Dr Isabelle Jamin,
Cardiologue et tabacologue

Interview réalisée en décembre 2014

Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir exercer ce métier ?

Quand j’étais en secondaire, j’avais une amie qui s’était droguée et je trouvais que c’était vraiment très triste de perdre sa vie comme ça,  je m’étais dit alors que je voulais soigner les gens. J’étais donc dans l’idée de "Médecin-sauveur".

Pour le choix de ma spécialité, mon parcours est un peu étonnant. En fait, moi, j’aimais bien la gynécologie. Il y avait un concours pour accéder à cette spécialisation, deux personnes étaient sélectionnées mais je suis arrivée 3ème au concours. Je me suis donc réorientée. Mon deuxième choix était la gériatrie mais je me suis rendue compte qu’en gériatrie, j’avais tout le temps besoin de faire appel à d' autres spécialistes et je trouvais cela frustrant. Comme j’aimais aussi la cardiologie, je me suis donc réorientée dans cette spécialité. Ça a donc été des choix et des opportunités successives.

Quel a été votre parcours de formation ?

En secondaires, j’ai suivi une option sciences/math. On ne disait pas de moi que j’étais très courageuse. Même si j’avais envie de faire la médecine, je n’étais pas sûre que j’y arriverais car je travaillais uniquement quand j’en avais besoin. Mais je me suis dit que j’allais tenter la première année. Si je réussissais, je continuais, si pas, je me réorientais vers l’architecture (pour le côté créatif).

Que faites-vous concrètement dans votre travail ?

Je fais essentiellement de la consultation dans un petit hôpital. En fait, c’est comme si je travaillais en privé.

Je vois les patients, je fais l’anamnèse (j’écoute leur histoire), je fais un électrocardiogramme, une échographie, un test d’effort. Si nécessaire, on place un Holter* pour enregistrer le cœur pendant 24 heures ou la hauteur de la pression artérielle quand ce sont des hypertendus. Si j’ai besoin d’autres examens, j’en demande sur le site de la Citadelle.

En consultation, je reçois principalement des patients chroniques ou des nouveaux patients avec des pathologies à explorer. Si l’exploration demande des actes techniques que je ne pratique pas, je réfère ces patients à des collègues.

Quel est votre parcours professionnel ?

Après 6 ans de formation à ma spécialisation à la Citadelle où l’on fait beaucoup de salle,  scintigraphies, d’apprentissages en échographie, en pacemaker, etc., je suis partie travailler comme indépendante dans deux petites cliniques privées où j’ai dû acheter mon matériel et louer mon cabinet. Quand on avait un patient hospitalisé, il fallait aller le voir tous les jours.

J’ai également travaillé dans un service de soins intensifs.

Avez-vous vu une évolution dans votre pratique professionnelle ?

Cela fait 21 ans que je pratique et effectivement, il y a eu pas mal d’avancées technologiques dans le domaine. Les traitements médicamenteux ont également beaucoup évolué.

En ce qui concerne les pathologies présentées par les patients, je constate de plus en plus de problèmes d’hypertension, d’obésité. Les gens sont en moins bonne condition physique qu’avant. Je le remarque lors des tests d’effort. De plus en plus de jeunes viennent en consultation pour des problèmes d’hypertension ou de tachycardie.

Y a-t-il pénurie dans votre spécialité ?

Ce n’est pas catastrophique du tout en cardiologie. C’est une spécialité qui est bien achalandée mais il n’est pas toujours facile de trouver la bonne personne pour certaines techniques. Par exemple, en coronarographie, il faut repérer un jeune qui a de bonnes dispositions afin de le former à cette technique pour compléter une équipe. Une fois formé chez nous, il a l’obligation de travailler 5 ans dans notre équipe.

Quelle est votre charge de travail hebdomadaire ?

Je travaille à temps partiel (8/10ème d’une charge complète). Étant donné mon âge, je ne fais plus partie du rôle de garde (A 50 ans, j’ai eu le choix d’arrêter les gardes). Les cardiologues qui ne font que du privé ne font pas de gardes. Depuis que je ne travaille plus qu’en consultation, je travaille en moyenne dix heures par jour. Mais j’ai travaillé beaucoup plus en début de carrière, avec des gardes de nuit ou de week-end.

Pourquoi choisir de travailler en milieu hospitalier plutôt qu’en cabinet privé ?

Parce que ça permet de travailler en équipe avec d’autres cardiologues qui ont d’autres compétences. Ça me permet d’envoyer mes patients chez des collègues plus techniciens. On se complète les uns les autres.

Avez-vous suivi d’autres formations ? 

J’ai suivi une formation de tabacologue. C’était important car dans mes patients, il y a un tiers de fumeurs. Je peux donc les aider un peu plus dans le sevrage tabagique. Je fais maintenant une après-midi par semaine de consultation uniquement en tabacologie.

Votre profession nécessite-t-elle des recyclages ?

Oui, je dois me former en permanence. J’ai en moyenne trois réunions par mois ainsi qu’un jour de week-end chaque mois. A cela, il faut ajouter des congrès, deux ou trois fois par an.

Quels conseils donneriez-vous à une personne souhaitant exercer ce métier ?

Je pense qu’il faut choisir ce métier quand on aime les gens. C’est la première chose nécessaire. Il faut pas mal d’empathie, de patience. Cela demande beaucoup de travail. Mais c’est génial, c’est un très beau métier.

Quels sont les aspects les plus positifs de votre métier ?

Ce que j’aime, c’est le fait de suivre un patient tout au long d’une vie. Moi, j’aime les histoires de vie, le contact avec les patients. J’apprécie beaucoup le côté relationnel de ma pratique. A ce niveau-là, travailler aux urgences fut pour moi très frustrant car vous voyez le patient une journée au maximum et puis c’est fini. J’aime aider les patients avec des techniques de plus en plus performantes. On ne guérit pas tout le monde mais on arrive à soigner pas mal de pathologies et à soulager la souffrance.

Quels sont les aspects négatifs de votre métier ?

Les heures de travail et la disponibilité. Ce qui suppose d’avoir une vie personnelle qui en tient compte, d’avoir une famille compréhensive et une sacrée organisation (pour faire garder les enfants, par exemple).

Quelles sont les principales qualités pour exercer ce métier ?

L’empathie, une bonne écoute mais aussi de solides connaissances du système cardiovasculaire et de la technique.

Quels sont les autres professionnels de la santé avec qui vous travaillez le plus souvent ?

D’autres cardiologues qui ont des compétences plus spécifiques (coronarographistes, cardiologues interventionnels, etc.). Les médecins généralistes qui envoient leurs patients, les radiologues, les kinésithérapeutes qui font de la revalidation cardiaque, des diététiciens.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.