Mr Philippe Warnier,
Ingénieur électromécanicien en hydraulique

Interview réalisée en janvier 2008

Ingénieur électromécanicien en hydraulique chez Acropolis Engineering.

En quoi consiste votre activité au quotidien ?

Pour le moment, je suis chef d’entreprise. Je m’occupe de la gestion de l’entreprise et de l’étude des projets. Nous réalisons les projets de A à Z pour toutes les énergies renouvelables. Pour les projets de centrales hydroélectriques, la première étape est de savoir si le client a la volonté de réaliser un projet et surtout a les finances pour le concrétiser. En énergies renouvelables, cela coûte plus cher que tout ce qu’on a fait avec le pétrole jusqu’à présent. Je ne me déplace pas systématiquement pour aller voir les gens. J’essaie de tâter le terrain avant et, dès que je sens qu’il y a un potentiel, je me déplace pour voir le site. Cela me permet de prendre une mesure du débit. Sur base de cette mesure, je peux estimer la production énergétique et le flux financier que cela va générer. Quand la première estimation est faite, je discute avec le client pour connaître ses besoins, ses désirs, les technologies qu’il voudrait supporter : une roue à eau, des turbines, etc. Quand j’ai toutes ces informations, je réalise les calculs pour déterminer la puissance instantanée (qui est importante pour le dimensionnement des machines) et l’énergie totale restituée au cours d’une année. Cette énergie donnera une production électrique qui correspondra aux besoins de consommation du client et lui permettra une économie ou qui sera supérieure à ses besoins et dont l’excédent sera valorisé en l’injectant dans le réseau électrique. J’étudie la partie technique du projet et ensuite la partie financière pour proposer au client un “business plan“. Les investissements sont pris en compte, mais aussi toutes les réductions possibles via les primes, les certificats verts, etc.

Ce qui est différent entre une centrale hydroélectrique et une chaudière à mazout, par exemple, c’est que la chaudière à mazout ne va jamais produire un flux financier négatif. Il n’y a pas d’amortissement du capital investi.Tandis que l’énergie gratuite, même si les installations coûtent plus cher à la base, permet d’avoir un retour sur investissement dans le temps. Quand l’étude est faite, je retourne chez le client et je lui explique les résultats. Ensuite, c’est à lui de décider. Dès que le bon de commande est signé pour le projet, je commande les pièces nécessaires et nous réalisons certains éléments en atelier. Nous installons ensuite le dispositif, nous le mettons en service, nous lançons
la procédure des certificats verts, les organismes de contrôle pour l’agréation électrique, le certificat de garantie. De telle manière que le client n’ait plus qu’à signer les papiers pour obtenir tous les avantages liés à ces démarches.

Quel a été votre parcours professionnel ? Quelles fonctions avez-vous exercées jusqu’à aujourd’hui ?

J’ai travaillé chez CBR pendant 14 ans, comme chef du service électrique de l’usine, aux cimenteries CBR. Ensuite, je suis passé au service technique et après au service achat. Lorsque la direction du service achat et technique de CBR a été reprise par des Hollandais, je n’ai plus eu le droit de donner mon avis ni bénéficié de l’autonomie dont j’avais besoin. Une fonction d’encadrement qui ne permet pas la créativité n’est pas complète à mes yeux. J’ai donc accepté le chèque qui m’était proposé et je suis parti. Ensuite, pendant 1 an, je me suis informé sur les énergies renouvelables et j’ai cherché des associés. Il faut pas mal d’argent pour démarrer. Il faut faire des prototypes, se former, acheter du matériel pour l’essayer avant de pouvoir le vendre au client. On ne s’improvise pas dans ce métier du jour au lendemain, il faut une certaine crédibilité et une certaine assurance. Il faut que cela tienne la route commercialement et le client exigera des performances pour le prix qui a été défini. J’ai trouvé deux associés, mais après 6 mois, ça a capoté. Pour ne pas mettre dans l’embarras les clients que nous avions servis depuis 6 mois et respecter les engagements qui avaient été pris, j’ai décidé de reprendre la société seul moyennant la signature d’une convention. Voilà donc mon parcours. Il faut les compétences, de la motivation (il faut prester beaucoup d’heures) et de l’argent (on ne démarre pas avec zéro euros).

Quelles études/formations avez-vous faites pour accéder à cette profession ?

J’ai fait des études d’ingénieur électromécanicien. Chez CBR, j’ai eu pas mal de formations en techniques de management et pour des techniques spécialisées de l’industrie. J’ai également fait 1an en sciences de gestion à la faculté de Namur. Mon emploi du temps ne m’a pas permis de continuer. Je me suis beaucoup formé en autodidacte en fin de journée, après mes heures de travail. Je consacre à peu près 20% de mon temps en recherches et développements. C’est en général après 17h que les gens peuvent acquérir une valeur ajoutée à leur niveau d’étude de départ.

Quelles sont, à votre avis, les qualités personnelles et les compétences attendues dans ce domaine professionnel ?

Au niveau des projets de centrales hydroélectriques, il y a pas mal de mécanique et des bases en physique sont aussi nécessaires. Il faut donc un électromécanicien plutôt qu’un électricien ou un électronicien. Il faut être pluridisciplinaire, ne pas se dire “je ne fais que de la mécanique“. Au niveau des connaissances techniques, il faut se remettre en question tous les jours, s’informer, s’améliorer parce que les techniques du renouvelable évoluent de jour en jour. Il faut beaucoup de persévérance. Il est également important d’avoir des qualités de gestionnaire ou déléguer de telle manière que toutes les tâches administratives soient accomplies sinon on perd beaucoup d’argent.

Quel est l’horaire de travail ?

Pour le moment, c’est la grande folie, je travaille à peu près 12 heures par jour. Quand on crée une société, il faut environ 2 à 5 ans pour avoir une équipe qui tourne et à laquelle on peut se fier car elle a toutes les compétences requises. Avec le bouche-à-oreille, les clients suivent et il y a moins de prospection à faire. Puis, lorsque la trésorerie est alimentée, on peut déléguer certaines choses à une société extérieure plutôt que de tout faire soi-même. A terme, on devrait travailler 8 heures par jour.

Comment décririez-vous le milieu de travail ?

Les personnes que j’ai engagées (une en bureau et deux sur le terrain) ont moins d’un an d’ancienneté et je suis donc encore fortement nécessaire. C’est un avantage, cela me permet de changer en étant tantôt au bureau, tantôt sur chantier. L’inconvénient, c’est que je ne peux pas me consacrer plusieurs jours d’affilée à quelque chose de bien précis. Mon rôle est davantage un rôle de coach que de chef. Chacun dans l’équipe est complémentaire et c’est essentiel.

A votre avis, quelles sont les perspectives d’avenir ?

A mon avis, ça va être exponentiel. Le cours du pétrole ne va pas baisser. Nous avons abîmé la planète et il est temps de trouver des techniques qui permettent d’améliorer la situation à des prix raisonnables. Il faudra du personnel qualifié. On manque d’électromécaniciens. Dans l’hydraulique, il y a un gros potentiel car ce qui existe pour le moment est insignifiant. Il y a peut-être 10% des 100000 sites exploitables en Belgique et en France qui sont rendus efficaces. Il y a donc du travail.

Qu’auriez-vous envie de dire à une personne qui souhaite se lancer dans cette voie ? Quels conseils lui donneriez-vous ?

Il faut travailler énormément et accepter des horaires un peu biscornus. C’est un métier où l’on côtoie toutes les classes de la société et il faut pouvoir s’y adapter. C’est très riche humainement et techniquement aussi. Il y a de la mécanique, de l’hydraulique, souvent de la thermique qui en découle pour chauffer les maisons, de l’électricité, de l’électrotechnique. Il y a aussi tout l’aspect financier. Il faut beaucoup s’informer et écouter les gens, ce qu’on apprend à l’école n’est pas suffisant pour démarrer une société. Il faut de la persévérance et de l’honnêteté. Pendant ses études, en plus de la partie théorique, cela vaut la peine d’aller voir concrètement sur le terrain : cela offre un autre angle de vue sur ses connaissances théoriques. Si vous êtes un étudiant curieux, vous serez un professionnel curieux et donc un professionnel performant. Il faut pouvoir se dire en sortant de l’école : “je vais apporter une valeur ajoutée“. Nous sommes dans une ère de rentabilité et personne n’est payé à ne rien faire. 

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.