Mr Michel Baguette, Garde-forestier

Quelle est votre formation et comment êtes-vous devenu garde-forestier ?

J'ai suivi des secondaires techniques en horticulture, que j'ai complétées par un an en formation forestière. Ensuite, j'ai passé le jury central et puis un examen d'état afin d'être placé dans la réserve de recrutement. Peu de temps après, j'ai été engagé (à l'époque par le ministère de l'agriculture) comme ouvrier forestier afin d'apprendre le métier sur le terrain. J'ai travaillé pendant quatre ans au jardin botanique de l'Université de Liège comme technicien horticole, avant de devenir garde-forestier. C'est mon parcours personnel, mais cela ne se passe plus exactement ainsi aujourd'hui.

Quelles sont les tâches qui incombent à votre fonction ?

En premier lieu la gestion des actes techniques attachés à une superficie forestière. Je planifie donc le travail effectué par les ouvriers forestiers, comme les plantations, la taille, le martelage, l'élagage et la vente du bois. Le but étant d'obtenir une forêt équilibrée et qui évolue harmonieusement, tout en donnant un bois de qualité, même si le côté économique est de moins en moins important. Aujourd'hui, cette dimension-là passe après la conservation de la nature qui a pris le dessus depuis les années 70. Notre travail consiste donc aussi à conserver des associations végétales ou à maintenir les bois morts lorsqu'ils abritent un certain biotope, de même que surveiller les zones sensibles, notamment le long des rivières où nichent des hirondelles. Il faut préserver ces espaces publics des nuisances des promeneurs et les inciter à respecter la législation. Car si mon métier a comme principal but la conservation de la nature, j'ai aussi la fonction d'officier de police judiciaire, qui me permet de dresser un procès verbal en cas d'infractions.

Autre aspect du métier : le contrôle anti-braconnage, qui implique aussi de vérifier si les chasseurs emploient les armes légales, s'ils respectent bien les périodes d'ouverture de la chasse et les superficies prévues à cet effet. Même chose pour la pêche : nous devons contrôler les permis, voir si les pêcheurs respectent les aires et les limitations de pêche ou la taille des poissons capturés. Enfin, nous nous assurons que les tenderies (la capture des oiseaux durant la migration) ne sont plus pratiquées.

Quel est l'objectif de votre travail ?

Notre principal objectif est de gérer les bois de l'état et des communes qui nous sont confiés, dans une vision de travail à long terme. Mais au travers de ce métier, je recherche aussi une vie professionnelle épanouissante et proche de la nature. J'éprouve aussi beaucoup de plaisir à transmettre ma passion aux usagers du bois et surtout aux enfants. Lors des animations que nous organisons, nous essayons de leur faire comprendre conscience de la beauté, mais aussi de la fragilité d'un massif et des répercutions de notre comportement sur la nature. A chaque saison sa tâche : en automne, on fait attention aux tenderies et au braconnage, dès le printemps, c'est plutôt le secteur de la pêche qui est à surveiller, bref, il y a du travail pour chaque saison.

Quel est le profil idéal d'un garde-forestier ?

Il faut évidemment aimer la nature, avoir le sens des relations publiques lors des interactions avec les promeneurs, mais aussi être ferme et psychologue lorsque cela s'avère nécessaire d'imposer le règlement. Mais surtout, il faut rester attentif à la dynamique forestière et aux réactions de l'environnement. Cela implique d'être curieux pour poser les actes techniques nécessaires au bon moment et de se rendre vite compte quand quelque chose ne va pas. Pour cela, il faut rester à l'affût des nouvelles plantes ou populations qui s'installent quelque part, être attentif aux bruits et aux odeurs, bref, conserver en permanence ses sens en éveil. La technique s'apprend lors des études, mais je dirais que 95% de mes connaissances, je les ai acquises sur le terrain, en observant la nature. N'oublions pas que lorsqu'on fait une erreur sur une plantation, cela peut avoir des répercussions durant 90 ans, c'est donc très important de mener une gestion harmonieuse et impeccable du domaine. Enfin, il faut savoir faire de la solitude son amie, car on passe beaucoup de temps seul en forêt.

Quelles satisfactions retirez-vous de votre travail ?

La plus grande satisfaction c'est de voir évoluer un massif favorablement, de voir les arbres s'épanouir et d'observer les résultats de nos interventions sur le terrain. La deuxième satisfaction, c'est de partager ma passion pour la nature avec le public, car cette dimension pédagogique permet de leur faire prendre conscience de la fragilité de ce milieu. Enfin, travailler dans la nature constitue un véritable plaisir pour tous les sens : celui de la vue bien entendu, observer une nichée est merveilleux, mais aussi l'odorat lors des floraisons, l'ouïe, notamment au travers du chant des oiseaux et enfin, le goût, avec les petits fruits et les champignons que l'on ramasse en saison. 

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Le côté répressif n'est pas toujours facile à affirmer, car en plus, nous sommes seuls lorsqu'il faut répréhender des personnes, qui ne sont quand même pas des bandits ! Cette difficulté se retrouve dans l'interdiction de la tenderie ou du braconnage, qui faisaient partie de la tradition dans la région. C'est difficile de faire passer le fait que c'est devenu illégal, surtout que la législation est parfois complexe et changeante. Et si une loi n'est plus crédible sur le terrain, elle n'est pas facile à faire appliquer. 

Pensez-vous qu'il s'agit d'un métier d'avenir ?

Il s'agit d'un métier en pleine restructuration, qui tend vers une diversification des tâches. La tendance est à la spécialisation (dans l'anti-braconnage, le secteur pêche, etc.), ce que je trouve dommage, car c'était un grand avantage de posséder une connaissance globale du milieu. Cependant, il y aura toujours besoin de personnes travaillant dans la préservation de la nature.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.