d’art issues de toutes les époques.

Il peut travailler dans différents domaines de la société selon son domaine de spécialisation. Il va notamment pouvoir être engagé dans les institutions scientifiques, qu’il s’agisse d’instituts de recherches, de musées, de bibliothèques spécialisées ; il peut également se tourner vers l’antiquariat, le commerce d’art, l’expertise ; l’enseignement secondaire (histoire, histoire de l’art, esthétique, religion), supérieur (filières artistiques) ou universitaire (Histoire de l’art, Architecture ; le doctorat est l’exigence de base), constitue également un créneau important, de même que l’animation culturelle (centres culturels), le monde de l’édition, etc.

Il peut travailler dans les musées pour gérer les collections, les étudier, faire des recherches ; en tant que muséologue, il œuvre aussi à la mise en exposition des œuvres, s’intéresse alors à l’utilisation des bâtiments et des espaces qui leur sont destinés, à la façon dont les œuvres sont présentées au public, au parcours, à l’aspect didactique, aux nouvelles technologies qui peuvent servir d’appui à l’exposition etc.  (La scénographie et “mise en scène“ sont plutôt l’œuvre de scénographes et/ou d’architectes spécialisés).

Dans le monde de l’art contemporain, l’historien d’art peut également s’intégrer dans les réseaux spécialisés, mettre en place des évènements, travailler dans des galeries d’art. Il se situe alors entre l’étude des œuvres et le monde de l’évènementiel.

Dans ses activités de recherches, l’historien d’art analyse en profondeur la production artistique. Ce sont principalement les institutions scientifiques fédérales qui engagent véritablement des chercheurs de même que les Universités ou le Fonds de la Recherche scientifique, par exemple. Il s’agit toutefois du créneau le moins facile d’accès. Dans ce secteur d’activité, la thèse de doctorat constitue la première étape à franchir pour progresser ensuite dans une carrière scientifique et académique.

Qu'en est-il de l'archéologie ? Est-ce aussi une autre facette du métier ? 

Oui. Il faut savoir que l’archéologie ne se limite nullement aux fouilles, comme on le pense souvent, mais suppose une palette d’activités et d’objets d’étude assez étoffée. La spécificité de l’archéologie est de s’intéresser exclusivement aux aspects matériels des civilisations des différentes époques, depuis la plus ancienne, la Préhistoire, jusqu’au XIXe siècle. L’archéologue effectue non seulement des recherches archéologiques sur le terrain, mais il étudie aussi le matériel trouvé au cours des fouilles (céramique par exemple), l’architecture ancienne (c’est l’archéologie du bâtiment ou archéologie du bâti) ; et les historiens d’art, lorsqu’ils étudient l’aspect “matériel“ des œuvres, font aussi de l’archéologie.

L’archéologue, tout comme l’historien d’art, est également appelé à exercer en tant qu’expert dans le cadre de la conservation et de la restauration du patrimoine, qu’il soit mobilier ou immobilier (architecture). En Belgique, l’archéologue travaille généralement pour les administrations régionales puisque la gestion du patrimoine, qui mêle étroitement études archéologiques et conservation du patrimoine, est une compétence des Régions. On le retrouve aussi à l’Institut du Patrimoine wallon, dans l’un ou l’autre grand musée bruxellois, dans un centre de recherche universitaire voire dans une ASBL.

En Belgique et en France, mais aussi en Italie, l’archéologie et l’histoire de l’art sont enseignées ensemble à l’Université. Il s’agit effectivement de deux disciplines complémentaires, qu’il est souvent difficile de dissocier. Rien n’empêche évidemment d’accorder davantage de place à l’une ou l’autre de ces disciplines dans son cursus, puis dans sa pratique professionnelle. Dans la culture anglo-saxonne, on a par contre tendance à dissocier les deux métiers dès le cursus universitaire.

Quel est votre parcours ? 

Après mes secondaires, je me suis donc dirigé vers des études en histoire de l’art à l’ULiège, au grand dam de mon père qui est médecin et qui se faisait quelque souci pour la “rentabilité“ future de ce choix d’études. A la sortie de mes études, je me suis inscrit au chômage pendant un an. Pendant ce temps là, je me suis fait connaitre, j’ai fait du bénévolat sur des chantiers archéologiques et j’ai monté des projets avec des archéologues de la Wallonie. J’ai aussi écrit quelques articles et participé au montage d’une exposition, etc. Lorsqu’il y a eu une ouverture de poste d’assistant aux Facultés à l’Université de Namur, j’ai postulé et ai été retenu. J’ai occupé ce poste pendant sept ans. La fin de mon contrat coïncidait avec la mise en place de la réforme de Bologne. Le bachelier est donc passé à trois ans au lieu de deux ce qui, à Namur, nécessitait plus de ressources en termes d’enseignants. Cela m’a permis de donner quelques cours pendant quelques années. J’ai ensuite postulé lors de l’ouverture d’un poste de professeur et ai été engagé. Je suis chargé de cours depuis.

Qu'est-ce qui vous a attiré vers le domaine de l'histoire de l'art ?

Un travail réalisé en rhéto sur l’impressionnisme m’a ouvert les yeux sur l’histoire de l’art. Auparavant, quelques voyages m’avaient un peu sensibilisé à l’architecture ancienne. Dès la première année d’étude, je me suis passionné pour le Moyen âge et, l’année suivante, j’ai mordu dans l’architecture médiévale et me suis spécialisé dans ce domaine. Pendant mes études, j’ai été amené à travailler sur le terrain, ce qui m’a beaucoup plu. On était confronté à des cas d’étude concrets, que ce soit sur un chantier de fouille ou dans un bâtiment médiéval ; pour analyser et comprendre les choses que nous observions, il fallait réaliser des croquis, prendre des photos, faire des relevés, etc. Cela m’a sensibilisé à la pédagogie interactive, aux travaux pratiques et à l’enseignement par problèmes, ce que j’essaie de transmettre dans le cadre de ma fonction actuelle.

Quelles sont les matières que vous enseignez ? 

L’histoire de l’architecture, la conservation du patrimoine, l’art du Moyen-âge, l’archéologie du bâti, la technologie de l’architecture et des cours de méthodologie.

D'après vous, quelles sont les qualités, les compétences qu'un historien de l'art doit posséder ?

L’historien de l’art doit avoir un regard affuté, le sens de l’observation. Il faut aussi beaucoup de rigueur, le gout de la recherche, comme dans toutes les disciplines scientifiques. L’historien de l’art doit posséder des compétences rédactionnelles, une bonne connaissance de sa langue maternelle, mais aussi des langues étrangères pour pouvoir traduire et comprendre les propos de collègues étrangers. Il faut aussi être très curieux et surtout passionné ! La polyvalence est également requise.

Les nouvelles technologies ont-elles changé la façon d'appréhender le métier ?

Oui, beaucoup. Elles supposent notamment de diversifier ses compétences en informatique, de se tourner vers des spécialisations (comme le dessin assisté par ordinateur, par exemple) afin de pouvoir aborder des outils de plus en plus complexes. Il y a quelques années, l’historien de l’art pouvait faire beaucoup de choses lui-même. Désormais, face aux nouvelles technologies, il doit souvent être secondé par des techniciens très qualifiés. Le multimédia a également beaucoup progressé pour ce qui concerne l’enregistrement, l’analyse et la présentation des œuvres. Le rapport aux œuvres a donc changé, puisqu’il intègre aujourd’hui d’autres outils, qui complètent le contact direct, irremplaçable, avec l’œuvre elle-même.

Quels sont les conseils que vous donneriez à une personne qui veut se lancer dans l'histoire de l'art ?

D’être passionné, ou de le devenir rapidement en tout cas, et de toujours se souvenir de cette passion, de ce qui l’anime. Ne pas être trop ambitieux en sachant qu’il s’agit d’un parcours difficile.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.