Comment en êtes-vous venu à faire de la sculpture d'ameublement ?

J'ai grandi dans un milieu où se travaillait le bois puisque mon père était menuisier. Je voulais quand même trouver ma voie personnelle car je n'avais pas forcément la même sensibilité que lui. Au départ, j'ai suivi plusieurs formations parallèles. Le jour, j'étudiais dans un institut technique tandis que le soir, je me rendais à l'Académie des Beaux-Arts de Verviers pour y apprendre la sculpture. J'ai également un diplôme A3 en ébénisterie.

Quel fut votre cheminement après l'académie ?

Les débuts furent difficiles. L'école apporte 10% de base. Il reste quand même 90% à acquérir par ses recherches, son travail, sa documentation. Il faut aussi écouter les gens qui vous font confiance et vous engagent. J'ai d'abord trouvé une place en tant que menuisier. J'ai rencontré des ébénistes qui m'ont donné du travail après journée pour faire de la sculpture. Ensuite, je suis entré dans une entreprise d'ébénisterie. J'y fus salarié jusqu'à la fermeture de la société. Je me suis dès lors installé à mon propre compte.

Quelles furent ces difficultés du début dont vous parliez ?

Il y a du travail et il y a peu de sculpteurs. Mais il est malaisé de trouver des gens prêts à miser leur confiance sur des inconnus. Passer le cap des deux premières années pose problème. Les ébénistes fixent le prix. C'est aux sculpteurs d'être rentables dans cette marge financière !

Et maintenant qui vous fournit du travail ?

Toujours les ébénistes. Les particuliers font rarement appel à un sculpteur. Ils cherchent des meubles de création et font appel à l'ébéniste qui payera mes services en sous-traitance. La différence vient du fait que j'ai fait mes preuves. Je peux donc fixer mes conditions.

Et vous ne créez plus jamais des meubles en entier ?

Non, j'ai fait un choix. Je me suis lancé à fond dans la sculpture et je ne pourrais plus concilier les deux métiers. Au niveau des investissements, je possède nettement moins de machines qu'un ébéniste. Celui-ci doit gérer un stock de bois et un atelier plus important. En fin de compte, il s'agit de deux métiers complémentaires, mais différents.

Sculptez-vous encore d'autres matières ?

Non, je travaille exclusivement le bois. Mais cette matière offre des diversités insoupçonnées. En ce moment, je travaille parfois des escaliers. Je dessine et je sculpte la colonne ou la rampe. C'est passionnant car je vois la pièce terminée. Quand je travaille sur un meuble, j'exécute un montant, un panneau de porte ou d'autres pièces séparées. Je ne vois jamais la création en entier.

Quelles sont les qualités requises pour la sculpture d'ameublement ?

C'est une passion. Je peux donc difficilement déceler des qualités particulières. Je citerais toutefois l'habileté, le don du dessin et la motivation. Certains prétendent qu'il faut être patient. Pourtant, je me suis toujours considéré comme un grand nerveux !

Il faut aussi connaître la technique ?

Oui, bien sûr ; mais c'est une question d'apprentissage, aussi long puisse-t-il être ! La façon de couper le bois, la façon d'affûter les outils, l'observation du fil du bois, tout cela, je l'ai appris à l'école, C'est la technique de base, semblable sans doute à ce que doit être le solfège pour les musiciens.

Quels sont pour vous les avantages de votre métier ?

D'abord, je peux travailler à domicile puisque mon atelier se trouve dans mon jardin. Je travaille seul aussi, sans patron derrière mon dos. Ensuite, je personnalise mon travail. Chaque nouvelle pièce est créée, imaginée, mûrement réfléchie.

Les ébénistes demandent mes services pour la signature. Tant que je respecte le style de la commande, je reste libre de créer. A la fin de la journée, j'ai vraiment la sensation d'avoir réalisé quelque chose. Ce n'est pas l'usine, ce n'est pas la mine, ce n'est pas le bureau avec ses horaires stricts et ses inévitables embouteillages. Que demander de plus ? Gagner beaucoup d'argent ? Sincèrement, si les années d'installation furent difficiles, maintenant, je gagne bien ma vie. Je n'ai pas à me plaindre.

Y a t-il quand même des inconvénients à votre métier ?

Travailler à domicile, peut-être... Travailler seul, aussi... Les avantages peuvent se muer en désavantages si on n'y prend pas garde. Mais c'est vrai qu'il faut apprendre à gérer la solitude. Il faut se créer une armure. Cela signifie qu'il faut sortir de chez soi, aller à la rencontre d'autres créateurs. Travailler chez soi, en pantoufles, quand on le veut, c'est très agréable... Mais le danger existe de s'installer.

Comment se passe une journée de travail ?

Je commence mes journées très tôt. Dès 6 heures du matin ! Il fait tranquille, le téléphone ne sonne pas. Je consacre les week-end à faire les dessins, ce qui constitue toujours la première opération. Ensuite, je retranscris le dessin sur le bois à l'aide d'un calque et d'un carbone. A l'aide de la défonceuse, je "déloge" le bois de manière à avoir suffisamment de relief. Commence ensuite le travail de sculpture proprement dit.

Avec quels outils ?

Je travaille avec une centaine de gouges différentes. Ce sont des outils courbés, à la différence des ciseaux qui sont plats. Les 100 gouges dont je dispose sont toutes différentes. Elles me permettent de donner toutes les nuances voulues à mes pièces, en employant des lames de plus en plus fines au fur et à mesure de l'élaboration de la pièce. Il faut aussi faire attention de toujours tailler dans le sens du fil.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes sculpteurs ?

Travailler beaucoup, dessiner beaucoup, manier beaucoup les outils. Et ne pas oublier la répartition classique.. sculpter c'est 10% de don et 90% de travail !

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.