Mr Philippe Bourgueil,
Monteur de films

Quelle formation avez-vous suivie ?

Dès le secondaire, j'ai choisi une option artistique, en l'occurrence “arts plastiques“. Je me suis véritablement intéressé au cinéma en allant régulièrement au ciné-club de mon école. J'ai alors su que je voulais travailler dans ce domaine. 

A 18 ans, j'ai passé l'examen d'admission de l'INSAS qui n'est, il faut le préciser, pas évident du tout. Je l'ai néanmoins réussi et je me suis inscrit dans la section "réalisation, cinéma et radio" car ma première idée était de devenir réalisateur. Malheureusement j'ai échoué au terme de la première année. Ce qui a été finalement un moindre mal car je me suis rendu compte, de par mes expériences sur le plateau, que je n'aimais pas trop travailler en équipe. Je me suis alors tourné vers la section "montage et scripte", ce qui me convenait davantage car on se retrouve seul et on travaille à son propre rythme. Je me suis rendu compte que c'était vraiment ce métier que je voulais faire. Les études ne m'ont pas parues excessivement difficiles. En étant passionné et appliqué, elles sont tout à fait accessibles. Les deux premières années cumulent la théorie et la pratique tandis que la 3ème année est essentiellement tournée vers la pratique professionnelle. On est d'ailleurs amené à monter un court-métrage en fin de cycle.

En quoi consiste le métier de monteur ? Que faites-vous exactement ?

Le montage c'est avant tout un travail technique qui consiste à mettre les plans dans un certain ordre et agencer les images avec le son. La technique est assez basique et n'est pas trop difficile à assimiler. Mais bien souvent, on est amené à devoir effectuer un travail de réécriture du film. Les images obtenues ne sont pas toujours le reflet exact de ce qu'a souhaité le réalisateur au moment de l'écriture. Il faut donc couper, modifier l'agencement des scènes.

C'est aussi un métier où il faut s'adapter sans cesse. Un montage est différent selon que l'on le monte "traditionnellement" ou "virtuellement". Parfois, le réalisateur est très présent lors du montage. Mais pour ma part, je préfère qu'il ne soit pas trop impliqué.

Avant de commencer à monter, je lis le scénario. Seul. Je ne veux pas être influencé par ce que l'on va me dire, je préfère aussi découvrir les "rushes" tout seul, ce qui m'amène bien souvent à commencer à monter pendant le tournage. J'ai procédé de la sorte pour l'ensemble des films que j'ai montés sauf pour "Les convoyeurs attendent". Pour ce film, puisque la lecture du scénario n'allait en rien altérer le désir de retravailler avec Benoît Mariage, je voulais être dans les mêmes conditions qu'un spectateur et le découvrir en le montant. Je ne connaissais absolument rien de l'histoire si ce n'est qu'on y parlait de pigeons ! J'ai demandé à mon assistant de mettre les scènes brutes bout à bout et je les ai monté une par une.

Ce montage ne m'a pas pris longtemps mais généralement, pour un long métrage, il faut compter trois à quatre mois de travail. Celui du "Huitième jour" a duré six mois. La durée est donc variable. Mais on ne considère vraiment qu'un montage n'est terminé que lorsque l'on a le sentiment d'avoir tout essayé, d'avoir ouvert toutes les portes. 

Quel a été votre parcours professionnel par la suite ?

Une fois son diplôme en poche, on n'a toutefois pas l'expérience requise pour prendre seul à son compte le montage d'un long métrage. On commence le plus souvent par devenir "assistant monteur". J'ai eu la chance de commencer relativement vite à travailler. J'ai ainsi pu assister le monteur d'André Delvaux sur "L’œuvre au noir" et lors d'un stage durant mes études j'ai eu la grande chance de sympathiser avec Mary Jiménez. Je lui avais déjà donné des coups de mains au cours de mes études. Elle m'a recontacté plus tard pour me demander de travailler sur son documentaire. Cela aura été une expérience lourde mais très enrichissante, puis j'ai enchaîné avec son long métrage. Là, je me suis vraiment rendu compte qu'il me restait beaucoup de choses à apprendre !

Par la suite, j'ai monté beaucoup de courts-métrages. Ceux de Stéphan Carpiaux, Thierry Knauff, Smolders. J'ai vraiment eu beaucoup de chance de faire des rencontres intéressantes qui m'auront permis de travailler. Le vrai déclencheur a été ma collaboration avec Thierry Knauff. C'est quelqu'un que j'admirais beaucoup. Son travail sur "Le Sphinx" m'avait subjugué. Puis, j'ai retrouvé à Namur Benoît Mariage, que j'avais connu durant mes études et qui préparait "Le signaleur". Et tout s'est enchaîné, j'ai travaillé de plus en plus : pour Thierry Knauff, encore, pour Jaco Van Dormael, ensuite, sur "Le huitième jour". Maintenant je suis arrivé à un point où je peux travailler avec la plupart des personnes dont les films m'intéressent vraiment en Belgique.

Quelles qualités doit avoir un bon monteur ?

On a tellement de petits bouts de films à assembler qu'il faut se montrer très rigoureux. La patience est également un élément essentiel. Il faut aussi pouvoir être à l'écoute des desiderata du réalisateur et être très curieux car il faut essayer différentes possibilités afin de trouver celle qui convient le mieux au film. De même, il faut être réceptif à l'avis des autres. Ainsi, j'aime beaucoup effectuer des petites projections en cours de montage pour quelques personnes, le plus souvent des autres professionnels, qui ne connaissent pas l'histoire et qui auront un avis pertinent en allant bien au-delà du "j'aime, j'aime pas".

Quel conseil donneriez-vous à une personne qui débute ?

De voir beaucoup de films. Mais de ne pas se contenter de les regarder passivement. Il faut les analyser, comprendre pourquoi le monteur a monté telle scène de telle façon. Comparer plusieurs films peut aussi être intéressant.

Parvenez-vous encore à apprécier un film en faisant abstraction du montage ?

On me pose souvent cette question. Est-ce que qu'on peut encore écouter de la musique quand on joue de la guitare ? Oui bien sûr !

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.