Mr Traube, Psychologue et écrivain

Interview réalisée en janvier 2005

Quel a été votre parcours professionnel en tant que thérapeute ?

J'ai débuté ma carrière comme psychothérapeute de groupe en co-animation. Par ma propre thérapie personnelle, j'avais pu expérimenter la puissance très particulière de la thérapie de groupe. Elle est impressionnante. Ensuite, j'ai abandonné la travail en groupe au profit de la thérapie individuelle, toujours pour adultes. Aujourd'hui, je pratique surtout l'expertise d'orientation thérapeutique. En quelques entretiens, j'aide les gens à trouver la stratégie de cure qui convient le mieux à leur attente. Cela étant, je me consacre surtout et de plus en plus à la formation d'adultes comme conférencier et au travail d'écriture (livres et articles).

Avez-vous opéré un choix précis pour un courant de pensée ?

J'ai toujours lutté contre l'esprit de chapelle, contre les dogmatismes de tout genre. Ma formation universitaire est imprégnée jusqu'à la trame par la psychanalyse J'y demeure très attaché même si je ne suis pas psychanalyste. Mes propres lectures restent, aujourd'hui encore, fortement centrées sur la théorie analytique, surtout lacanienne. Mais j'ai été très tôt confronté à un paradoxe : en psychologie, contrairement aux sciences de la nature, plus une théorie est riche sur le plan de l'investigation théorique spéculative moins elle a de pouvoir pratique en terme de guérison ou de mieux vivre. Plus les théories vont loin dans la compréhension de l'appareil psychique, plus elles semblent hypothéquées sur le plan de l'efficacité pratique (production de changement). Je me suis donc formé à l'analyse transactionnelle et, dans une moindre mesure, au Rebirthing. Mais je demeure très marqué par le courant dit de l'activation thérapeutique de Benoit et Berta. Il ne s'agit pas d'une nouvelle théorie ou d'une nouvelle technique mais d'une nouvelle façon d'approcher le travail clinique en postulant que le patient ne doit pas s'adapter à la méthode ou à la théorie du thérapeute mais que, au contraire, ce soit au thérapeute, dans la mesure de ses moyens, de s'adapter à la problématique, à la personnalité de son patient. Voici la raison pour laquelle je m'intéresse à tous les champs thérapeutiques. Je me suis efforcé d'acquérir un maximum d'outils fournis par ces courants. Tous ont leur intérêt, tous recèlent richesses et faiblesses. L'essentiel demeurant la qualité de présence du praticien et son habilité à utiliser l'outil.

Comment s'est réalisée l'articulation avec les autres pratiques professionnelles qui caractérisent votre parcours ?

Chronologiquement j'ai été écrivain avant d'être thérapeute. La passion d'écrire fait partie de mes gênes. La thérapie est venue en second temps et au moment où je me suis engagé dans cette voie là, j'ai cru de bonne foi que c'était ma vocation. Bien plus tard, je me suis rendu compte que fondamentalement je m'étais trompé et ma vocation était la pédagogie, l' enseignement, la transmission du savoir par l'écrit et l'oral.

Comment définiriez-vous la portée de la parole du pédagogue et du conférencier ?

En thérapie, je prends acte du pouvoir de la parole, qui, avec celui de l'écoute, est le paramètre guérisseur par excellence. Cela dit, en matière de transmission pédagogique, je suis très influencé  par les philosophes des Lumières et je pense que ma vocation pédagogique vient de là. Je crois profondément au pouvoir émancipateur et transformateur de la connaissance. Écouter une conférence ne remplace pas une psychothérapie, c'est évident mais le fait de pouvoir comprendre comment on fonctionne en tant qu'être humain permet peut-être des ouvertures fécondes. Mieux on sait, plus on est fort, plus on est libre. Il n'y a pas de liberté pour l'ignorant (Condorcet). L'écrit permet une appropriation du savoir par le lecteur. Le livre est un compagnon de route. Un livre peut marquer l'existence.

En ce qui concerne l'oral, les conférences, je travaille "en relais" de manière à ce que les adultes qui m'entendent puissent s'approprier les outils qui leur seront utiles sur leur terrain et le cas échéant, les transmettre à leur tour. Une meilleure connaissance des processus de la communication inter-humaine permet une meilleur qualité du vivre-ensemble. Il est important de sensibiliser les gens à la pragmatique de la communication, au fonctionnement relationnel, à l'expression verbale, non-verbale, à l'impact de son comportement sur autrui, aux stratégies manipulatoires qui se jouent dans les contacts quotidiens.

Quels sont les sujets sur lesquels vous êtes interpellé en matière de conférence ?

Aujourd'hui j'offre aux organisateurs une quinzaine de thèmes dont certains ne portent pas sur la psychologie. Je suis également musicien. Je pratique également le théâtre et m'intéresse de près au monde dans lequel je vis. Certaines conférences portent sur la musique, les arts, la politique, la modernité, les questions de société. Cela étant, les conférences les plus demandées concernent le couple et l'éducation. Mes livres "Le choix amoureux", "La guerre des sexes", "Éduquer c'est aussi punir" ont eu un certain retentissement. Je pense qu'ils répondent à une demande.

Quelle est aujourd'hui la place de ce travail d'écriture dans votre pratique professionnelle ?

L'écriture théâtrale prend une place croissante. Elle comporte une dimension relationnelle importante alors que l'écriture du roman ou l'écriture scientifique sont davantage solitaires. Comme je suis à la fois très solitaire et très relationnel, j'ai besoin des deux. L'écriture est une passion. Dans ma production, je dirais qu'il y a deux catégories : les livres et contributions qui répondent à une aspiration personnelle et ceux qui naissent d'un commande ou de la perception d'un besoin. Ces derniers sont ceux qui se vendent le plus, ce sont des livres "outils".  Certains ont été traduits en langues étrangères : "Comment choisir sa psychothérapie? " et "Je m'aime...toi aussi". J'ai pas mal investigué dans les domaines du féminisme, dans la lutte contre les stéréotypes sexistes, dans le domaine de la prévention de la violence, celui de la solitude et des problèmes de couple. Ces livres ont été écrits en  quatre ou cinq mois. Mais à côté de cela, il y a toute une partie de ma production qui sont les livres et contributions chers à mon cœur et que pratiquement personne ne connaît. Des livres comme "Des sangs, des hommes", "Le monde à l'envers", "Où va le monde?" par exemple, sur lesquels j'ai travaillé près de 10 ans. Leur diffusion demeure restreinte, mais peu importe. Ils s'adressent à des publics plus ciblés.

Aujourd'hui j'associe le travail de l'écriture et mon intérêt pour le théâtre en écrivant des dramatiques policières. C'est à 16 ans que j'écris une première ébauche de scénario ("Jeu de scène"). Ensuite, le texte est resté dans mes caisses. Je l'ai ressorti voici 13 ans lors d'un voyage vers le Sud de la France, les repères géographiques sont très importants dans le récit. Et c'est là qu'est né le scénario de ma première pièce d'adulte: "Crime A châtiment". Je suis arrivé en Charente-Maritime et pendant dix jours j'ai écrit. J'ai repris mes pièces écrites à l'âge de 16 ans et je les ai retravaillées avec ma maturité d'adulte. Le travail de dramaturge implique une modestie car il produit une matière première ensuite confiée à un metteur en scène qui travaillera lui-même avec des comédiens. Le produit final est donc issu de multiples relations et de communications. Sur le plan marketing, les pièces de théâtre sont difficiles à éditer, j'ai donc été mon propre éditeur.

Qu'est-ce qui suscite votre intérêt en matière de psychologie aujourd'hui ?

Ce qui m'intéresse aujourd'hui c'est la psychodynamique générale c'est à dire les lois générales du fonctionnement psychique. cela étant, je me tourne de plus en plus vers la réflexion philosophique. Je trouve que la formation philosophique des psychologues est insuffisante. J'y supplée donc. Je m'intéresse beaucoup à la philosophie des sciences, de l'histoire, à la philosophie politique, morale, à l'éthologie, à la sociologie de la modernité. Bref, rien de ce qui est humain ne m'est étranger.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui voudraient se lancer dans la pratique de l'écriture ?

Cent fois sur le métier remettre l'ouvrage. Je les mettrais en garde contre l'erreur de vouloir éditer trop vite. Je leur conseillerais de lire beaucoup, de prendre le temps de faire lire leurs productions par leur entourage, des professionnels et d'autres écrivains et de glaner des conseils pour affiner la maîtrise du sujet mais aussi celle de la langue française. Je compare souvent le travail de l'écriture à la fabrication du vin. Ainsi, une fois le livre achevé, il faut le laisser en cave au moins 6 mois, 1 an ou 2 et ensuite le reprendre. Etre publié n'est pas une chose facile. Il faut s'accrocher et seul les plus motivés parviennent à leur fin. Pour moi un écrivain n'est pas quelqu'un qui remplit des pages mais quelqu'un qui est lu. Et donc, pour être lu, il faut être publié. Je leur conseillerais de s'informer sur le monde de l'édition, cet univers obéit à une certaine logique commerciale. Fort heureusement certains des éditeurs ont le respect du livre pour ce qu'il contient et ce qu'il véhicule, néanmoins ils restent soumis à cette réalité du marché. Il existe un annuaire qui répertorie un millier d'éditeurs francophones, Belges, Suisses, Canadiens, Français avec toutes une série d'informations pratiques, les collections, le tirage, le mode de prospection, le créneau, etc.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.