Vous occupez un poste haut placé dans l’imprimerie, mais comment avez-vous entamé votre carrière ?
J’ai commencé à travailler à 14 ans. Comme beaucoup d’autres, j’ai réalisé mes études sur le terrain, les mains dans les encres d’imprimerie. Bien sûr, j’ai également suivi des cours du soir et j’ai reçu des formations organisées par l’entreprise. À l’époque, on commençait en général comme apprenti et puis on passait ouvrier. C’était l’âge d’or de l’imprimerie, où le travail ne manquait pas. Souvent, on changeait de société, pour le plaisir d’apprendre de nouvelles techniques. On était mal payé, mais on avait le temps d’apprendre. Aujourd’hui, tout va plus vite. Il faut être opérationnel tout de suite.
Voulez-vous dire que les études ne sont pas adaptées au monde professionnel ?
Je trouve que les études d’imprimerie en Belgique ne préparent pas suffisamment les étudiants à la réalité du terrain. Ils sont au point théoriquement, mais ils n’ont pas assez de pratique. Ce n’est pas avec 15 jours de stage qu’on apprend le métier. En Allemagne, par exemple, les stages durent 6 mois et l’étudiant est évalué sur ce qu’il a en retenu.
Quel est le bouleversement technologique qui a eu le plus d’influence sur votre métier ?
Pour moi, le plus gros bouleversement, c’est l’assistance informatique. Tout est programmé sur les machines. On gagne un temps précieux, surtout sur des machines qui tournent 24 heures sur 24. Le travail est plus facile, moins lourd. Il suffit d’encoder une référence dans l’ordinateur et 90 % du réglage de la machine se fait automatiquement ! Mais ce progrès a eu un coût social très élevé. Là où il fallait 25 personnes, 4 suffisent maintenant.
Mais l’impact est également positif, non ?
Techniquement, oui. On peut estimer que le processus d’impression prend 4 fois moins de temps maintenant qu’il y a 15 ans. Le corollaire c’est que ma responsabilité est bien plus grande. Il faut donc toujours être attentif et proactif. Sans cesse se projeter vers l’avenir immédiat et ce qui pourrait se passer "si jamais"…
Quelle serait votre conseil à une personne désireuse de se lancer dans le métier d’imprimeuse ?
En général, nous formons les jeunes diplômés, car, comme je l’ai dit, leur expérience pratique est rarement satisfaisante. Nous sommes de moins en moins nombreux et de plus en plus spécialisés. Je conseillerais donc d’obtenir de solides bases informatiques, avant d’être formé directement sur le terrain. Je crois que c’est la meilleure formation dont on puisse rêver.
Quelles sont les qualités essentielles que l’on se doit de posséder pour occuper votre poste ?
Les qualités d’un chef de fabrication sont des qualités humaines. Il faut être poli, respectueux, avoir l’esprit d’équipe. Les machines sur lesquelles nous travaillons valent des fortunes (jusqu’à 2,2 millions d’euros). C’est une grande responsabilité. Il faut être précis, soigneux, attentif, mais aussi posséder des dispositions artistiques et ne pas avoir peur de prendre ses responsabilités en cas de problème.
Qu’aimez-vous particulièrement dans votre métier ?
Ce que j’aime dans ce métier, c’est l’aspect touche-à-tout. J’ai pu satisfaire mon goût de la technique et de la mécanique, j’ai voyagé dans le monde. J’ai eu la chance de ne pas être prisonnier de ma machine. Mais, pour cela, il faut être prêt à s’adapter en permanence, se recycler sans cesse.
Quel reproche adresseriez-vous aux jeunes que vous formez ?
Les mentalités ont changé depuis mes débuts. Aujourd’hui, les jeunes qui nous arrivent ont souvent une mentalité un peu matérialiste. Pour eux, le métier est un moyen comme un autre de gagner sa vie. Ils manquent d’ambition. Or, ce travail doit être une passion !
Comment voyez-vous l’avenir de l’imprimerie ?
Gérer une imprimerie est devenu très difficile. La situation économique est compliquée, les charges de personnel sont très lourdes, le coût des machines est astronomique. Tout cela est malaisé à rentabiliser. En outre, le prix des matières premières a, lui aussi, explosé. Seuls les plus motivés trouveront encore de l’emploi dans un secteur de plus en plus compétitif.