Mr Bruno Berte,
Psychanalyste et psychopédagogue

Interview réalisée en janvier 2005

Quel est votre parcours ?

J'ai suivi un master en sciences psychopédagogiques et j'ai fait mon mémoire avec le psychiatre et psychanalyste Jean Dierkens (Mons, 1986). Pendant mon cursus universitaire, je me suis formé à la Sophrologie et aux états de conscience modifiés à l'Ecole Belge de Sophrologie. Au sortir de mes études, j'ai entrepris une psychanalyse par le Rêve-Eveillé. J'étais passionné par l'imaginaire, l'imagination active et les archétypes jungiens. J'ai continué à Paris par la psychanalyse didactique et les séminaires cliniques au sein du Groupe International du Rêve Eveillé en Psychanalyse jusqu'à la titularisation comme psychanalyste en 1993. J'ai quitté ce groupe en 1996 pour refaire deux ans d'analyse jungienne à Bruxelles. Enfin, j'ai entrepris depuis 2002 la formation de Psychanalyste Corporel au sein de l'Institut Français de Psychanalyse corporelle.

Pourquoi, après un parcours aussi étoffé, avez-vous entrepris cette formation de psychanalyse corporelle ?

Les phénomènes transférentiels et le fonctionnement humain me passionnent. De plus, j'étais dans ma pratique interpellé par la manière dont les personnes pouvaient tirer profit de ce qu'elles avaient découvert sur le divan. En pratique, certains revenaient me voir avec des souffrances qu'ils ne parvenaient pas à régler. Un peu comme si l'analyse, malgré la connaissance acquise, ne les aidait pas dans leur quotidien.

Alors, en quoi cette psychanalyse corporelle apporte-t-elle un plus ?

Le passage par le corps présente un immense avantage, celui de court-circuiter le mental. Quand la tête laisse parler le corps, l'inconscient se manifeste d'une façon assez incroyable jusqu'à revivre et raconter dans les moindres détails ce qui est arrivé trente ou quarante ans plus tôt. Cette méthode permet une réconciliation profonde et durable avec son passé où il n'y a plus ni bourreau, ni victime. Ajoutez à cela, des outils qui aident à mieux vivre le quotidien en profitant de cette histoire qui se répète. Vous comprendrez pourquoi cette psychanalyse m'a fortement intéressé.

Qu'est-ce que le terme "corporelle" vient faire à coté de "psychanalyse" ?

Ce sont deux concepts qui semblent profondément antinomiques : si vous en parlez à un psychanalyste vous verrez ses cheveux se dresser sur la tête. Depuis ses origines, la psychanalyse utilise les associations libres, les lapsus verbaux, les rêves, tout ce qui est de l'ordre de la parole pour avoir accès à l'inconscient. Pourtant, l'intérêt pour le corps est loin d'être nouveau même au sein des courants psychanalytiques, pensez à Groddeck, Reich, ou Janov. Comme le disent Bernard Montaud et Jean-Claude Duret dans leur livre "Allo mon corps, les fondements de la Psychanalyse Corporelle" paru en 2005 aux Editions Edit'as. : "La psychanalyse corporelle est un courant moderne passant par les lapsus du corps au lieu des lapsus des mots". Les psychanalystes freudiens et jungiens qui suivent la formation en psychanalyse corporelle disent combien celle-ci ajoute un degré de précision atteint par le corps que la forme verbale n'atteint pas toujours dans le revécu du passé.

Pourriez vous m'expliquer ce que peut dire le corps, que sont les "lapsus corporels" ?

Un lapsus corporel est comme un lapsus verbal, une irruption de l'inconscient dans l'instant. Par une technique précise de sollicitation du corps, celui-ci va rentrer en confidence à travers sept niveaux de lapsus corporels ou mouvements conscients et involontaires, associés à sept niveaux de profondeur psychique. Le corps et son incroyable mémoire nous plonge peu à peu dans le revécu de quatre instants particuliers que nous appelons "scènes traumatiques".

Qu'entendez-vous par "traumatisme" ?

Le traumatisme est un instant culminant en douleur qui résume toute une période de l'existence. Il apparaît dans des circonstances où deux forces contraires et d'égale intensité, par exemple le plaisir et la honte, sont en conflit dans l'intériorité de l'enfant. Pour échapper à la folie, celui-ci est alors obligé d'opter dans un choix déchirant pour l'une de ces forces et ainsi renoncer à une partie de lui-même. Il y a le traumatisme de la naissance, celui du secret familial, de l'ambiguïté sexuelle et enfin le secret personnel. Il s'agit d'une notion complexe.

En quoi retrouver ces traumatismes permet-il d'apaiser réellement le présent ?

Non seulement la psychanalyse corporelle permet d'accéder à la construction de notre personnalité par la connaissance précise de nos traumatismes, mais elle permet également de lever la grille de lecture que nous apposons en permanence aux événements. Pour être plus concret, dans les petites douleurs quotidiennes, pouvoir repérer la simple répétition du passé parce que celui-ci a été intimement accueilli et apaisé, permet à l'aide d'outils spécifiques de profiter librement du présent, et cela ouvre vraiment de nouvelles perspectives de vie !

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.