Interview anonyme, Bibliothécaire
Quelles sont les difficultés du travail en bibliothèque ?
La première difficulté se pose lors du choix des livres. Pourquoi choisir tel livre et en fonction de quels besoins du public ? Faut-il prendre le risque d'acheter un ouvrage intéressant mais peu connu ou faut-il prendre les livres qui sont les plus demandés ? C'est un choix parfois très difficile à réaliser. Nous sommes toujours tiraillés entre la possibilité de suivre les modes ou de tenter de les devancer légèrement, voire de les contrecarrer. C'est un travail hautement subjectif. Dans quelle mesure influence-t-on le choix du public dans la composition de nos rayonnages ? Il faut offrir des publications classiques mais aussi des ouvrages actuels. La sélection des livres doit être agréable, éclectique. Pour cela, le bibliothécaire doit connaître les nouvelles publications et les auteurs sur le bout des doigts. Etre curieux, posséder une bonne mémoire.
Si tous les actes de gestion bibliothéconomique demandent extrême minutie, méthode et énormément de soin, c'est l'indexation des ouvrages qui pose le plus de difficultés. Un livre sur les drogues, par exemple, peut autant être répertorié dans la rubrique «médecine» que dans «droit», «social» ou «psychologie». Où le classer, où le ranger ? Là encore, il s'agit d'un choix éminemment subjectif qui comporte des orientations philosophiques ou morales. C'est d'autant plus difficile que ce classement peut varier d'une bibliothèque à l'autre. Il faut agir avec discernement.
L'accueil et la gestion du public sont également une difficulté. Il faut pouvoir toucher un maximum de personnes. Maintenir ses lecteurs et tenter d'en attirer de nouveaux. Mais un public chasse l'autre. Ainsi, si on attire un public jeune, on risque de faire fuir les personnes plus âgées qui recherchent le calme dans la salle de lecture. Si on atteint un public instruit et de classe sociale huppée, on risque de perdre les personnes d'origines plus modestes. Et vice-versa. C'est très difficile d'arriver à ce que tout le monde soit à l'aise au sein de la bibliothèque.
De plus, le bibliothécaire doit établir un lien de confiance avec les visiteurs : ce n'est parfois pas facile, pour une personne, de venir nous demander un livre sur la drogue ou sur des troubles d'ordre sexuel. En ce sens, nous sommes souvent au courant de secrets très intimes. Et pour pouvoir orienter le lecteur efficacement dans sa recherche, il faut faire preuve d'une capacité d'écoute importante.
Une dernière difficulté est de pouvoir travailler en équipe. Dans une bibliothèque, tout le monde est susceptible de s'occuper de tout. Par rapport au choix des livres, il y a plus dans plusieurs têtes que dans une seule. S'accorder avec les différentes personnalités demande, parfois, beaucoup de tolérance.
Quelles sont les qualités d'un bon bibliothécaire ?
Un bibliothécaire doit être curieux. Il doit posséder des connaissances générales étendues, être spécialisé dans certains domaines, sans trop l'être. Il doit posséder la connaissance de sa région et de sa population, des différentes publications. Dans ce métier, rien n'est jamais acquis : une bibliothèque n'est pas un musée, elle doit être le reflet du monde actuel. Et ce monde est toujours en mouvement. Alors, quelles sont les grandes tendances à suivre ? En ce sens, le bibliothécaire doit également posséder une personnalité forte et critique, un esprit ouvert. Bref, il doit pouvoir s'adapter.
Quels sont les plaisirs, les récompenses du bibliothécaire ?
Pour ma part, le plaisir est de diffuser cette masse incroyable de connaissance humaine qui est rassemblée dans les bibliothèques. On dirait qu'il y existe un livre qui est fait pour chaque lecteur. Quand la rencontre se fait, grâce à nous, c'est une énorme satisfaction. On a l'impression d'avoir été utile. Quand cela arrive, on acquiert un autre rapport avec le lecteur : il aura une toute autre approche des livres et de moi-même en tant que bibliothécaire. L'important est de partager cette richesse avec le plus grand nombre.
Quels sont les aspects désagréables du métier ?
Encore une fois, je parle pour moi-même. Je n'aime pas la gestion de la bibliothèque qui s'apparente au fonctionnement commercial d'une mini-entreprise. De plus, les règlements à respecter sont souvent lourds.
Une autre grande déception sont les déprédations causées par le public. Un jour, quelqu'un a déversé un extincteur dans les locaux. C'est fort choquant.