Mr David Delforge, Taxidermiste
Quel est votre parcours ?
J'ai un master en biologie, avec une spécialisation en aquaculture. J’ai enseigné les sciences dans l’enseignement secondaire supérieur pendant 2 ans. J’ai ensuite suivi une formation de 9 mois, sur le tas, chez un taxidermiste.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
J’ai toujours eu un attrait pour les animaux, c’est pourquoi j’avais déjà choisi d’étudier la biologie à la base. Et puis, je suis issu d’un milieu de chasseurs et donc, la taxidermie était déjà quelque chose que je connaissais. Je tannais déjà un peu aussi. Après avoir discuté avec un taxidermiste, je suis allé visiter son atelier et je m’y suis donc formé.
Un taxidermiste doit donc pouvoir tanner aussi ?
Oui. En tout cas, il doit obligatoirement connaître les bases du tannage. Cependant, cela dépend des espèces. Pour certaines, on fait le tannage soi-même, pour d’autres, on délègue le travail à des tanneries professionnelles.
Concrètement, quelles sont les différentes étapes de votre travail ?
Il y a des différences en fonction des espèces à naturaliser. Pour les mammifères européens, qui sont les plus courants, ils arrivent généralement fraîchement tués à l’atelier. On dépiaute l’animal et on envoie la peau en tannerie. Ensuite, on prend toute une série de mesures sur la carcasse afin de reconstituer un mannequin en polyuréthane. Une fois que la peau revient de tannerie, elle est collée sur le mannequin.
Je travaille aussi d’autres animaux du monde entier, généralement issus de la chasse, mais par contre, pas les chats ni les chiens. Je trouve qu’il s’agit d’une taxidermie particulière car, pour les propriétaires d’animaux de compagnie, ces animaux représentent beaucoup. Selon moi, il faut connaître l’animal autrement qu’à travers de simples photos pour pouvoir le reconstituer.
Le travail de taxidermie demande beaucoup de recherches. Un taxidermiste doit avoir des connaissances relativement poussées en anatomie. Ces connaissances ne sont pas obligatoirement universitaires mais il faut savoir de quoi on parle. Pouvoir utiliser les techniques de moulage et les matériaux polymères est également très important car nous y avons recours quotidiennement. Ces techniques sont encore à mille lieues de l'utilisation de la paille de bois.
L’aspect "recherches" est donc très important. Comment vous-y prenez-vous ?
J’ai beaucoup de bouquins d’anatomie. Il existe des ouvrages pour artistes animaliers, pour vétérinaires, etc. On travaille également beaucoup avec des photos de référence qui sont des photos d’animaux dans des poses bien précises. On les trouve sur internet, sur des forums spécialisés en photographie animalière ou sur le forum mondial de taxidermie et dans les revues spécialisées.
Quelle est votre clientèle ?
Ma clientèle est composée à 90% de chasseurs. Les 10% restants sont composés d’artistes et de particuliers.
Les musées représentent également un marché important pour les taxidermistes. En ce qui me concerne, je n’ai jamais travaillé pour eux, car ils possèdent généralement leur propre taxidermiste. Mais ça doit être passionnant car ils ont accès à des espèces fascinantes.
Y a-t-il des animaux que vous aimeriez particulièrement naturaliser ?
Les félins, en général, sont très intéressants et difficiles à réaliser car il y a plein d’expressions, ils sont souvent représentés entiers, en pieds. Ce sont donc des grosses pièces. J’aimerais beaucoup avoir la chance de faire un jour un léopard des neiges.
Quels sont les différents types de demandes ?
Chaque pièce est unique et on s’adapte aux desiderata du client.
Pour les chasseurs, le rôle du taxidermiste est de valoriser et de pérenniser un trophée de chasse. Ce trophée peut avoir la forme d’un massacre sur une planche (crâne nettoyé et blanchi fixé sur une planche), de l’animal empaillé ou de la pérennisation de sa peau sous forme de tapis, d’objets. C’est très diversifié.
Généralement, ce ne sont pas des demandes absurdes. Je pense d’ailleurs que je refuserais si ça ne mettait pas en valeur l’animal. Mais un artiste m’a quand même demandé une licorne !
La pratique du métier est-elle légiférée ?
Oui, il y a des règles concernant la naturalisation de certaines espèces. Il est notamment interdit de travailler sur les animaux protégés en Belgique, sauf dans un but didactique. La loi belge rentre dans la convention de Washington qui légifère sur le commerce et le transport des animaux dans le monde entier.
Quelles sont les principales difficultés de votre travail ?
Je dirais la pluridisciplinarité des tâches. Il faut pouvoir toucher à tout, de la menuiserie à la bijouterie, en passant bien sûr par le tannage. La taxidermie requiert énormément de connaissances.
Qu’est-ce qui vous plait le plus?
J’aime beaucoup participer à des compétitions européennes et mondiales. Elles sont l’occasion de progresser énormément et de confronter mon travail à des regards objectifs. Sinon, plus concrètement, j’apprécie beaucoup la partie montage, empaillage.
D’après vous, quelles sont les qualités à posséder pour devenir taxidermiste ?
Il faut avant tout et surtout, un sens de l’observation très développé. Le taxidermiste ne crée rien, il cherche plutôt à atteindre la perfection, c’est-à-dire un animal "vivant". Le sens de l’observation est donc très important pour obtenir ce rendu. Le rapport à la clientèle est aussi très particulier car pour les personnes qui s’adressent à nous, il s’agit à chaque fois d’une pièce unique à leurs yeux. Il faut être sûr de soi car certains trophées de chasse plutôt rares valent parfois autant qu’une maison et leurs propriétaires y tiennent donc beaucoup ! Il est également très important, selon moi, de rester en contact avec ce qui se fait internationalement.
Quels sont les conseils que vous donneriez à une personne qui veut se lancer ?
De se former à l’étranger, et plus particulièrement aux Etats-Unis, où ils sont vraiment très avancés dans le domaine. En Belgique, nous ne sommes pas suffisamment nombreux que pour pouvoir montrer un bon panel des différentes méthodes utilisées.