Mme Nadine Abril, Graveuse
Interview réalisée en mai 2013 |
Quel est votre parcours, votre formation ?
J’ai commencé par des études d’histoire de l’art. J’ai ensuite travaillé dans une compagnie comme actrice et je faisais aussi de la prospection, je m’occupais de l’intendance mais je faisais aussi des dessins, j’illustrais les plaquettes, je créais des personnages, etc. J’ai ensuite fait La Cambre en dessin puis j’ai commencé la gravure. J’ai animé des ateliers d’arts plastiques pour les enfants dans des centres culturels. Je me suis aussi investie dans une association qui fait de la vidéo. L’objectif était de donner accès aux moyens de production vidéo et affiches à un public hétéroclite, qui n’a pas forcément accès à ces pratiques, en mettant les connaissances en commun avec l'idée d'apprendre les uns des autres. Nous avons filmé ensemble dans les quartiers avec un mix de gens qui habitaient ces quartiers et de gens qui n'y habitaient pas. J'y ai beaucoup appris sur moi-même, sur le travail ensemble. Plus on est fort individuellement, plus le groupe est fort et peut aider les plus fragiles à se fortifier. Cela fait deux ans que je diffuse véritablement mon travail.
Outre la gravure, vous peignez, réalisez des affiches, des vidéos et des illustrations… Pourriez-vous nous parler de cette diversité dans vos activités ?
Je n’ai pas vraiment choisi de me diversifier. J’ai juste trouvé, à un moment donné, que ces moyens-là me convenaient pour exprimer quelque chose de précis. Je trouve un intérêt dans chaque discipline.
Ce que j’aime dans la vidéo, c’est qu’on travaille à plusieurs, on est obligés de sortir de chez soi, ce qui n’est pas vraiment le cas dans le dessin ou la gravure. Et puis, j’aime beaucoup filmer car cela se rapproche beaucoup du dessin, c’est de l’observation.
Au niveau de l’illustration, je travaille pour des publications papier ou web, comme par exemple je l'ai fait pour l’asbl SMART. Je participe aussi à des concours, des biennales (expositions qui durent deux ans). Je trouve des opportunités de diffusion via internet, certaines collaborations donnent parfois lieu à une expo. En fonction du caractère des opportunités, je fais une sélection dans mes créations afin de trouver ce qui pourrait convenir.
Quelle est la technique de gravure que vous utilisez ?
Je fais de la pointe sèche, c’est-à-dire que je produis un dessin en "griffant" sur une plaque de métal. Je couvre cette plaque d'encre. L'encre entre dans les creux (ce seront les parties noires) et je "paume", j’enlève l’encre des surfaces lisses (ce seront les parties blanches) pour n’en laisser que dans les creux. J’applique ensuite la plaque sur du papier pour imprimer le dessin et je laisse sécher. Je travaille beaucoup à partir du réel ou de photos. Puis je compose, je mets des choses les unes après les autres, je fais des photocopies pour voir ce que ça donne. Il m’arrive aussi de juste faire une mise en place ou un pré-dessin avant de me lancer sur la plaque.
Cette technique me force à ne pas avoir de repentir et ça me demande donc une concentration différente par rapport au dessin, par exemple. Elle permet également de multiplier les exemplaires, un peu comme une photocopieuse mais en prenant plus de temps.
Personnellement, j’aime bien travailler lentement, j’aime ce qui prend du temps. Je le faisais déjà pour la vidéo. Je travaillais image par image et je les accélérais ensuite, ce qui me prenait beaucoup de temps. Et ce temps me permet de rentrer véritablement dans ce que je fais, d'imaginer les possibles et de faire des vrais choix.
Quelles sont, d’après vous, les qualités à posséder lorsque l’on veut devenir graveur ?
Tout dépend de la personnalité, de ce qu’on produit, de la technique utilisée et dans quels réseaux on diffuse son travail. Je dirais qu’il faut un minimum de patience, de persévérance, bien se connaître, et c'est le travail qui est l'outil le plus précieux pour ça. Faire valoir ses droits au niveau social, c'est important aussi. La vie d’artiste, c’est une vie d’indépendant. Rien n’est gagné d’avance.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ? Le moins ?
J’aime créer, graver, dessiner, être derrière la caméra. Mais parallèlement à cela, il faut maintenir un cadre juridique dans lequel exercer, chercher des endroits pour exposer, rencontrer des gens, faire connaître son travail. Cela demande alors de bien comprendre et assumer ce que l’on fait pour pouvoir défendre ses créations. Ce qui n’était pas évident lorsque j’ai commencé.