Mme Anne Beaujean, Bibliothécaire

Interview réalisée en janvier 2004

Anne Beaujean est responsable de la section jeunesse à la bibliothèque publique des Riches Claires, à Bruxelles.

Que recouvre le terme "section jeunesse" ?

Il s'agit à la fois de la partie loisirs et documentation/information pour les enfants, et la partie documentation/information en rapport avec la littérature de jeunesse destinée aux adultes. Cette section s'adresse aux jeunes de 0 à 14 ans.

Quel est le rôle du bibliothécaire de la section jeunesse ?

Nous avons des tâches bibliothéconomiques comme en section adultes : encoder les livres, les indexer pour pouvoir les retrouver, faire des repérages en librairie pour se mettre au courant des nouveautés, commander les livres, s'occuper des revues qu'il faut dépouiller afin d'en indexer les sujets, etc.

Nous passons beaucoup de temps avec les enfants pour les accompagner dans leur recherche et leur lecture. Ils ne sont pas aussi autonomes que les adultes et ne savent pas toujours ce qu'ils veulent. Nous devons souvent leur expliquer comment utiliser notre ordinateur qui, à partir de mots-clés, permet la recherche de sujets et de livres. Nous devons être très présents (surtout pour éviter que les surdoués en informatique ne piratent le système…).

Nous avons également un rôle charnière entre l'école et les enfants. Pour les classes primaires, nous mettons une banque d'images à la disposition des enfants. Il s'agit de documentation scolaire, de photos découpées dans des magazines et classées par thème. Le but ? Leur permettre d'illustrer cahiers et travaux scolaires.

La motivation du bibliothécaire de la section jeunesse doit être infinie. Il doit être au courant de toutes les nouveautés (y compris sur internet). Et souvent, il doit jouer à Sherlock Holmes pour deviner de quoi l'enfant a besoin, car les élèves ne comprennent pas toujours bien ce que le professeur leur demande et n'osent pas poser de questions. Du coup, ils ignorent le titre du livre ou le sujet du travail. A nous de deviner ce que leur professeur désire et de découvrir les ouvrages ou la documentation nécessaire.

L'heure du conte à la bibliothèque, c'est quoi ?

C'est une activité qui s'adresse à des groupes scolaires de la maternelle jusqu'à la 4ème primaire et pendant laquelle une conteuse professionnelle raconte une histoire. C'est plus magique et plus ludique que lorsque l'histoire est lue par leur professeur. Le but est aussi d'attirer les enfants dans la bibliothèque en leur montrant qu'il existe autre chose que les aspects scolaires, que la lecture n'est pas seulement liée à l'école mais aussi au plaisir.

Nous organisons aussi des programmes de promotion de lecture plus ponctuels comme "accrochage-décrochage scolaire" destiné aux enfants des classes de la 1ère à la 3ème primaire. Il y a aussi les projets d' "animaction" avec des ateliers d'écriture ou de lecture (comme la "fureur de lire", par exemple). Pendant les vacances scolaires, des comédiens vont lire des textes dans des plaines de jeux ou des parcs.

Nous devons organiser et planifier les activités en évitant de prévoir une animation pendant le salon du livre par exemple. Il faut aussi gérer tous les imprévus et continuer le travail quotidien sans se laisser déborder.

Comment choisissez-vous les livres ?

Il y a des commissions qui sélectionnent des livres. Nous choisissons aussi nous-même.Tous les membres de la bibliothèque participent en lisant et en partageant leurs savoirs. Je ne lis pas que des livres pour enfants, parce qu'à la longue, c'est lassant.

Les goûts des enfants ont-ils évolué ?

Quand j'étais enfant, "Croc-blanc" et "Capitaine Fracasse" étaient des références, mais ils ennuieraient beaucoup les enfants d'aujourd'hui. Les classiques ne sont plus les mêmes. Il faut donc faire une autre sélection. Garder le juste milieu entre les livres faciles à lire et les œuvres classiques. Nous devons captiver les enfants en leur donnant le goût de la belle lecture sans les écœurer.

Et puis, il y a l'informatique et internet que nous ne pouvons pas ignorer ! Nous avons donc quelques CD-rom interactifs que les enfants peuvent emprunter. Notre rêve est de mettre à leur disposition l'accès à internet, aux CD-rom ou la possibilité d'encoder leurs travaux sur ordinateur mais nous manquons d'espace, de matériel et de personnel.

 Quelles sont les qualités et compétences nécessaires ?

Le savoir-être me semble plus important que le savoir-faire qui s'apprend sur le tas. Être extraverti et à l'écoute des enfants. Je trouve que notre métier est le plus beau du monde. Etre capable de conseiller, c'est important et ce n'est pas facile. Retrouver un ouvrage dans toute cette masse de livres, même classés par un système informatique, est compliqué. Il faut avoir des qualités d'accueil, d'accompagnement et d'animation, avoir des notions de marketing et le sens de l'organisation.

Le bibliothécaire idéal doit être un peu animateur, un peu conteur, un peu acteur. Il doit arriver à bien expliquer le fonctionnement d'une bibliothèque et être un bon pédagogue par la même occasion. Et enfin, il faut avoir, bien sûr, toutes les connaissances techniques professionnelles telles que catalographie, indexation, recherche sur internet.Notre rôle consiste à inciter sans insister, à proposer sans imposer. Nous devons avoir un esprit d'éveil et de curiosité constant, toujours vouloir apprendre, parce que rien n'est jamais acquis et que le métier évolue constamment. Bref, c'est un métier passionnant.

 Quelle est votre formation ?

Je suis bibliothécaire documentaliste. J'ai eu beaucoup de formations en cours de route telles que la bibliothéconomie, l'accueil au lecteur, l'animation, la gestion du stress et du temps, les techniques de communication, la gestion du personnel.

Quel est votre parcours professionnel ?

J'ai fait un an de stage Onem à la bibliothèque de la RTBF. C'était varié et amusant. Puis, j'ai travaillé dans un centre sur les études et les professions qui s'appelait le Criep mais mon emploi était précaire et quand l'opportunité de travailler à la bibliothèque des Riches-Claires s'est présentée, j'ai sauté sur l'occasion. J'ai été engagée et j'ai débuté en section adulte. Ensuite, la responsable de la section jeunesse est partie et on m'a proposé de reprendre le flambeau.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui voudrait devenir bibliothécaire en section jeunesse ?

De suivre des formations complémentaires en technique de communication non violente ou interculturelle pour apprendre à désamorcer la violence que nous rencontrons quelquefois. D'avoir plusieurs cordes à son arc et d'avoir des connaissances en management, en techniques d'accueil et d'animation, en art du conte et autres disciplines que celles qui sont obligatoires dans le cursus d'un bibliothécaire.

 Que vous apporte le fait de travailler avec les enfants ?

Les enfants nous obligent à nous remettre continuellement en question, parce qu'ils mettent rapidement le doigt sur la faille. Ils nous permettent de mieux nous connaître. C'est également très valorisant.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.