Que veut dire "reliure artisanale" ?

En fait, les gens ne savent plus ce que veut dire le terme "relieur". Lorsque le livre a été démocratisé, les reliures des livres les plus courants, les livres de poche, se sont effectuées de façon industrielle. Nous, on se considère comme des véritables "tailleurs" du livre, on le travaille dans son ensemble. Il faut que le livre fasse corps.

Un travail entièrement manuel ?

L'essentiel de notre travail, nous le réalisons à la main. Seules quelques machines indispensables nous viennent en aide : rogneuse, presse hydraulique, encolleuse, mais ce ne sont que des aides, le travail s'effectue de manière manuelle, à la mode ancienne.

Quelles sont les techniques que vous utilisez ?

Nous relions aussi bien au fil de lin qu'au chanvre. Nous recouvrons les livres à l'aide de cuir, de toile, de simili cuir. En guise de travail de finition nous réalisons également des dorures. En fait, on peut tout faire, sauf l'impossible. Par exemple, nous avons dernièrement réalisé un faux livre qui découvre un trou de golf quand on l'ouvre. C'était une personne qui voulait faire un cadeau à un ami passionné de golf. Il est venu avec son idée, on en a parlé et, comme le travail était réalisable en nos ateliers, on l'a fait. En fait, on ne se limite pas à la reliure.

Quelles sont vos autres activités ?

Nous faisons de la restauration de livres anciens, nous créons toutes sortes d'objets impliquant les techniques de reliures : fardes, boîtiers de CD-Rom en forme de livre, sous-mains, lampes. En fait, les compétences du relieur, la couture et la pose des matières, offrent des possibilités très diversifiées.

Comment êtes-vous devenu relieur ?

En fait, au départ, j'étais ingénieur technique en construction : je réalisais des coordinations de chantiers. Ce métier ne me plaisait pas et me stressait énormément. Or, mon père, à cette époque, arrivait à l'âge de la retraite et pensait à fermer son atelier de relieur. Moi-même j'avais appris le métier avec lui tout au long de mon enfance. Dès lors, je lui ai proposé de reprendre l'atelier. Il a accepté tout de suite.

Est-il facile de vivre du métier de relieur ?

Il existe très peu d'ateliers comme le nôtre parce que beaucoup de livres sont faits de manière industrielle. Il faut noter aussi que de nombreux travaux de reliure sont confiés à des ateliers protégés. Vu le coût plus bas de leur main d’œuvre, ils peuvent proposer des prix défiant toute concurrence. Évidemment, notre travail est de meilleure qualité, mais il est aussi bien plus cher. Dès lors, parfois, les périodes sont très calmes car on n'a pas beaucoup de travail. Mais à d'autres moments, on ne sait plus où donner de la tête. Pour l'instant, ma femme et moi, nous travaillons tous les jours de 8h à 23h.

Quelles sont les qualités d'un bon relieur ?

Tout d'abord, il faut bien connaître les techniques utilisées. Ensuite, il faut de la précision et savoir réaliser un travail soigné. Mais, avant tout, la passion est la clé de la réussite.

Relieur, est-ce un métier difficile à apprendre ?

On apprend tous les jours, on n'a jamais fini d'apprendre : il faut faire, répéter, en faire de plus en plus. Une fois qu'on a un diplôme, on n'a encore rien. On possède, bien sûr, une bonne base technique mais, l'expérience indispensable, on l'acquiert petit à petit. 

Quels sont les plaisirs de votre métier ?

C'est un réel plaisir, quel que soit le travail, de pouvoir le réaliser de A à Z, de pouvoir sortir quelque chose de ses mains, quelque chose de tout à fait personnel. Mais le plus passionnant me semble être la restauration. Parfois, vous recevez un livre très ancien dont vous ne connaissez pas la technique de reliure utilisée. Vous devez alors le décomposer et l'observer pour le restaurer avec fidélité. Dernièrement, j'ai été très étonné de recevoir un livre relié grâce à des nerfs de bœuf. C'est un métier qui fait appel à la mémoire et à l'histoire des hommes. C'est passionnant. Un autre plaisir, bien entendu, est la satisfaction du client.

Quels en sont les aspects désagréables ?

Tellement de choses se sont automatisées dans la vie de tous les jours que les gens ne comprennent plus la justification du prix d'un travail manuel. Dès lors, il faut passer un temps énorme à leur expliquer pourquoi restaurer un livre coûte si cher. Parfois ils ne l'acceptent pas et me demandent de ne restaurer un livre qu'en partie. C'est très désagréable de devoir bâcler son travail.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.