Mr Floris Vanermen, Chef pâtissier

Interview réalisée en avril 2006

Chef pâtissier, un des deux associés de Créa Culina

Mr Vanermen, vous êtes chef pâtissier, quel est votre parcours de formation et d'expériences professionnelles ?

Je suis originaire de Louvain mais c'est à Bruges que j'ai fait mes études en boulangerie, pâtisserie, chocolaterie et confiserie.

Parallèlement aux études, j'entreprends des stages d'apprentissage le week-end, ce qui me permet de faire évoluer ma technique.A l'issue de cette formation, je pars à Londres où je suis engagé chez De Baere, le tenant du titre du meilleur artisan du monde.Je démarre en tant qu'ouvrier et après un an, je deviens chef d'atelier. Je n'y reste que deux ans, ce voyage en Angleterre n'était pour moi qu'un bref passage vers autre chose.Je me rends ensuite à Paris où je travaille durant quelques mois pour revenir en Belgique et travailler à Louvain durant deux ans. Ayant fait le tour de ce qui me semblait devoir être acquis comme compétences, je décide de travailler à Bruxelles comme chef pâtissier dans une pâtisserie ayant pignon sur rue. C'est là que j'ai rencontré Bernard Ameryckx.

Créa Culina est une toute jeune entreprise née il y a quelques mois qui fait le pari de l'innovation culinaire. Quel est ce concept nouveau ?

Il s'agit de mettre le savoir-faire de la présentation raffinée de la pâtisserie au service de la subtilité des goûts en cuisine. Nous avons lancé une gamme de " moussalines" qui sont des entrées salées proposant à la fois un design et une combinaison de saveurs et de textures. Tout est en équilibre, le croquant d'un biscuit vient renforcer le côté aérien de la mousse, l'acidité contre-balancele sucré. La deuxième particularité de nos produits concerne le conditionnement. Nos produits sont vendus congelés avec une durée de conservation de six mois. Nous proposons trois formats : les portions individuelles, les bandes à découper ainsi qu'une présentation en verre pour les buffets et cocktails.

Qui sont vos clients aujourd'hui ?

Actuellement, nos clients sont surtout des professionnels de la restauration et des grossistes qui fournissent eux-mêmes les restaurants. Nous comptons élargir la distribution vers les particuliers via les chaînes de magasins et permettre l'accès à nos produits pour les fêtes de fin d'année. Actuellement nous livrons nous même. Ce travail de suivi de la clientèle demande beaucoup de disponibilité, nous ne sommes que deux aujourd'hui à assumer tous les postes dans l'entreprise et nos journées de travail sont, par conséquent, très longues.

Que proposez vous en matière de pâtisserie ?

En matière de produits exclusivement pâtissiers, nous produisons une tarte tatin avec une qualité plus élevée, l'originalité ici se trouve dans le biscuit à la noisette que nous utilisons.Le fait que nos produits passent par la congélation implique que nous réfléchissions à la préservation des caractéristiques du produit telles qu'elles existent avant cette étape de congélation. Après passage au four, le produit doit préserver son bon goût de beurre au caramel. Nous proposons également une tartelette aux abricots qui permet aux restaurateurs de présenter une volaille en accompagnement ou comme dessert avec une boule de glace à la lavande par exemple. Nous produisons également une île flottante qui plaît beaucoup. Après plusieurs essais, nous sommes arrivés à produire une qualité supérieure qui supporte sans souci le passage par la congélation.

Comment cette entreprise a t-elle démarré ?

Bernard Ameryckx est un passionné, qui durant ses études en hôtellerie, a choisi d'être en stage auprès des plus grands. Après son parcours de formation, il travaille durant 4 ans dans les restaurants d'une chaîne internationale en Ecosse, à la production de desserts avant de partir pour l'Espagne. A son retour en Belgique, sa passion pour la pâtisserie le fait entrer dans une grande maison où il gagne le concours Mandarine Napoléon en 2001 et termine quatrième au niveau international. Dans son souci d'affiner encore sa technique, il profite des conseils et du professionnalisme de Sébastien Courlit. Au départ, l'idée prend sa source d'un besoin de faciliter le travail de mon associé lorsqu'il était restaurateur. Bernard était confronté à un problème récurrent, celui d'élaborer en un minimum de temps des hors d'oeuvre créatifs mettant en scène les couleurs, les saveurs et les textures.L'idée qui émerge alors est celle de prévoir une préparation à l'avance et de les surgeler. C'est lors d'un salon des inventeurs à Bruxelles en octobre 2005 que le produit obtient une médaille d'or. Le design et l'innovation ont séduit le jury et depuis, les ventes qui progressent chaque jour confirment l'ingéniosité et la pertinence de cette idée. Mon intervention s'est précisée dans l'aide que je pouvais lui apporter grâce à mon savoir-faire de chef pâtissier. Crea Culina prend forme.

Comment pratiquez-vous pour le développement des produits en matière d'innovation ?

Bernard a arrêté sa pratique de restaurateur il y a plus d'un an pour se consacrer à la création et l'affinement des produits. L'objectif premier était de répondre à deux besoins : l'un concerne l'aide à apporter aux restaurateurs dans leurs tâches et la nécessité de productivité. L'autre est de permettre à ces professionnels d'exprimer leur créativité à partir de notre griffe. Après une année d'études sur la question, d'expérimentation et de réflexion, Bernard m'a interpellé pour que nous devenions associé dans ce vaste projet. J'étais séduit par cette idée et après réflexion j'ai accepté de m'associer. 

Et aujourd'hui comment développez-vous vos produits ?

Les goûts que nous utilisons sont ceux qui existent déjà par ailleurs, mais la création se concentre surtout sur la combinaison des saveurs, la présentation et la qualité. Nous laissons nos idées émerger et nous les testons aussitôt. C'est surtout durant cette phase d'expérimentation que les choses se développent. Il nous arrive d'aboutir à un produit tout à fait différent de ce que nous imaginions au départ. Le développement du produit prend cours au fur et à mesure que nous l'affinons.

Quelle est la difficulté directement liée au conditionnement surgelé de vos produits ?

Cette pratique exige une attention particulière aux implications directes, à l'influence de ce conditionnement sur les paramètres de qualité du produit : sa texture, sa tenue, sa couleur, sa saveur.La mousse doit rester de la mousse avant et après congélation.

Suivez-vous des modes ?

Nous observons un peu ce qui existe mais, étant donné que nous lançons un concept nouveau, nous nous concentrons davantage sur la qualité de celui-ci et son développement. Nous savons que les gens sont séduits par ce que nous produisons. La participation aux salons et surtout le fait de gagner des concours et des prix sont de bons indices sur le fait que le public est intéressé et que nous avons en main un potentiel certain.

Comment imaginez-vous le futur de cette entreprise ?

Nous aimerions accroître notre production mais sans nous précipiter.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans cette initiative de lancer votre entreprise ?

Nous partons de rien, nous devons aller chercher et créer la clientèle. Nous n'avons pas de vitrine, juste un atelier de production. La démarche d'aller vers le client est une tâche particulièrement difficile, cela demande beaucoup de temps, il faut convaincre, faire goûter, faire face aux exigences de chacun. Financièrement, cela exige d'avoir des fonds propres et convaincre les banques ou les organismes de nous aider. Pour ce qui concerne le matériel à acquérir, nous ne partions pas de rien puisque je le possédais déjà de ma pratique professionnelle personnelle. Il a néanmoins fallu acquérir les congélateurs et nous avons obtenu des aides financières pour cela.

Comment se déroule votre journée ?

Nous démarrons le matin vers 4 ou 5 heures du matin, par une mise au point de l'organisation de la production et ensuite nous mettons la main à la pâte au sens propre du terme. Il y a tellement de choses à faire et nous ne sommes que deux. Nous devons veiller à ce que notre stock de matières premières soit en conformité avec les besoins de réalisation de nos commandes et cela en même temps que nous devons produire.

En matière de règles d'hygiène à respecter, comment avez-vous pris connaissance de celles-ci ?

Nous avons commencé par faire des recherches sur internet pour trouver les organismes en charge de la chose. Nous avons rencontré un consultant en hygiène qui est venu faire une analyse de l'atelier et nous proposer toutes les démarches à suivre. Le coût de cette intervention s'élève à 600 euros par jour d'intervention.Nous avons obtenu une aide financière pour assumer ce poste de dépense préalable. Nos produits ont nécessité d'articuler aux mieux les règles. Nous travaillons avec des produits fragiles comme le foie gras et les règles exigent un travail en chambre froide. Or pour réaliser les mousses, il est indispensable de travailler en chambre chaude. Nous avons donc affiné l'articulation entre les deux lieux.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui aimerait se lancer ?

Nous lui dirions de ne pas craindre de le faire, de ne pas se décourager, de garder confiance tout au long des multiples étapes à franchir.

Quels sont les qualités nécessaires pour maintenir un bon cap dans le lancement d'une entreprise ?

Ne pas craindre la fatigue, puisque les journées de travail sont très longues pour pouvoir honorer les commandes. Les débuts sont toujours difficiles, il faut s'adapter aux exigences que nous ne prévoyons pas toujours à l'avance. On cherche un rythme de croisière, une organisation optimale. Durant une semaine, nous avons dû assumer une présence sur un salon tout en veillant à la production. Nous avons travaillé le soir, le week-end. Nos journées comptaient plus de 18h. L'environnement et la famille sont importants dans le soutien et la compréhension de la situation. Il faut équilibrer les deux mondes et être présent partout.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.