Mr Jean Marc Bodson,
Photographe documentaire
Qu'est-ce qui vous a amené à la photo de presse ?
J'ai d'abord été amené à la photo en tant que tel. J'étais passionné depuis l'âge de 16 ans par la photographie et son langage. Par la suite, j'ai travaillé dans ce domaine parce que cela constituait pour moi une façon de faire de la presse. J'ai aussi été employé par des magazines mais je ne me considère pas comme un photographe de presse.
Est-ce qu'on peut avoir un aperçu de votre formation ainsi que de votre parcours ?
J'ai un parcours atypique puisque j'ai étudié l'anthropologie à l'Université Catholique de Louvain. J'ai obtenu mon master et je suis entré dans le métier en travaillant pour des photographes de pub. Par la suite, j'ai commencé à vendre mes services à des sociétés de relations publiques qui avaient besoin de photographes.
Votre formation vous a-t-elle bien préparé à ce métier ?
Je suis un contre-exemple par rapport à quelqu'un qui aurait fréquenté une école de photo. Je suis autodidacte en photographie, mais ma formation universitaire m'a donné d'autres atouts non moins importants dans ce métier.
Quel effet la photo a-t-elle eue sur vous ? Est-ce que vous estimez avoir changé ?
Je ne sais pas si j'ai changé. C'est la vie qui nous fait changer, pas la profession ! C'est un métier où le regard est important. Il force à s'intéresser aux choses, aux gens, à sortir de soi-même.
Quelles sont les particularités de ce domaine ?
C'est très diversifié. Il y a une grande différence entre développer des films dans un labo ou faire de la photo de presse ou de pub. Au niveau de la photo de presse, cela demande beaucoup de souplesse et de compréhension dans les rapports humains. C'est un métier d'indépendant. Il faut aussi avoir une rigueur intellectuelle quand on fait passer un message de manière visuelle, particulièrement dans la photo documentaire.
Quel regard portez-vous sur la photo en général ?
Le secteur est en profonde transformation car le digital est omniprésent. On est en train de passer d'un monde à un autre.
Est-ce que vous travaillez uniquement sur commande ?
Oui, la plupart du temps, mais je réalise aussi des travaux personnels.
Quels travaux vous sont le plus souvent demandés ?
Le plus souvent, ce sont des travaux qui nécessitent de mettre en valeur une institution. Il peut s'agir d'une institution privée ou publique. Par exemple une société, une administration, une université, un hôpital, etc.
Quelles difficultés rencontrez-vous le plus souvent ?
Les seules difficultés que je rencontre sont liées à la désorganisation des commanditaires des photos, qui ne savent pas toujours ce qu'ils veulent. Mon expérience me permet de prévoir à leur place, de leur faire des propositions. C'est ça aussi le métier, s'organiser pour les autres. A part cela, je rencontre très peu d'obstacles.
Quels investissements cela vous demande-t-il en temps et en matériel ?
En matériel, relativement peu. On peut faire de la photo avec quelques centaines d'euros si on est amateur. Par contre, pour s'installer comme photographe professionnel, il faut plus d'argent mais cela reste raisonnable. L'investissement, donc, se calcule surtout en temps. Moi, ce que je vends, c'est mon temps mais aussi mon savoir-faire et mon œil.
Pour vous, c'est quoi une photo réussie ? Quelles qualités doit-elle avoir ?
C'est compliqué de répondre à cela car je pense qu'il n'y a pas un seul type de photographie ou un seul type de photographe. Je préfère parler de la pertinence d'une photo. Il faut de toute façon qu'elle soit adaptée à son usage. Parfois, vous trouvez une photo banale sur le plan esthétique mais elle est très adaptée à l'usage qui en est fait. Donc, elle est réussie. C'est une pertinence par rapport à une demande qui est faite. La photo est davantage pour moi un medium qu'un art. Toutefois, on la considère généralement comme un art et, dans ce cas-là, une photo réussie est d'abord une réussite visuelle, le condensé visuel d'une idée.
Quelles sont les qualités qui sont demandées pour exercer le métier de photographe ?
Moi, je pense que les qualités intellectuelles sont importantes pour travailler dans la photo documentaire et de reportage. Il faut comprendre où on va, le milieu dans lequel on évolue et quel message on veut faire passer. Il faut aussi une formation artistique qui vous permette de rendre visuellement ce que vous dites ou ce que vous pensez. Ceci dit, j'admire beaucoup les photographes de pub car ils doivent avoir un sens esthétique et des qualités techniques énormes. Par contre, un photographe de guerre doit davantage avoir une rapidité d'exécution.
Utilisez-vous davantage les appareils numériques ou argentiques ?
Je suis encore essentiellement dans l'argentique mais ce n'est pas par pure résistance. Jusqu'ici, j'ai pu m'en passer. J'attendais aussi que ces nouvelles techniques se stabilisent au niveau prix pour pouvoir réaliser de gros investissements. Ceci dit, je continuerai en partie à travailler en argentique car il y a là une manière de dire les choses qui m'intéresse et dans laquelle j'ai été éduqué visuellement.
Comment voyez-vous votre activité de critique photo ?
En fait, je travaille pour un journal généraliste. Le public auquel je m'adresse n'est pas nécessairement intéressé ou spécialisé. Le critique photo est quelqu'un qui fait un lien, qui essaie de faire comprendre les tenants et aboutissants des travaux (expositions, livres) qu'il va voir. Personnellement, je tente d'expliquer ce que ça signifie, le contexte dans lequel ce travail est développé et donner un avis, le plus pertinent possible.
Comment voyez-vous l'avenir du secteur ?
Difficile à dire ! Etant donné les changements d'outils, il y a une redistribution des tâches. Je ne peux rien prédire mais je suppose que les évolutions seront différentes suivant le domaine dans lequel on va travailler.
Quels conseils auriez-vous envie de donner à une personne qui voudrait se lancer dans la photo ?
Cela dépend du secteur. Si elle se dirige vers le documentaire ou le reportage, je pense que cela demande une grande curiosité, beaucoup de lectures et une bonne culture générale.