Mr Jean-Paul Gevaerts,
Gestionnaire d'informations
Quel est l'intitulé exact de votre fonction ?
Je suis directeur du consulting en gestion des connaissances (Knowledge Manager).
Pouvez-vous nous décrire votre métier ?
Il a pour but la gestion du capital intellectuel des entreprises. Celui-ci est réparti selon trois catégories :
- Le capital humain, qui est important et qu'il faut savoir gérer, en l'exploitant au mieux. Une entreprise a intérêt à utiliser l'expertise de ses collaborateurs. Il faut donc un système d'information qui soit à même de gérer le travail coopératif.
- Le capital structurel : il s'agit des bases de données et des connaissances développées par l'entreprise et qui lui appartiennent.
- Le capital relationnel : c'est-à-dire les contacts externes que possède l'entreprise.
La gestion des connaissances a pour mission la mise en place de systèmes d'information visant à optimiser et assurer l'équilibre entre ces trois capitaux. Nous créons par exemple des portails qui permettent d'utiliser et d'enrichir cette expertise et de lui donner une visibilité.
Il s'agit bien entendu d'un système complexe à gérer et qui nécessite une analyse afin de répertorier les différentes ressources. Concrètement, le travailleur doit pouvoir avoir accès à tous moments à l'état de connaissance de l'entreprise. Cela peut se faire via un portail, une base de données (textuelles ou non), la structuration de documents produits en interne, etc. Il faut arriver à une modélisation sémantique de la connaissance des entreprises, que ce soit par classement terminologique, thésaurisation du vocabulaire de la société ou une cartographie de cette connaissance. Ce métier est, il est vrai, assez récent. Il est apparu vers 1995, d'abord au niveau universitaire et théorique. Puis, il a été utilisé en interne chez des consultants (ceux précisément qui vendent de la connaissance), avant de passer dans les entreprises classiques. Mais cela reste encore l'apanage de grandes sociétés, qui possèdent, on s'en doute, beaucoup de ressources. Le secteur public s'y est également mis, notamment des structures comme l'OCDE, qui se sont rendu compte qu'elles dormaient sur des connaissances que personne n'utilisait. Mais on voit aussi un intérêt se développer de la part de plus petites entreprises. Nous venons récemment de travailler pour une PME qui emploie 25 personnes, alors que nous collaborons généralement avec des entreprises de minimum 200 employés. Mais ici aussi, nous avons été très bien accueillis, car il y avait une attente du personnel.
Comment se déroule une journée type ?
Il y a deux phases de travail :
- Celui de consultant qui consiste à se rendre dans les entreprises pour diagnostiquer et proposer une solution, un peu comme un architecte.
- Celle davantage technique de la mise en place des solutions choisies. Cela va du recensement du lexique de l'entreprise, à l'analyse des structures, des interviews du personnel, mais aussi la réalisation de bases de données.
Mais on engage aussi de plus en plus de Knowledge Managers pour gérer en interne, dans les entreprises, ce que nous implémentons. Une journée type consiste alors en une mise à jour des informations et la maintenance du système.
Quel a été votre parcours jusqu'à aujourd'hui ?
J'ai un master en philosophie et lettres. J'ai été durant près de dix ans technicien en gestion de documents électroniques, ce qui s'apparentait en fait à un boulot de chef de projet. Aujourd'hui, de par ma fonction, je travaille davantage en amont avec les entreprises afin d'identifier les projets qui leur seront le plus utiles.
Votre formation a-t-elle été suffisante pour exercer votre profession ?
Oui, je pense que le master complémentaire en sciences et technologies de l’information et de la communication prépare bien à ce métier, même si au départ, la pratique manque toujours.
Selon vous, quel est le profil idéal pour être engagé pour une telle fonction ?
- Quelle formation ?
Celle que j'ai suivie me paraît la meilleure, puisque vos interlocuteurs seront surtout les décideurs et les utilisateurs. Donc une formation trop technique d'informaticien ne me semble pas convenir. Idéalement, il faudrait pouvoir parfaire sa formation par des études dans le domaine où l'on souhaite exercer (ex : master en finances ou économie si l'on veut travailler dans le secteur bancaire). Mais c'est un profil très difficile à trouver !
- Quel savoir-faire ?
Il faut connaître les normes (de type ISO), les procédures, la technique et accepter de travailler avec ces normes-là, même si cela peut être contraignant. Je crois aussi qu'il faut avoir acquis quelques années d'expérience.
- Quelles qualités humaines ?
Il faut être capable de motiver des collaborateurs et animer une réunion. Cela car vous devrez pouvoir défendre une politique de gestion des connaissances face à une entreprise et à ses utilisateurs. Il faut donc posséder un profil un peu hybride et aimer tant la technique que le contact humain.
- Quelle connaissance des langues ?
Le français, l'anglais et idéalement le néerlandais. Mais nous travaillons toujours avec des équipes bilingues.
Qu'est-ce qui vous plaît dans votre métier ? Y-a-t-il néanmoins certains aspects négatifs à souligner ?
J'apprécie finalement ce côté hybride et les diverses disciplines qu'il faut maîtriser. J'aime aussi de pouvoir être utile dans la gestion du capital intellectuel des entreprises qui est souvent gâché. Il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau-là. C'est aussi un métier très humain, puisque l'on touche finalement aux ressources humaines.
Que pensez-vous des stages, est-ce un passage obligé ?
Oui, surtout que cela peut toujours aboutir sur un emploi. Sans oublier que comme il s'agit d'un métier difficile à définir, le stage pourra permettre de le cerner.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans ce métier ?
Avoir une solide formation et ne pas hésiter à s'insérer dans ce milieu professionnel qui est très porteur. Beaucoup d'entreprises s'en rendent compte et commencent à engager ce genre de profils.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
C'est le portail que j'ai réalisé pour le Parlement luxembourgeois. Il donne accès à toutes les ressources internes dont les députés ont besoin. C'est un chef d'oeuvre technologique.