Mme Françoise Tricot et Mme Chantal Dubois,
Ergothérapeutes

Interview réalisée en janvier 2004

Ergothérapeutes au Centre d'Enseignement et de Traitements Différenciés, à Woluwe-Saint-Lambert.

Pourriez-vous présenter le C.E.T.D. ?

F.T : c'est un I.M.P. (Institut Médico-Pédagogique), une école d'enseignement spécial qui rassemble des enfants de 0 à 18 ans qui présentent un handicap moteur, auquel s'ajoutent des troubles associés. Il s'agit donc d'enfants fortement handicapés sur le plan moteur et parfois sur le plan intellectuel. Il y a une crèche, deux classes maternelles et six classes primaires. Il y a aussi un niveau secondaire qui rassemble des enfants et des adolescents. En primaire, les classes sont différentes en fonction du niveau des enfants : il y a deux classes d'enfants polyhandicapés avec des projets adaptés ; il y a deux classes davantage scolaires ; il y a une classe plus fonctionnelle où les enfants travaillent ce qui est pratique (faire ses courses, etc.) ; il y a une classe "communication" avec des enfants dépourvus de langage oral et avec lesquels on utilise des techniques autres que la communication non-verbale (pictogrammes, langage gestuel, etc.).

Comment définiriez-vous l'ergothérapie ?

F.T : il s'agit d'une science paramédicale qui vise à entretenir et à développer le maximum d'autonomie chez les personnes déficientes, par le biais d'activités concrètes. Nous travaillons l'autonomie des enfants avec les A.V.J., c'est-à-dire les activités de la vie journalière (toilette, habillement, repas, loisirs). Il s'agit de les rendre plus autonomes dans leurs activités quotidiennes et dans leur apprentissage. Nous voyons où les enfants ont le plus de difficultés et nous leur apportons des aides techniques, des outils concrets qui peuvent les aider. Au niveau scolaire, nous essayons de les structurer dans l'organisation du travail. Avec eux, nous revoyons beaucoup les mathématiques (puisque les logopèdes travaillent beaucoup le français), de façon concrète, avec des objets.

C.D : notre démarche varie fortement en fonction du développement et du problème particulier de chaque enfant. Avec certains, nous agissons surtout au niveau physique, avec d'autres, nous travaillons plutôt les apprentissages scolaires.

Comment organisez-vous votre travail ?

C.D : nous sommes attachées à une ou deux classes et nous travaillons en collaboration avec l'institutrice, le kiné, le logopède, les éducateurs et éventuellement d'autres intervenants. En fonction des objectifs visés, nous intervenons soit dans la classe soit dans des locaux spécifiques. Nous ne sommes cloisonnées ni dans un endroit, ni dans une technique particulière. Nous travaillons avec les enfants de toutes les classes et en secondaire, nous intervenons de façon individuelle.

Quels sont vos principaux collaborateurs ?

La kiné, la logopède, l'institutrice. Nous avons une réunion par cellule une fois par semaine afin de mettre en commun toutes les informations et comme nous intervenons au sein des classes, la communication se fait aussi journellement de façon informelle.

Quels sont vos parcours scolaires et professionnels ?

F.T : j'ai étudié l'ergothérapie à la Haute-École Libre de Bruxelles Ilya Prigogine (3 ans). J'ai fait mon dernier stage ici et j'ai été engagée directement après.

C.D : j'ai étudié à Liège puis j'ai travaillé en Suisse en psychiatrie et gériatrie avec des adultes. Ensuite, je suis revenue en Belgique et j'ai été engagée ici.

Qu'est-ce qui vous a poussées à envisager l'ergothérapie et à travailler avec les enfants ?

F.T : j'ai toujours été attirée par le médical et ce qui me plaisait dans l'ergothérapie c'était le côté pratique et concret. Grâce aux stages, je me suis rendu compte que le travail avec les enfants me plaisait beaucoup. Le rôle des stages est primordial.

C.D : j'ai commencé la kiné (à l'époque, à Liège, c'était une formation commune) et l'ergothérapie me convenait davantage parce que c'était plus fonctionnel et plus imaginatif que la kinésithérapie. Le fait de travailler avec les enfants est lié au hasard.

Y a-t-il des similitudes entre votre activité et celle du kinésithérapeute et du psychomotricien ?

C.D : nous travaillons les mêmes objectifs mais avec des moyens différents. Nous travaillons davantage le fonctionnel que le technique.

F.T : notre but consiste toujours à ce que l'enfant soit autonome, que ce soit dans le cadre du jeu, sur l'ordinateur, pour une A.V.J. (activité de la vie journalière) quelconque avec un travail sur le fonctionnel, tandis que le kiné a une approche plus analytique. C'est pourquoi il est judicieux de travailler en collaboration. Il s'agit incontestablement d'un travail d'équipe.

Quels sont les aspects les plus positifs de votre profession ?

F.T : le fait qu'il s'agisse d'un travail d'équipe. C'est aussi un travail très diversifié : la singularité de chaque enfant implique une grande richesse relationnelle et une approche personnalisée.

Et les plus négatifs ?

F.T : peu d'enfants progressent vite, ce qui est frustrant parce que nous faisons beaucoup de choses avec eux et nous n'avons pas l'impression qu'ils progressent. Le fait de voir les enfants qui souffrent est aussi très difficile.

C.D : il s'agit plutôt de questions de fond liées à la société et au fait qu'il est difficile de définir des projets à long terme. Où allons-nous les amener ? Que feront-ils quand ils seront adultes ? Je me demande parfois si ce que nous faisons est vraiment utile. Nous vivons dans une société élitiste qui laisse très peu de place aux enfants et adultes différents.

F.T : oui, mais il faut aussi voir les choses au jour le jour et se dire que ce que nous faisons avec les enfants maintenant est utile pour eux ici et maintenant. Mais, il est vrai que nous avons peu de vision à long terme. Nous nous déplaçons peu chez les enfants afin de voir le cadre dans lequel ils vivent, alors que nous pourrions éventuellement les aider à la maison. Ce qui est frustrant aussi c'est le peu de rapports que nous avons avec les parents : très peu se sentent concernés par le partenariat que nous pourrions mettre en place ensemble.

Quels sont vos principaux outils de travail ?

F.T : l'idée la plus répandue de l'ergothérapie est celle de patients qui font des ateliers de poterie, de vannerie, de céramique, etc. mais cette image est un peu révolue. Nos principaux outils de travail reposent sur des activités existantes, rencontrées par les enfants au quotidien, et pas forcément sur des productions. La plupart des activités se font au travers du jeu et à présent, les nouvelles technologies représentent un outil de travail très important.

La dimension psychologique occupe-t-elle une place importante dans votre travail ?

F.T : oui, comme dans tous les métiers où l'on entre en relation avec l'autre.

Trouvez-vous que votre métier soit suffisamment reconnu auprès des autres professionnels du secteur paramédical ?

C.D : ici oui, mais ce n'est pas une profession très reconnue dans la société. C'est une profession qui balaie très large, qui est moins spécifique que d'autres métiers paramédicaux comme la logopédie, par exemple. C'est aussi une profession où l'on ne travaille pas en tant qu’indépendant, sauf de rares adaptations à domicile. 

F.T : elle n'est pas reconnue parce qu'elle est méconnue.

Quels sont les principales qualités requises pour être ergothérapeute ?

F.T : il faut savoir tout faire (rires) ! Il faut une bonne connaissance de l'enfant et de son problème, d'où le sens de l'observation. Il faut être imaginatif.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaiterait exercer ce métier ?

F.T : tout dépend du secteur dans lequel elle souhaite travailler.

C.D : il faut bouger, essayer différents milieux professionnels afin de faire le bon choix.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.