Mr Frédéric Lebeau,
Ingénieur agronome
Interview réalisée en janvier 2005 |
Quels sont, pour vous, les défis majeurs de ce XXIème siècle en matière d'environnement et comment y répondez-vous ?
Ils ne manquent pas ! Je nommerai en premier l'alimentation et la santé des hommes ; la faim et la pauvreté ; les biotechnologies ; la gestion de l'environnement ; la qualité des sols, de l'eau et de l'air ; la sauvegarde de la faune et la flore ; les énergies renouvelables. Dans les entreprises agro-alimentaires, les bio-industries, le secteur de l'agrofourniture, mais aussi dans les institutions publiques, dans le secteur "recherche et développement", dans les pays en voie de développement, on a besoin d'ingénieurs rigoureux, précis dans le raisonnement et le geste, évaluant correctement la signification d'un résultat, soucieux du développement durable et dotés d'une éthique claire. Et, de surcroît, capables de communiquer sur des sujets sensibles qui nous interpellent tous.
Ce n'est pas une banalité de dire que notre terre se décide aujourd'hui ! Le défi sera bientôt de nourrir 9 milliards d'êtres humains, de les vêtir, de les chauffer, de leur permettre de se déplacer. Pour garder un niveau et une qualité de vie acceptables, des ingénieurs réfléchissent dès aujourd'hui à des matières premières recyclables, de nouvelles races animales, des variétés végétales plus résistantes, des énergies renouvelables et des modes de production non polluants. De quoi stimuler la créativité de ceux qui sont conscients de ces enjeux économiques, sociaux et environnementaux !
Quels profils d'étudiants sélectionnez-vous dans cette perspective ?
Les élèves qui se destinent au métier de bio-ingénieur sont en général déjà sensibilisés à la problématique du développement durable. Comme l'un d'entre eux l'a déclaré devant les nouveaux étudiants : "nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants". Contrairement aux idées reçues, la majorité des étudiants débarquant sur notre campus ne proviennent pas d'un milieu agricole. Ils ont, en général, une formation scientifique ou technique mais les profils sont très variés. Ce qui est intéressant, c'est que la formation est réellement pluridisciplinaire. Ceux qui ne veulent pas se cantonner dans un domaine scientifique spécifique y trouvent leur compte car leurs connaissances généralistes leur ouvrent de larges perspectives professionnelles. Pour les autres, il est possible de se spécialiser dans la chimie, l'économie, la mécanique, ou encore l'agronomie au sens large.
A noter que beaucoup d'étudiants ont des ingénieurs agronomes dans leur famille ou dans leurs relations. Une fois diplômés, ils trouvent des emplois aussi bien dans la fonction publique que dans l'industrie, les associations humanitaires ou les laboratoires de recherche. Certains sont attirés par l'aventure au bout du monde : j'ai en tête une ancienne qui travaille outre-mer dans le développement rural, d'abord dans une ONG, puis comme consultante en entreprise privée. Elle aime aller à la rencontre des pays d'Afrique et d'Asie et surtout des populations mais elle prévient : “pour ceux qui idéaliseraient, vivre dans un village du Sahel sous une chaleur écrasante comme je l'ai fait durant les six premières années de ma vie professionnelle ne doit pas être assimilé à des vacances sous les cocotiers!“
Quelles évolutions dans les métiers de l'environnement voyez-vous apparaître ?
L'actualité attire quotidiennement notre attention sur des problèmes qui sont du ressort de l'ingénieur agronome. Outre le rôle important qu'il joue dans le domaine de la sécurité alimentaire en veillant à la qualité des produits proposés au public, il est aussi un acteur privilégié dans la mise au point de nouveaux aliments issus de l'agriculture, que ce soit pour le compte de la grande distribution ou l'artisanat. Autre domaine dans lequel les ingénieurs agro s'investissent : le développement des nouvelles technologies pour produire des énergies renouvelables, telles que la bio-méthanisation, l'éolien ou la co-génération. Sans oublier la valorisation des déchets et le traitement des eaux auxquels ils s'attellent également.
A l'heure où la mobilité est plus que jamais un souci quotidien, les ingénieurs agronomes sont à même de maîtriser un développement territorial raisonné, tout en assurant la pérennité de nos espaces naturels. La recherche pharmaceutique est également un terrain de prédilection où ils peuvent exprimer leur talent, les sujets d'investigation ne manquent pas ! (grippe aviaire, leucémie bovine, etc.) Sans parler, bien entendu, de l'agronomie proprement dite où leurs connaissances sont mises au service des agriculteurs par l'intermédiaire de méthodes d'élevage ou de culture plus performantes et plus respectueuses de l'environnement. Alors que les catastrophes naturelles s'abattent régulièrement sur tous les continents du globe, les bio-ingénieurs jouent enfin un rôle déterminant à l'étranger en gestion d'aide humanitaire ou pour la transmission de leurs savoirs afin de permettre le développement de pays émergeants.
La Belgique a-t-elle une carte à jouer qui la distingue des autres pays européens ?
La Belgique n'est pas le meilleur élève de l'Union en matière d'innovation environnementale. Cependant, même si elle n'innove pas, elle n'hésite pas à transposer sur son territoire des méthodes de gestion environnementale qui ont fait leurs preuves chez ses voisins comme ce fut le cas pour le traitement sélectif des déchets, le retraitement des sols ou plus récemment l'installation de parcs éoliens. Par contre, sans nul doute, nos ingénieurs sont dans le peloton de tête européen de la recherche phyto-pharmaceutique et des bio-technologies. Enfin, nous entretenons des relations privilégiées avec les pays africains et notamment la république démocratique du Congo. Plus généralement en Afrique centrale, la Belgique participe activement au développement des productions végétales et animales, à la protection de l'environnement, à la gestion des ressources en eau, au respect de la biodiversité des espèces.