Domenico Fanara, Galéniste

Interview réalisée en juin 2009

Domenico Fanara est âgé de 45 ans et travaille depuis 1993 pour le groupe pharmaceutique UCB à Braine-l’Alleud en tant que responsable du développement pharmaceutique appelé aussi développement galénique.

Quelle est votre formation, votre parcours professionnel ?

Pharmacien de formation, après trois mois de travail en officine, j’ai décidé de m’orienter vers l’industrie pharmaceutique. J’ai alors travaillé pendant six ans au sein d’une PME située en Wallonie. J’y ai obtenu le titre de pharmacien d’industrie.  Je m’occupais de développement de formes pharmaceutiques génériques ayant une valeur ajoutée pour le patient par rapport à la forme disponible sur le marché (forme retard, forme à dissolution améliorée, forme effervescente… Ensuite, j’ai rejoint l’entreprise UCB en 1993 et j’ai commencé une thèse doctorale à l’ULB dans le cadre de l’administration orale de  peptides (polyacides aminés). Cependant, je n’ai pas défendu ma thèse car mon niveau de responsabilité a augmenté chez UCB. Je suis à présent responsable d’un département et je m’occupe toujours aujourd’hui de développement pharmaceutique.

Comment pourrait-on décrire votre profession ? Quelles sont ses particularités ?

Le développement pharmaceutique a pour but de concevoir un produit (Drug Product) de qualité ainsi que son procédé de fabrication afin de délivrer de manière constante un produit de performance attendue. L’information et la connaissance acquises au travers des études de développement pharmaceutique permettent de fournir un rationnel scientifique qui supportera l’établissement des spécifications et des contrôles en production et qui se traduira par un apport important au dossier d’enregistrement.
Il y a deux aspects importants : l’input et l’output. L’input, c’est la matière active, le médicament. Est-il résorbé ? Est-il compatible avec les excipients utilisés en formulation ? Est-il soluble ? Pour répondre à ces questions, il faut comprendre les propriétés physico-chimiques de la molécule. L’output, lui, est caractérisé par les attentes que l’on a vis-à-vis de la forme pharmaceutique et de son dosage. Est-ce un comprimé, une gélule, un sirop… ? La forme pharmaceutique est la manière dont le patient va voir et percevoir le médicament. Mon métier consiste à prendre l’input et à faire des études de formulation. Toutefois, il n’est pas suffisant d’être un expert en formulation. Il faut comprendre toutes les composantes de la science pharmaceutique. Pour cela, on est en relation avec les services recherche, marketing et clinique de la société. Le métier requiert donc une curiosité permanente.

Quelles sont vos tâches principales ? 

Les galénistes participent au groupe de projet qui inclut différentes disciplines (affaires réglementaires, synthèse chimique, marketing, développement clinique). Ce groupe de projet est chargé de mettre en place un plan de développement clinique. Ce métier nécessite une compréhension des problématiques et des objectifs des autres acteurs. Dans un premier temps, il faut s’assurer qu’on a bien intégré les propriétés physico-chimiques de la molécule pour fournir à temps le matériel clinique. Ensuite, on procède à la formulation. Notre laboratoire possède tous les équipements nécessaires pour la fabrication des médicaments nécessaires pour réaliser les essais cliniques. On part d’une poudre et on doit en faire une capsule, une gélule, un sirop… Le métier mêle des tâches de coordination et des tâches scientifiques. La plupart des galénistes sont au départ des pharmaciens ou des ingénieurs (donc de niveau universitaire) mais il y a également des laborantins diplômés de l’enseignement supérieur qui, après 10 à 20 ans de métier, ont acquis suffisamment d’expérience pour faire de la formulation.

Quelles qualités faut-il pour exercer cette profession ?

Il faut une rigueur scientifique, budgétaire  et organisationnelle car on fonctionne dans le cadre de gestion de projet. Une grande curiosité scientifique également (interdisciplinarité). A notre niveau, nous sommes l’interface entre la recherche et le marketing, il est donc nécessaire de comprendre tous les aspects du métier. On est en quelque sorte prestataire de services. Il faut des qualités d’écoute et pouvoir faire face aux contraintes d’une fabrication en masse. Il faut aussi faire preuve de créativité et tenir compte du patient par exemple en produisant des comprimés les plus petits possibles. Quelle que soit l’étape de la procédure où on se trouve, on doit garder à l’esprit la finalité. Et la finalité, c’est le patient.
Pour les langues, l’anglais est incontournable. On vit dans un  monde global. D’ailleurs, la plupart de nos réunions se déroulent dans cette langue.

Présente-t-elle certains avantages ou des inconvénients ?

Des inconvénients, je n’en vois pas. Je m’amuse toujours autant qu’au début de ma carrière ! C’est une fonction où on n’est pas seul, on fait partie d’une équipe pluridisciplinaire. Des problèmes surgissent en permanence. Donc, il faut les comprendre et les anticiper au maximum en maîtrisant les aspects physico-chimiques. N’oublions pas non plus que la créativité d’une équipe permet de générer de la propriété intellectuelle, ce qui représente une valeur ajoutée pour l’entreprise. Il faut être patient, l’expérience ne s’improvise pas. La galénique, on en apprend les fondements à l’université, ensuite on acquiert de l’expérience au fil de sa carrière tel un vin qui se bonifie avec le temps.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

Le networking, c’est-à-dire le contact avec toute une série d’expertises que je confronte à la mienne. L’échange est permanent. Je citerais également la capacité à anticiper les problèmes même si, parfois, il faut savoir prendre la décision de s’arrêter lorsque les problèmes sont insurmontables.

Cette profession a-t-elle évolué ces dernières années ? De quelle manière ?

Le métier est plus cloisonné aujourd’hui. Quand j’ai commencé, je faisais tourner les machines moi-même. A présent, on forme davantage de spécialistes en oubliant de former des généralistes. Or, il faut être un bon généraliste, quitte à se spécialiser par la suite.

Quel conseil donneriez à un jeune intéressé par ce métier ?

Après sa formation universitaire, il doit prendre le temps d’acquérir de l’expérience, de grandir. Il doit être patient et avoir le respect des autres. Parfois, des personnes n’ayant pas le même niveau de formation en savent plus que des universitaires. Il y a très peu de barrières technologiques au progrès, on peut toujours les surmonter. La créativité est donc une qualité essentielle.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.