Quelle fut votre formation professionnelle ?

Au départ, j'ai une formation de menuisier. Jamais je n'aurais cru faire de la sculpture. Mon goût pour cet art est presque venu par hasard. Je voulais suivre une formation du Forem et j'avais naturellement pensé à l'ébénisterie. Les circonstances m'ont empêché de suivre ces cours et je me suis alors inscrit aux cours de l'académie des Beaux-Arts en sculpture. Le contenu de l'enseignement m'a d'ailleurs fort surpris. Je m'attendais à suivre une pédagogie de type didactique. Or, l'enseignant nous laissait beaucoup de liberté de création. En même temps, j'étais confronté avec un nouveau milieu... Tout cela m'enthousiasma très vite.

Rien ne vous a donc poussé ou prédisposé à devenir sculpteur ?

Sculpteur déjà me semble un grand mot. Je fais de la sculpture c'est vrai, mais je ne suis pas réellement un professionnel. Je préfère d'ailleurs ne pas utiliser des mots comme "œuvre", "créer", etc. Ces mots me semblent trop prétentieux. Ils devraient être réservés à des artistes confirmés comme Pompon ou le Belge Paul Bury. Le hasard joua en effet un grand rôle dans ce qui n'était pas une vocation au départ... Il y eut aussi les rencontres. Une amie qui faisait du modelage m'a influencé, ainsi que des découvertes de sculptures. Comme j'avais du temps libre, je m'y suis lancé !

Suivant votre expérience, il ne faut donc pas forcément commencer les arts plastiques très jeune ?

Oh, non, pas nécessairement! Je m'y suis mis à trente ans. On 's'éveille' à tout âge.

Et maintenant sculpter est-il devenu indispensable ?

Je n'en sais rien. Mais, en tout cas, depuis mon départ de l'académie, je travaille beaucoup. Rien que pour cette année, j'ai exposé plusieurs fois !

Pouvez-vous expliquer votre travail au quotidien ?

Je travaille par périodes. En vue d'une expo, je commence à chercher des idées... Je décide d'un thème, par exemple des croquis en terre stylisés ou, pour la dernière exposition, des croquis d'attitudes. A partir de là, je travaille chaque jour quelques heures jusqu'à ce que j'aie réalisé un nombre de pièces suffisantes.

Et le travail des pièces, comment se passe-t-il ?

Personnellement, j'utilise surtout la terre. Ce matériau est noble, ou du moins pur. Il possède aussi l'avantage d'être malléable et de permettre un ouvrage rapide. En général, je travaille d'après modèles. Parfois, nous nous mettons à deux ou à trois pour payer les modèles qui viennent poser. Avec un couteau, je travaille assez rapidement pour garder la spontanéité du geste. J'étale la terre en gestes vifs.

Pour moi, de trop fréquentes corrections équivaudraient plutôt à des "chipotages". Le sculpteur finirait par "fatiguer la terre". J'attache dès lors de l'importance à la quantité du travail. Je préfère réaliser plusieurs pièces dont il en ressortira une ou deux qui valent la peine. Je préfère les séries, quitte à éliminer certaines sculptures par après. Sinon, à force de toujours corriger la même pièce, je m'ennuierais vite !

Existe-t-il des méthodes pour se faire connaître ?

Pour ma part, j'en pratique assez peu. Je choisis l'une ou l'autre en fonction de mon type de travail et de l'investissement que je tiens à y apporter. Les manières les plus classiques restent d'actualité : participer à des concours organisées par l'Etat, les communes, les provinces, les écoles, les fondations ; les symposiums qui sont des ateliers en plein air où le sculpteur travaille face au public, faire le tour des galeries, s'inscrire dans les registres d'artistes de la province, etc.

Quelles sont les qualités requises du sculpteur ?

J'accorde de l'importance au geste, à la spontanéité, au hasard, à ce qui vient quand on ne s'y attend pas. On remarque aussi que la plupart des sculpteurs sont bricoleurs, inventifs, curieux, essayeurs et... ramasseurs de vieilles choses. Un artiste peut trouver du beau dans un bout de bois ou dans un caillou que tout le monde aurait jeté au rebut. A lui ensuite de l'utiliser avec le sens de l'esthétique.

Est-il réellement possible de vivre de la sculpture en Belgique ?

En Belgique, rares sont ceux qui vivent uniquement de la sculpture. Les sculpteurs qui n'ont pas de soucis matériels enseignent ou, alors, sont suffisamment reconnus pour exposer à l'étranger. En ce qui me concerne, j'anime un atelier de sculpture dans la région de l'Amblève. Plusieurs fois par an, je donne aussi des stages modelage pour un Foyer Culturel de ma région. Quand on fait de la sculpture ou tout autre art plastique, il faut distinguer le travail artistique du travail alimentaire.

Cette dernière part comporte essentiellement des modelages ou des reproductions qui seraient commandées par des particuliers. par exemple, la femme d'un sculpteur m'a demandé de reproduire des œuvres de son mari décédé. Ceci dit, entre l'artistique et l'alimentaire, la frontière reste floue. Si une personne me commande son portrait, au départ, je considérerai ce buste comme alimentaire. Rien n'empêche toutefois d'en faire une œuvre d'art.

Au niveau artistique, les gens achètent principalement des œuvres figuratives. Ils aiment reconnaître un personnage, un animal ou un objet représentés. Par contre, le travail de composition, de recherche, d'imagination est plus difficile d'accès.

Rencontrez-vous des difficultés dans l'exercice de votre art ?

La plus grosse difficulté, c'est de se trouver un lieu, un atelier où travailler. Parfois, nous nous arrangeons à plusieurs pour louer un hangar : Il faut aussi savoir que certaines sculptures, la taille de la pierre par exemple, reviennent plus chers sans compter l'investissement au niveau de l'outillage. Avec la terre, il suffit d'avoir un bon four.

Que doit faire la personne qui aimerait trouver dans la sculpture des débouchés professionnels ?

Si quelqu'un aime la sculpture, il doit en faire. La suite viendra d'elle-même.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.