Mme Godefroid,
Gestionnaire de maison de repos
Interview réalisée en janvier 2007 |
Quelle est la structure de votre maison de repos ?
Il s’agit d’une maison de repos agréée pour dix lits. Cette structure est exceptionnelle dans sa taille. D’ordinaire, les maisons de repos sont beaucoup plus grandes. Ma maison de repos possède un aspect beaucoup plus familial. J’ai, de part le nombre restreint de pensionnaires, des contacts privilégiés avec eux. Je travaille avec une équipe de quatre personnes qui prestent à temps partiel. Parmi elles, deux vivent sur place et alternent les gardes de nuit en échange d’avantages en nature. Elles sont auxiliaires polyvalentes en collectivité.
La formation, désormais obligatoire, pour gérer une maison de repos correspond-t-elle bien aux réalités de terrain ?
La formation est variée : elle comprend aussi bien des cours de psychologie, de fiscalité, de gériatrie. Évidemment, tout cela est assez théorique et cet accès à la profession a surtout permis d’éviter des abus dans le sens où n’importe qui, avant 1991, pouvait ouvrir une maison de repos.
A l’époque où le diplôme est devenu obligatoire, j’étais déjà gestionnaire de maison de repos depuis deux ans. J’ai une formation d’infirmière et j’ai débuté en tant qu’infirmière indépendante en maison de repos. Après six ans, j’en ai repris une en tant que gestionnaire.
Concrètement, comment se déroulent vos journées de travail ?
Concrètement, mes tâches sont très variées. Je prépare les repas tous les jours, je fais les vaisselles, je lave et repasse le linge, je fais les courses, du rangement, je reçois les médecins, je vais à la pharmacie, je nettoie les chambres mais aussi, bien sûr, je gère toute la partie administrative. Cela fait seize ans que j’ai cette résidence et j’y ai habité pendant huit ans. Durant ces huit années, je travaillais aussi les week-ends. Je suis aussi la maman de quatre enfants.
Qui doit, obligatoirement, être sur place 24h/24h et comment cela fonctionne-t-il ?
En règle générale, je suis là toute la journée. En cas d’absence, une auxiliaire me remplace. Une autre auxiliaire s’occupe des repas du soir et la garde est alternée par une des deux personnes qui vivent ici en permanence. Ça, c’est le côté obligatoire des présences. En plus de cela, j’ai souvent des étudiants qui viennent à la résidence pour passer du temps avec les personnes âgées. Leur projet est de travailler dans le social et leurs formations sont diverses : psychologue, assistant social, etc. Ils proposent des promenades, des jeux de société ou ils conversent simplement. Je choisi, au départ, des pensionnaires valides que je garde jusqu’à la fin de leur vie. Ils deviendront donc grabataires mais quand ils arrivent, ils ne le sont pas.
Quel type de difficultés rencontrez-vous ?
Les journées sont trop courtes ! J’ai l’impression d'avoir toujours quelque chose à faire et j’ai du mal à quitter la résidence. J’ai mis de très nombreuses années à vivre ailleurs, à ne plus être domiciliée à la résidence. Et c’est très bien ainsi, j’ai appris à avoir une autre vie que mon boulot. J’ai aussi, parfois, rencontré des problèmes avec mes employés. Gérer une équipe n’est pas toujours évident. De plus, je travaille uniquement avec des femmes. Elles ont souvent du caractère !
Le fait qu’il n’y ait pas d’hommes dans votre équipe relève-t-il d’un choix ou du hasard ?
Ce n’est pas du tout un hasard. Il s’agit d’un choix par rapport à mes pensionnaires. Une personne âgée nue devant un jeune de 25-30 ans pose beaucoup de difficultés. Les garçons sont rares à se présenter et n’ont pas la même polyvalence que les filles ; ils doivent aussi savoir nettoyer, préparer les repas.
Quelles sont, selon vous, les qualités nécessaires pour bien exercer votre métier ?
Le respect, la patience et surtout être à l’écoute des autres.
Ce qui est fondamental, c’est que nous travaillons avec des gens, pas avec des machines.
Comment les personnes âgées abordent-elles leur placement en maison de repos ?
Tout cela a bien évolué. Avant, les personnes âgées étaient souvent placées dans l’urgence, suite à une maladie ou à un accident. Aujourd’hui, plusieurs d’entre elles envisagent personnellement leur arrivée en maison de repos. Elles visitent différentes résidences, se renseignent, choisissent et réservent une chambre. C’est donc un acte pensé et réfléchi. Des réservations peuvent s’échelonner jusqu’à deux ans. A noter, tout de même, qu’il s’agit chez nous d’une population aisée socialement et financièrement. Dès qu’ils ne se sentent plus en sécurité en vivant seuls, ils entrent en maison de repos (lorsque leur quotidien devient une charge : s’occuper de son linge, de ses repas, de l’entretien de la maison).
Quelle est la moyenne d’âge de vos pensionnaires ?
Pour le moment, elle est assez élevée, environ quatre-vingt-cinq ans.
Le plus jeune à septante et un ans, la plus âgée, qui est d’ailleurs en grande forme, a nonante-cinq ans. La plupart sortent, chaque jour, acheter leur journal ou faire quelques emplettes. D’autres se rendent chez le coiffeur, ils vont boire un café, ils vont au restaurant avec leurs enfants. Ici, ils sont un peu comme à l’hôtel, ils y vivent comme chez eux sans tous les tracas du quotidien.
A quelle fréquence vient le médecin ?
Il n’y a pas un mais dix médecins qui viennent une fois par mois les ausculter.
Chaque pensionnaire a le loisir de garder son propre médecin traitant. C’est la même chose pour leur kinésithérapeute ou leur pédicure. D’autre part, les repas sont servis dans leur chambre. Ils ne souhaitent pas partager les repas dans une salle commune.
Émotionnellement, n’est-ce pas difficile de travailler avec des personnes en fin de vie ?
J’envisage la mort comme un passage, une suite normale de la vie.
En plus de quinze ans de métier, j’en ai vu des gens disparaître. Cela nous ramène à l’essentiel de la vie. Néanmoins, avoir partagé de longs moments de vie avec eux crée forcément des liens et c’est dur de les voir partir. Accepter la mort de quelqu’un d’âgé me semble normal, inéluctable. C’est le décès de personnes jeunes qui est insupportable.