Interview anonyme,
Exploitant agricole
Quel est votre itinéraire ?
Je n'ai pas fait d'études dans le domaine de l'agriculture pour arriver au métier de producteur de pommes de terre. Mon entreprise de production de plants était, au départ, une ferme familiale que j'ai reprise à la mort de mon père.
J'y ai d'abord fait des transformations pour créer un camping et un restaurant. Parallèlement à cela, je voulais exercer une activité plus facile et moins contraignante : le plant de pommes de terre, dont on faisait déjà la multiplication de père en fils, m'a paru être la solution idéale. Comme j'ai perdu mon père à l'âge de 13 ans, c'est un oncle qui m'a initié. J'ai vraiment eu de la chance de l'avoir parce qu'on ne peut pas se lancer sans conseils. Aujourd'hui, j'exploite 50 ha de plants ; la majorité de ma production part à l'étranger.
Pourquoi avoir choisi la pomme de terre ?
C'est la seule culture qui paie encore sa main-d’œuvre. Dans beaucoup d'autres domaines, le travail à effectuer est énorme avant d'obtenir un résultat, et ce n'est pas toujours rémunérateur. La pomme de terre permet de bien gagner sa vie avec de petits moyens et presque pas d'investissements. Pour un débutant, c'est l'idéal. La qualité des terres en Wallonie ainsi qu'un très bon environnement font que la pomme de terre se cultive très bien chez nous. De plus, elle est très appréciée par les étrangers et ne subit pas encore l'instauration de quotas. En somme, elle est très rentable.
Il faut pourtant savoir qu'il n'y a pas que des avantages : la pomme de terre demande énormément de soins, surtout au moment de la récolte. Elle ne s'extrait pas comme une betterave, par exemple, qu'on arrache à la main sans prendre de précautions. A l'inverse, il faut prendre garde de ne pas abîmer le produit, de le préserver des blessures. Aussi, bien que cette partie du travail soit mécanisée, il faut que l'ouvrier manie l'engin avec prudence.
Mais c'est surtout au niveau de la culture elle-même que la main-d’œuvre doit être la plus nombreuse et la plus attentive. Ce légume réclame un suivi et une concentration permanente depuis sa plantation jusqu'à sa maturation : sans cesse, il faut vérifier qu'il n'y ait pas de maladies.
Quelles sont vos occupations ?
Mon travail est limité à la production de pommes de terre et à sa vente par l'exportation. Je ne m'occupe pas de la transformation du produit (pas d'épluchage, de mise sous vide, etc.). Bien sûr, je ne m'occupe pas seul de la culture, j'emploie du personnel, en permanence ou des saisonniers, pour produire, récolter et trier mes plants.
Comment travaillent vos ouvriers ?
Tout d'abord, les ouvriers permanents s'occupent de planter et d'élever ma production. Ce sont eux qui utilisent mes machines.
Les saisonniers se chargent de l'arrachage et du triage des pommes de terre. Ils voient défiler la récolte sur un tapis roulant et sont chargés d'éliminer les éléments abîmés et d'enlever les mottes de terre. J'emploie une main-d’œuvre sans diplôme ni qualification particulière. L'important est que les gens soient motivés.
Quels sont les avantages et les inconvénients de votre métier ?
Avantage(s) : j'aime l'aspect insécurité : on n'est jamais sûr de rien, on ne peut pas dire que demain, on va réussir parce qu'il y a toujours des impondérables. Par exemple, nous sommes toujours à la merci du climat. Nous travaillons toujours à l'extérieur, ce qui peut constituer un avantage autant qu'un inconvénient. Nous sommes souvent en contact avec l'extérieur (relations commerciales). L'activité est finalement rentable : si ça ne l'était pas, il y a longtemps que j'aurais arrêté !
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui veut débuter ?
Je ne conseillerais cette orientation qu'à quelqu'un de très motivé. La pomme de terre est un bon créneau, mais il faut vouloir réussir. Être en permanence sur le terrain pour déceler le moindre signe de maladie chez la plante est assez contraignant. Au départ, surtout s'il ne dispose pas de gros capitaux, le producteur démarrera modestement, quitte à s'étendre par la suite.
Pour bien réussir, il faut de l'expérience. Elle ne viendra que sous la forme de suggestions avisées d'un conseiller ou d'un parent qui connaît le domaine, ou qu'avec le temps. Être très sérieux dans son travail est aussi indispensable : ce sérieux permettra petit à petit de se faire un renom, gage de garantie pour l'acheteur.
Je recommanderai enfin de ne pas mélanger deux domaines bien distincts : la production et le commerce. Ce sont deux métiers différents ; quand on les pratique, chacun doit rester à sa place. Je sais que si un producteur se mêle d'exporter et d'effectuer lui-même les transactions, ses premiers clients seront les mauvais payeurs et ce sera l'échec. Aussi, la grosse majorité des producteurs de plants wallons travaillent avec un même exportateur. Ce dernier part en général à l'étranger pour vendre 500 tonnes d'une variété. Comme un producteur n'est capable que de fournir 100 tonnes à la fois, il vend la production rassemblée de plusieurs d'entre eux et réussit une transaction que le producteur isolé ne peut réussir seul.