Mme Sabrina Sow, Dresseuse de chevaux

Interview réalisée en mai 2012

Artiste équestre et dresseuse de chevaux. Fondatrice d'Equinoctis.

Présentez-nous Equinoctis...

Equinoctis est né de la volonté de créer une compagnie équestre ayant pour propos la richesse de la différence. Étant moi-même le fruit d’un métissage, je pense que la collaboration avec l’autre (tous les autres) enrichit et apprend énormément. Le cheval est un communicateur génial qui met parfaitement en exergue nos travers. De plus, il parle à tous, ne fut ce que d’un point de vue fantasmatique, et cela permet d’aborder le sujet de la marginalité, de la différence en déplaçant le sujet.

Quel est votre parcours ?

Psychologue de formation, j’ai choisi de ne pas exercer et de tenter l’aventure du travail dans le milieu équestre. D’abord stagiaire chez Anne d’Ieteren-Vanneste (ndlr : Championne de Belgique de dressage de 1977 à 1982), j’ai ensuite intégré le musée vivant du cheval à Chantilly, où j’ai travaillé un an. J’ai ensuite décidé d’apprendre la voltige de cirque (chez Patrick Gruss) avant de croiser la route d’un fervent Bauchériste (Baucher étant un écuyer du 19ème qui mit sur pied une équitation de la légèreté). J’ai travaillé six mois chez ce vétérinaire-instructeur de dressage. Je commence alors à élaborer le projet, à créer mes propres spectacles, tout en continuant à travailler pour d’autres (Lucien Gruss, le cirque Pagnozoo ou Serge Noyelle). En 2006, je crée Equinoctis, compagnie avec laquelle j’ai créé "Kallisti, à la plus belle"  (spectacle sur le mythe de la pomme d’or), "Point de suspension…"  (spectacle sur les legs de notre enfance), "Accords et à cru"  (concert spectacle sur les relations homme-femme), "A corps et à cru"  (version chorégraphique du même texte), "Equintessence"  (spectacle sur les cinq éléments de la médecine traditionnelle chinoise), "Hippique-hop"  (spectacle mêlant arts équestres et arts de rue) et "L’hippologie du quotidien" (spectacle sur la marginalité et la folie).

Qu'est-ce qui vous a attirée vers ce milieu ?

Dans la légende familiale, on raconte qu’on m’a mise sur un éléphant au cirque lorsque j’avais trois ans et qu’à partir de là, j’ai voulu chevaucher tous les animaux que je croisais. Mes parents m’ont donc très logiquement inscrite au poney-club. J’y ai attrapé le virus du cheval et cela ne m’a jamais lâchée. La passion a d’ailleurs pris le pas sur la raison et j’ai trouvé dans cette vie mêlant démarche artistique et quête propre, un équilibre qu’une vie plus classique ne m’aurait sans doute pas apporté.

Le dressage de compétition était un milieu trop rigide et trop embourgeoisé pour moi. Le spectacle m’a assez immédiatement plu, dans sa capacité à faire rêver et … réfléchir.

Comment se déroule le dressage ? Les différentes étapes ?

On commence le dressage monté lorsque le cheval a 3 ou 4 ans (pour évaluer l’âge d’un cheval en âge humain, il faut multiplier par 3) par une phase nommée "débourrage", au cours de laquelle on va apprendre au cheval à collaborer avec son cavalier. Le cheval étant une proie dans la nature, porter un être vivant sur le dos signifie, la plupart du temps, qu’on s’est fait avoir par un prédateur. Il va falloir qu’il trotte, marche et galope, dans le calme, en obéissant aux injonctions de son partenaire cavalier. Ce dernier devra, lui aussi, apprendre à réprimer ses réflexes de prédateur.

On demandera aussi au cheval de courber son encolure en relâchant sa bouche (on appelle cela "la mise en main"), puisque le but ultime du dressage est de rendre au cheval son équilibre, malgré le poids du cavalier placé dans la croupe. On va progressivement lui apprendre à ramener ses postérieurs en-dessous de sa masse (c’est le "rassemblé"). Dans un deuxième temps (vers l’âge de 6 ans), on va mettre le cheval en basse-école, qui consiste à lui apprendre à se courber autour de la jambe du cavalier. Deux exercices différents permettent cet apprentissage : l’épaule en dedans et l’appuyé. Le cheval apprendra ainsi à ramener son postérieur intérieur au mouvement plus en- dessous de sa masse, on se rapproche donc de l’idéal du rassemblé. Lorsque le cheval sera capable de détourner ses épaules autour de ses hanches dans une figure que l’on appelle "la pirouette", on peut passer à la Haute-école.

Dans la Haute-école, on va styliser les allures naturelles du cheval dans ce que l’on appelle "des airs" : le piaffé, le passage et le terre-à-terre. Le piaffé consiste pour le cheval à trotter sur place ; le passage, à effectuer un trot très lent où le cheval se projette en l’air à chaque foulée et dans le terre-à-terre, le cheval galopera sur place. Reste alors les allures fantaisies et les sauts d’école.

Quels sont les autres artistes qui font partie de votre troupe ?

Je fais appel à différents artistes en fonction des spectacles que je produis. J’ai travaillé avec des circassiens, des musiciens, des danseurs contemporains, des graffeurs, des breakeurs et pour le dernier spectacle, avec un réalisateur. J’aime m’entourer d’autres spécialistes.

Comment créez-vous un numéro ?

Certaines recherches m’interpellent. Par exemple, la capacité du cheval à être lui-même créatif. Ainsi, nous avons sonorisé une planche afin de laisser aux chevaux la capacité à créer leur propre rythmique. J’aime aussi montrer des numéros où les rôles s’inversent, où le cheval semble diriger l’humain. En général, un concept précède la création. Ensuite, je me laisse guider par la musique et par le cheval.

Quelles sont les difficultés rencontrées lorsque l'on travaille avec des animaux ? Faut-il être plus vigilant ?

En effet, les chevaux sont des animaux à la fois très fragiles et très encombrants. Ce sont des proies, ils sont vite effrayés même si, en général, ils s’en remettent à leur dresseur. Lorsque l’on présente un spectacle en ville, il est nécessaire de prévoir un espace au calme, où personne d’autre que les dresseurs ne sera autorisé. Une assurance spécifique est aussi nécessaire. Comme j’ai six compagnons de jeu, lorsque nous présentons nos spectacles, nous demandons l’aide d’un transporteur (camion super lourd).

Est-ce que vous les soignez vous-même ?

La plupart des pathologies sont dans mes cordes car j’ai travaillé pendant 6 mois dans une clinique vétérinaire. Néanmoins, je fais parfois appel au vétérinaire (mais c’est très onéreux) lorsque je ne suis plus compétente.

Quelles sont les qualités requises pour faire ce métier ?

La polyvalence, une santé à toute épreuve, beaucoup d’imagination, de la patience et de la volonté.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui voudrait se lancer ?

De suivre un professionnel comme stagiaire afin de prendre la mesure du sacerdoce que cela peut-être. Vivre le plus possible au contact d’un homme (ou d’une femme) de cheval permet d’apprendre les attitudes, les savoir-être.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.