Mr Lilo, Dessinateur

Interview réalisée en mai 2013

Pourriez-vous retracer votre parcours ?

Après des études primaires, j’ai fait trois années d’études secondaires "classiques" à l’Athénée royal Thil Lorrain de Herve. Ensuite, je suis allé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où j’ai terminé mes secondaires en section "artistique". J’ai terminé avec distinction en rhéto car j’étais deuxième en dessin et premier en histoire de l’art.

En 1990, je décide de me spécialiser en "BD-Illustration", toujours à l’Académie des Beaux-Arts, mais faire cinq années d’études supérieures me semblait trop long. J’opte donc pour quatre années en cours du soir. Ainsi, pendant que j’étudie la BD et l’illustration en cours du soir, je cherche du travail en journée.

En 1994, année où je termine les cours du soir, je trouve un travail à l’asbl pédagogique GRAPPA de Verviers, où je suis chargé de faire des surveillances dans des écoles primaires, faire de la paperasserie, exécuter des tâches polyvalentes, etc. Cela ne me plait guère mais il faut bien gagner sa croûte !

Toutefois, il ne faut pas corrompre son instinct et mon âme d’indépendant était plus forte que tout. C’est ainsi qu’en 1996, je quitte GRAPPA et je me lance comme dessinateur grâce à l’obtention d’un registre de commerce, d’abord à temps partiel. Faisant preuve d’un grand esprit d’entreprendre, je lance ainsi ma petite entreprise grâce à laquelle je réalise, durant 14 ans, BD, peintures murales, logos, pubs, livres pour enfants, etc. je propose également des stages de BD et dessin pour petits et grands ainsi que des conférences.

Les enfants (et même les adultes) m’appelant "Monsieur Lilo", je décide dans les années 2000 de garder mon second prénom comme référence artistique. En 2010, je décide de faire le grand saut vers le statut d’indépendant à temps complet, jusqu’en 2011. En 2012, je décide de ne plus exercer en tant qu’indépendant et je m’inscris à la société d’artistes SMART de Liège qui gère les contrats des artistes autonomes et surtout, qui défend les droits des artistes. Actuellement, j’ai donc le statut d’artiste qui me permet de continuer à exercer ma profession tout en étant géré par la SMART. Mon activité principale reste donc le métier de dessinateur. Je continue la réalisation de publications (livres de références, BD, logos, etc.), je donne des ateliers à la Maison de Quartier de Battice deux fois par semaine et je donne également des "modules de dessin" dans le cadre des formations d’infographie agréées par le Forem. J’ai cependant arrêté les fresques murales et les stages. 

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le dessin ? Pourquoi en avoir fait votre métier ?

Ce qui m’a attiré dans le dessin, c’est la créativité, le fait que l’on part de rien pour créer quelque chose. Un artiste a la créativité dans la peau, c’est plus fort que lui. Par ailleurs, j’ai toujours eu beaucoup d’imagination et il m’a paru logique de l’exprimer sous forme de BD et de livres illustrés. Et c’est tout naturellement pour cela que j’ai voulu en faire mon métier. Je ne supporte pas non plus la routine et les métiers artistiques vont contre la routine. 

Est-ce votre activité principale ?

Oui, c’est mon activité principale. Je travaille une huitaine d’heures par jour et je ne changerais pour rien au monde. 

Quelles sont vos productions ? Que dessinez-vous ?

Je dessine essentiellement des bandes dessinées, des illustrations pour des livres de référence. Cela peut aller du simple personnage à des dessins plus élaborés et réalistes. Je dessine quasiment tous les sujets : paysages, animaux, objets divers, etc. Mes productions publiées se trouvent dans la rubrique bibliographie de mon site internet.

Travaillez-vous sur commande ou selon votre inspiration ?

Je fais les deux. Le travail sur commande est indispensable si je veux vivre de mon métier, mais l’inspiration personnelle est également indispensable. Ainsi, la moitié de ma semaine est consacrée à mes réalisations personnelles (BD essentiellement) et l’autre moitié à la réalisation de commandes diverses.  

Quelles techniques utilisez-vous pour dessiner ?

Je continue à dessiner avec le bon vieux crayon noir traditionnel. Toutes les esquisses de mes travaux sont ainsi réalisées. Ensuite, suivant le désir du client ou suivant mon inspiration, je réalise la finition soit aux crayons de couleur ou à la peinture (gouache), soit par informatique  avec un logiciel de dessin.

Beaucoup de mes confrères dessinateurs ont abandonné les crayons pour la tablette graphique. Selon moi, il s’agit là d’une erreur car leurs travaux se ressemblent et n’ont plus d’âme. En effet, l’ordinateur permet une plus grande facilité dans le travail et une plus grande rapidité, mais le trait du stylo électronique ne remplacera jamais le trait spontané et naturel du crayon graphite. 

Peut-on dire que le dessinateur est illustrateur aussi la plupart du temps ? Si non, quelles différences faites-vous entre ces deux fonctions ?

Le dessinateur peut être illustrateur mais pas toujours car les deux fonctions sont en réalité différentes.

Le dessinateur réalise la plupart du temps des œuvres personnelles, basées sur ses propres idées, qu’il vend ensuite. Il peut cependant réaliser des illustrations sur commande afin d’arrondir ses fins de mois ou pour des raisons alimentaires, tout simplement.

L’illustrateur, lui, n’a pas toujours l’esprit d’entreprendre ni l’imagination du dessinateur. Un illustrateur est en fait une personne qui illustre les idées d’une autre, mais il n’est pas forcément "auteur" comme l’est le dessinateur.

Quelles sont les qualités, les compétences à posséder pour exercer votre métier ?

Il faut d’abord être passionné par son métier et avoir beaucoup de patience. Celui qui n’a pas de patience ne doit pas se lancer dans un métier artistique. Il faut avoir un grand esprit d’initiative car sans cela, l’artiste ne peut pas vivre de son métier. Il faut aussi avoir une communication facile et avoir un capital sympathie. Beaucoup de dessinateurs très talentueux ne gagnent pas bien leur vie car ils n’ont pas cette communication aisée qui est indispensable. 

Comment faites-vous connaître votre travail ?

Au début de ma carrière de dessinateur, je faisais ma pub en mettant moi-même des "toutes-boîtes" dans ma région, en envoyant des centaines de pubs régulièrement aux communes wallonnes et flamandes et en mettant des publicités dans les journaux locaux ou nationaux.

Bien que coûteuse, cette dernière méthode était la plus efficace et c’est celle que j’utilise encore aujourd’hui. Je mets donc régulièrement une publicité dans les journaux de la province de Liège. Depuis 2012, ma pub circule également sur internet. Mon site officiel et ma page Facebook sont une bonne forme de pub. Le bouche-à-oreille fonctionne très bien aussi. 

Vous proposez également des ateliers de dessin. Pourriez-vous nous en parler ?

En effet, comme je l’ai déjà mentionné, je propose des ateliers de dessin à la Maison de Quartier de Battice. J’ai créé ce cours de dessin car je me suis aperçu que la plupart des cours artistiques sont souvent donnés par des gens qui ne sont pas forcément des gens de métier avec une solide expérience. Parfois, il faut plus de cinq années à une personne pour apprendre les rudiments du dessin, ce qui est trop long de nos jours. Grâce à mon atelier, toute personne  apprend le dessin de façon efficace et rapide car je vais directement à l’essentiel, sans temps mort ou perte de temps. J’ai également créé une méthode, "Le principe de Trois", qui permet à tout débutant de maîtriser le dessin en deux ans maximum.

Mon atelier est intergénérationnel, c’est-à-dire que le plus jeune participant a 9 ans et le plus âgé en a 67. L’atelier se déroule en groupe, personne ne travaille seul dans son coin. En travaillant autour d’une seule grande table, je favorise les échanges entre les plus jeunes et les plus âgés, ce qui crée une saine émulation et non une compétition. Un autre atout de cet atelier est que les participants peuvent me poser toutes les questions sur le domaine et les matériaux artistiques, car durant quinze années, j’ai travaillé sur tous les supports et avec tous les matériaux artistiques. 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui voudrait se lancer ?

Je lui dirais qu’il doit faire preuve de détermination mais aussi de beaucoup de patience. Je lui conseillerais aussi d’avoir un peu d’argent de côté avant de se lancer car le matériel artistique coûte cher. Il peut, pour cela, accepter d’exercer un quelconque  job temporaire, par exemple. Je lui conseillerais d’être ouvert à toute proposition artistique, de faire preuve de créativité, de faire un maximum de rencontres dans son domaine, car elles sont très importantes. Et surtout, d’avoir un esprit d’entreprendre. Sans ce dernier conseil, il n’y arrivera pas. 

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.