Quel a été votre parcours ?

Mon père était technicien dessinateur. Il était passionné par la photo et possédait un vieil appareil avec lequel il développait lui-même ses photos. Cela m'intéressait aussi mais je me suis dirigé vers la mécanique et l'électromécanique et je suis devenu mécanicien auto et garagiste. Je faisais parallèlement la photo en amateur. Un jour, j'ai décidé d'arrêter la mécanique. Un photographe de Châtelet m'a alors demandé si je pouvais lui donner un coup de main pour monter son matériel. Ensuite, tout en faisant de la photo, j'ai travaillé pour un labo de prises de vues, qui comportait deux secteurs : le portrait et l'industriel. Ils avaient besoin d'un photographe mais aussi d'une personne qui puisse assurer la maintenance du matériel. Je suis resté là quelques années. Puis, j'ai créé une société avec une amie. Quand elle est décédée, j'ai ouvert mon propre magasin.

Est-ce que l'on peut avoir un aperçu de votre formation ?

J'ai fait l’École des Beaux-Arts de Charleroi en cours du soir. La formation était très axée sur l'artistique et la création mais cela ne m'a pas préparé à tenir un commerce. Toutes mes recettes, je les ai apprises sur le tas. L'Académie m'a aussi appris à avoir un autre regard sur les choses, à me débrouiller par moi-même. L'ambiance était intéressante. On est dans un autre monde, un monde de création. On nous apprend à penser autrement. Les professeurs vous transmettaient leur envie de faire de la photographie. Aujourd'hui, très peu de gens donnent envie de faire ce pour quoi vous êtes là.

On vous apprenait aussi à maîtriser la technique ?

A partir du moment où vous maîtrisez la vitesse, le diaphragme et la lumière, le reste vient tout seul. 

Votre formation initiale en mécanique a-t-elle eu un impact sur ce que vous faites actuellement ?

Pas vraiment, sauf pour réparer le matériel ! Pas pour changer d'angle de vue. Mais ce qui est important, c'est le contact avec les gens. J'essaie de faire des choses qui me font plaisir. Par exemple, dans les photos de mariage, l'utilisation du flou donne un certain romantisme. A ce sujet, on constate deux tendances : la mienne (romantique) et la tendance plus actuelle qui touche un certain nombre de couples et qui consiste à se faire photographier devant une BMW. C'est plus rationnel, plus matérialiste même si les femmes conservent un côté fleur bleue et feront davantage appel à moi.

Qu'est-ce qui vous a fait choisir ce métier ?

J'ai toujours aimé le contact avec les gens. Je pense d'ailleurs que c'est très important dans ce métier. J'ai d'ailleurs choisi la branche que je considère comme étant la plus humaine dans la photographie : le portrait et la photo de mariage. Mais vous avez aussi des photographes qui sont spécialisés dans l'industriel ou dans la mode. Je pense que chaque département a ses propres spécificités, ses problèmes, ses avantages et inconvénients. Il est clair qu'aujourd'hui c'est un secteur qui va mal. Chaque mois, des confrères remettent leur magasin. L'avènement du numérique a provoqué une chute vertigineuse de la clientèle.

Quel effet la photo a-t-elle eue sur vous ?

La façon de percevoir les gens. On a un autre regard sur la nature humaine. Beaucoup de gens me disent : "C'est bien, vous nous mettez à l'aise". C'est aussi une profession où il y a une solidarité entre photographes. Photographier une personne, ça demande de l'énergie. Une démarche créative doit intervenir. Parfois, je ne sais pas par où commencer mais le résultat final est quand même bon. C'est un métier profondément humain, il faut de l'empathie.

Quelles sont les photos que vous jugez réussies ?

On fonctionne comme une antenne, on reçoit des choses. La technique s'intègre assez vite. La photo, c'est un instantané. C'est un ressenti malgré l'avènement des systèmes informatiques. Ainsi, une dame pleine de rides est venue me voir un jour et m'a dit : "Photographiez-moi comme à 20 ans !". Elle ne s'est pas reconnue ! En fait, les gens veulent un peu d'artifice mais ils veulent surtout pouvoir se reconnaître

On vend plus le vraisemblable que le vrai ?

Oui. Je ne suis pas un artiste mais un artisan. L'artisanat, c'est un métier qui répond à certaines techniques dans lesquelles on sait mettre un peu de soi et de savoir-faire. Pour moi, la photo, c'est faire un travail sur quelque chose, c'est arriver à sublimer ce quelque chose. Ma préoccupation, c'est que les gens soient satisfaits. Je ne leur impose rien, j'essaie de connaître leurs attentes. Peu de photographes artistes vivent de leur métier, même s'ils sont connus. C'est un choix.

Vos clients sont-ils toujours satisfaits ?

Le service clientèle est essentiel. Je donne aux clients ce qu'ils ont envie d'avoir. Parfois, il arrive que mes clients aiment une photo que moi je n'aime pas ou l'inverse. Ce qui les touche dans l'image de leur enfant ne me touche pas forcément.

Au point de vue déontologique, lorsqu’une photo ne vous plaît pas mais qu'elle plaît aux intéressés, comment ça se passe ?

Je leur explique pourquoi cela ne me plaît pas. Au début, ils ne comprennent pas car il y a un aspect émotionnel qui joue. C'est d'eux dont il s'agit. Mais j'ai un œil professionnel et je leur révèle des choses qu'ils ne soupçonnent pas et, en fin de compte, ils me disent que j'ai raison.

Rencontrez-vous les personnes avant de les prendre en photo ?

Il y a deux écoles. Ceux qui disent oui et les autres qui disent non. Moi je trouve que je travaille mieux quand je ne les rencontre pas avant. Mes meilleurs portraits sont ceux de gens qui sont arrivés sans rendez-vous. Mais il est vrai que c'est mieux de savoir à l'avance ce que veut la personne.

Quelles sont les qualités qui sont demandées pour exercer votre profession ?

Principalement, l'ouverture aux autres. Il faut essayer de percevoir ce que la personne veut.

Le métier est-il évolutif ou circulaire ?

Circulaire. Au bout de 25 ans, je le ressens comme ça. Mais c'est peut-être une volonté. Peut être que je ne veux pas en sortir. Au début, c'est évolutif parce qu'on se cherche mais à partir du moment où on a trouvé un panel de choses qui fonctionnent bien, c'est difficile d'en sortir. On s'échappe de temps en temps de cette circularité mais on revient toujours aux mêmes choses, à ce qui marche. Toutefois, il faut faire attention à ne pas tomber dans l'engrenage commercial. En fait, je ne suis pas matérialiste. Quand je commencerai à avoir du mépris pour ce que je fais, j'arrêterai.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.