Mr Frank Timmermann, Facteur de piano

Facteur, réparateur, restaurateur et accordeur de piano.

Pouvez-vous nous présenter votre métier ?

Dans ce métier, nous sommes forgeron, ébéniste, menuisier. Je suis facteur de piano, ainsi que constructeur, réparateur et restaurateur de piano. On travaille avec des tissus, des métaux, énormément de matières différentes. C'est un travail long une réparation de piano. Même de manière intensive, une réparation complète dure deux à trois mois, ce qui explique le prix demandé. En Belgique, rares sont les personnes qui peuvent se permettre ce type d'investissement. Pourtant ça demande beaucoup de manipulations, il faut changer énormément de pièces, etc. On doit beaucoup travailler, les journées peuvent durer dix ou quinze heures.

On apprend le métier en Allemagne à l'usine ou chez un particulier. Selon le principe de l'alternance, avec une journée d'école par semaine pour apprendre les aspects théoriques. Après trois ou quatre ans vous devenez facteur de piano, et il faut ensuite travailler cinq ans dans le métier pour pouvoir porter le titre de maître et avoir le droit d'enseigner.

En Belgique, le métier n'est pas protégé. Il y a des salles de concerts qui utilisent des pianos de 150000 euros. Si quelqu'un qui connaît mal le métier vient travailler sur un piano de cette valeur vous pouvez imaginer les dégâts qu'il va causer. Il faut être un peu fêlé pour choisir ce métier car vous ne pensez plus que "piano, piano" mais il n'est pas nécessaire d'en jouer pour exercer ce métier car c'est un métier technique, fort intéressant.

Personnellement, mon père était chef d'orchestre alors j'ai appris à jouer de la trompette, ainsi que du piano. A14 ans, je me suis lancé dans le métier de facteur de piano. Parallèlement, je suis également professeur de trompette. A l'Université de Cologne, où je suis entré pour la trompette (instrument soliste) j'ai aussi dû apprendre un instrument d'accompagnement et ce fut le piano. Par contre certains de mes collègues ne jouent pas de piano. Mais lorsque vous avez réparé un piano tout abîmé, vous êtes fier de pouvoir jouer dessus.

Quelle est votre formation de base ?

J'ai suivi l'école. Si vous êtes déjà musicien c'est mieux mais ce n'est pas indispensable. Bien sûr il faut être intéressé par la musique, par le piano. Mais quelqu’un qui adore la technique et la très fine mécanique peut aussi exercer ce métier sans nécessairement pratiquer un instrument de musique.

Quel est votre parcours ?

Mes parents possédaient un magasin de piano à Cologne et j'ai commencé à apprendre le métier à 14 ans, en suivant l'enseignement d'un maître. Cela fait donc plus de 30 ans que je suis dans le métier.

Quels ont été vos motivations pour choisir ce métier ?

La musique avant tout. J'adore la musique, et aussi la mécanique ainsi que la technique. Donc les deux allaient bien ensemble. C'est un métier intéressant pour des jeunes qui aiment le coté artistique et le coté technique, qui sont à la fois artiste et artisan.

Quelles sont les qualités requises ?

Si vous êtes né avec une oreille musicale pré-formée c'est mieux. Au point de vue manuel il faut une certaine habileté. Évidemment, on peut tout apprendre, si on est vraiment intéressé.

Des compétences en dessin, que l'on apprend à l'école, sont également nécessaires. Généralement, les jeunes intéressés par ce métier jouent déjà d'un instrument ou sont intéressés par la musique, ce qui est un avantage pour entendre les sons.

Il y a aussi l'aspect historique, indispensable pour les expertises par exemple. Allemands, Français, Anglais, Italiens se disputent la création du piano, aux alentours de 1730. Le plus vieux instrument sur lequel j'ai travaillé datait de 1812 et la mécanique était tout à fait différente de celle d'un piano moderne. En principe c'est le même système mais, forcément, beaucoup plus primitif.

Vos horaires sont ils réguliers ?

Si on travaille quelque part, oui mais si on est indépendant, non. Comme je le dis il faut être un peu dingue pour faire ce métier, mais dans le sens positif du terme. C'est-à-dire qu'il faut aimer ce métier. Nous sommes tous fêlés de notre métier. Lorsque des facteurs de piano se rencontrent, ils ne parlent que de leur métier. Voici quelque temps, j'ai rencontré un collègue américain et nous avons discuté boulot de 23h à 5h du matin. Il était avec un autre collègue et nous sommes vraiment des malades, de vrais passionnés, qui ont énormément de choses à se raconter.

Même après 34 ans j'ai encore besoin, parfois, de me renseigner auprès d'un collègue lorsque je ne trouve pas la réponse à une question dans mes livres. Donc, pour en revenir aux horaires, c'est variable, parfois je retourne à l'atelier de 19h à minuit, parce que je suis au calme.

Mais il faut aussi le "sentir" et il y a des jours où éprouve plus de difficultés. Pour faire un réglage de piano nous devons suivre un schéma et vous devez faire une quinzaine de réglages pour un marteau. Or vous devez le faire 88 fois. Si vous avez mal dormi cela va prendre plus de temps bien sûr et, de toutes façons, la quantité de précision et de concentration est telle qu'au bout d'une heure ou deux vous devez passer à autre chose car sinon ce n'est plus possible. Toutes les étapes s'enchaînent dans le travail et si vous ratez une étape, les suivantes ne fonctionneront pas correctement non plus.

Si vous avez un apprenti il faut également varier le travail car si vous lui donnez toujours la même tache à accomplir il ne va pas tenir. Mais c'est un métier diversifié.

Quelles sont les difficultés du métier ?

Comme dans beaucoup de métiers, vous devez trouver du travail. En Belgique, la difficulté c'est la clientèle, question finance. L’État ne fait rien pour vous, ce métier n'est ni reconnu ni protégé, n'importe qui peut acheter une clé d'accord et se lancer dans le métier.

En France, l'artisanat est la plus grande entreprise du pays et ils en sont fier. Ici, en Belgique, les artisans ne sont pas assez considérés. Dans mon métier les gens préfèrent acheter un nouveau piano plutôt que de réparer un ancien. Il y a peu de personnes en Belgique capables de restaurer un piano.

Quelles sont les débouchés dans le secteur ?

Ici, rien. Mais je suis sûr qu'il existe une possibilité de faire quelque chose. Ce serait dommage de laisser tomber le métier. Il y a encore dix ou quinze accordeurs/techniciens valables en Belgique.

Beaucoup travaillent sans avoir de connaissances valables et ils cassent le métier. Pourtant c'est un métier très vaste qui demande de bonnes connaissances. Si on sait secouer les gens, il peut y avoir de l'embauche. Mais le problème commence en amont, dès l'Académie. Si des enfants apprennent à jouer d'un instrument alors ils auront besoin d'en acheter un. Ce qui casse également le métier ce sont tous les produits bon marché. Racheter un piano coûtera moins cher que de faire réparer le votre, mais il sera forcément de moins bonne qualité.

Des projets ?

Ce que j'aimerai à présent, c'est enseigner. Je voudrais partager mes connaissances, ne plus courir d'un coin à l'autre.

Je pense que pour un jeune c'est très divertissant, car on est confronté chaque jour à 4 ou 5 familles différentes, vous rencontrez des gens, parfois des superbes bâtisses et parfois la pauvreté. C'est très intéressant.

Quelle formation recommanderiez-vous ?

Il faut suivre la formation d'un maître, c'est le seul moyen. Vous devenez apprenti et vous apprenez ainsi, pendant deux ou trois ans. De manière intensive, vous pouvez le faire en un an. Mais il y a tant de choses à apprendre. C'est l'expérience des années qui fait de vous un maître, pas seulement un papier.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.