Mme Céline Delbecq,
Administratrice de compagnie
Interview réalisée en octobre 2010 |
Administratrice et fondatrice de la Compagnie de la Bête Noire.
Pourriez-vous retracer brièvement votre parcours scolaire ?
Je suis entrée à Art2 à Mons à 18 ans dans la classe de Frédéric Dussenne, juste après mes secondaires à l’Athénée Royal Jules Bara de Tournai.
Quel est votre parcours professionnel ?
Lors de ma dernière année au Conservatoire, j’ai, pour mon mémoire de fin d’études, écrit et mis en scène une pièce de théâtre : Le Hibou. Cela a pris une tournure tout à fait inattendue. Repérés par Luc Dumont et son magnifique Zététique Théâtre, nous avons été vivement soutenus pour participer aux Rencontres de Théâtre Jeunes Publics de Huy. Nous y avons décroché le prix du Ministre de la Jeunesse ainsi qu’un coup de cœur de la presse. Autre soutien, Emile Lansman décide à ce moment là de publier le texte. C’est le début de l’aventure…
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer votre propre compagnie ?
Le fait d’avoir pris goût à ce travail qu’est l’écriture et la mise en scène (cela ne fait plus qu’un). Je pense que quand on est attiré par ce métier là, il faut créer sa propre structure pour pouvoir regarder vers l’avant…
Quelles sont les différentes étapes dans la création d’une compagnie ?
Se rendre au tribunal de commerce, lire attentivement la brochure d’explication (s’il faut donner un conseil, c’est plus simple de consulter directement le Moniteur Belge en ligne et d’y lire plusieurs exemples concrets de statuts d’asbl). Rédiger les statuts, la liste des membres, quelques signatures par-ci par-là et voilà.
Concrètement, en quoi consiste votre travail au quotidien ? Comment s’organise-t-il ?
D’abord écrire un texte de théâtre. Trouver les acteurs, construire une équipe de travail.
Faire deux dossiers (qui ont la même base) : un pour la production du spectacle (qu’on envoi à un maximum de programmateurs afin d’avoir un lieu) et l’autre pour une demande de subsides à la Fédération Wallonie-Bruxelles (afin de rémunérer les travailleurs).
C’est assez difficile quand on commence et qu’on ne connaît personne (et qu’on a 22 ans) parce que, pour avoir un espace de travail, il faut souvent que le spectacle soit subsidié et pour que le spectacle soit subsidié, il faut qu’une production soit assurée. Ce qui est à la fois logique et déroutant.
Quand tout cela est fait, ensuite, on commence vraiment le travail tant attendu, c’est-à-dire celui de la réalisation du spectacle. Deux ans d’administration pour un mois et demi de travail plateau. Mais ça vaut la peine, c’est magique, magnifique.
A l’intérieur de cette création, encore de l’administratif : il faut commencer à faire un dossier de diffusion du spectacle (pour une éventuelle tournée), un dossier de presse, assurer les contrats de toute l’équipe (untel un contrat type artistique, untel un RPI, etc.).
Prenez-vous également en charge la diffusion des spectacles ?
Jusqu’ici, oui. Mais pour le spectacle que nous sommes occupés de créer, je travaille en binôme avec quelqu’un qui va prendre la relève.
Quelles sont les compétences, connaissances à posséder pour devenir administratrice ?
Je pense que tout s’apprend sur le terrain. C’est l’envie qui régit la compétence. J’ai fait pas mal d’erreurs. Signer trop vite des conventions, par exemple, sans savoir vraiment de quoi cela parlait.
Est-ce essentiellement un travail administratif ?
J’ai encore du mal à différencier le travail administratif et le travail artistique de la compagnie. Pour moi il ne fait qu’un puisqu’il vise un seul objectif : celui de la création d’un spectacle. Mais oui, il y a énormément de travail de bureau. Je me dis souvent : « si je m’étais imaginée en entrant au Conservatoire que j’allais me retrouver à devoir faire des dossiers ou de la négociation avec des institutions…! ». Heureusement, je n’en ai rien su ! Cela m’aurait dissuadée, j’aime les rapports simples avec les gens. Mais finalement, j’aime aussi cette partie là du travail. C’est le début du combat, je me sens encore plus investie dans les projets de la compagnie.
Quels sont les autres professionnels avec qui vous collaborez ?
Il y en a beaucoup et il y en aura de plus en plus. Je crois aux rapports de fidélité. Quand le travail se passe bien avec quelqu’un, je veux continuer pour aller plus loin. J’admire profondément le travail d’Ariane Mnouchkine par exemple. Ensemble on est plus forts. J’ai besoin des autres. Il y a Charlotte Villalonga, une comédienne avec qui je pense travailler encore longtemps. Seb Bonnamy, Emilie Puits, Greg Fasbender, Muriel Legrand, Louise Manteau, Laurence Adam qui fait la création lumière, Aldo Platteau la création sonore. Cindy Aguado, qui reprend le travail de diffusion. Alessia Contu, la photographe ; Kira De Smedt qui assure le graphisme, etc.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans votre métier ?
Le plus difficile est d’être pris en considération. Même si c’est pour entendre un non. C’est un plaisir de lire ou d’entendre « j’ai lu votre dossier et cela n’est pas possible pour nous ». Je me dis « Ah ! Enfin quelqu’un qui a lu, enfin quelqu’un qui répond ». La Maison de la Culture de Tournai a été la première institution à nous écouter, y croire et nous encourager. C’est quelque chose que je n’oublie pas.
D’après vous, quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?
Il faut des nerfs solides ! Ce sont beaucoup de "non" pour un petit oui. Il faut pouvoir s’accrocher au petit oui ! Pouvoir se prendre en main, se lever à 7h tous les jours, même si on a un statut de chômeur. De la persévérance, mais une infime reconnaissance donne beaucoup d’énergie et les choses finissent par se faire assez naturellement.
Quels sont les conseils que vous donneriez à une personne qui a envie de se lancer dans le milieu ?
Ne fais pas les choses pour les autres, pour plaire aux autres. Fais les choses pour toi, avec ce qui te touche toi, avec ton cœur. Et si tu t’en prends plein la tronche, dis-toi bien que ce qui te touche toi ne peut pas toucher tout le monde car nous avons aussi choisi, en choisissant un métier de création, un métier de subjectivité.