Mr Laurent De Kerf,
Opérateur de dragage

Interview réalisée en novembre 2020

Quelle formation avez-vous suivie ? 

Le master en Sciences nautiques à l’Ecole Supérieure de Navigation d’Anvers.  

Pour quelle société avez-vous effectué des activités de dragage ? 

DEME, l’une des plus grandes entreprises de travaux hydrauliques au monde. A partir de ses activités de base, à savoir le dragage et le génie civil hydraulique, le groupe a développé des activités complémentaires "offshore" dans le domaine de l’énergie renouvelable, du pétrole et du gaz, ainsi qu’en matière d’assainissement des sols et des boues et d’extraction d’agrégats et de minerais. De 2009 à 2013 j’ai opéré sur la drague Lange Wapper, de 2013 à novembre 2020 sur les navires "offshore" et, depuis quelques temps maintenant, sur la drague Artevelde.

En quoi consiste cette activité de dragage ?

Dans la plupart des cas, on peut dissocier deux grandes activités sur les dragues à élindes trainantes (un navire qui aspire les matériaux présents au fond de l'eau à l'aide d'un ou plusieurs tubes (élinde) traînant le long de la coque et relié(s) à un système de pompage) : d’une part, la maintenance de ports et des voies navigables et, d’autre part, la construction de nouveaux ports ou infrastructures marines. 

L’entretien ou l’approfondissement de ports et voies fluviales consiste à maintenir une profondeur navigable pour les bateaux commerciaux qui se rendent dans le port. Grâce à un profond tuyau tiré sur le sol et une pompe puissante, la drague va retirer le dépôt de sable, vase, boue ou autres matériaux se trouvant au fond de la mer ou de la voie fluviale pour le stocker temporairement dans sa cale. Une fois le navire chargé, il navigue jusqu’à la zone de "clapage" où il ouvrira de grandes portes logées de part et d’autre de la quille du navire. Ce dépôt se répandra sur le sol de la zone. En ce qui me concerne, j’ai pu faire de la maintenance de certains ports comme Anvers, Zeebrugge, Terneuzen et le fleuve Elbe. 

La construction de nouveaux ports ou d’infrastructures marines nécessite le dragage de matériaux comme du sable ou du gravier que l’on utilise pour faire des îles ou de nouveaux quais. Les matériaux seront soit "clapés" sur le fond de la mer, soit ils seront pompés de la cale du navire vers la terre via un tuyau flottant ou via la technique dite du "rainbow" (technique par laquelle la drague projette en l'air par refoulement en jet direct le sable qui a été dragué des fonds marins sur le site de remblaiement). J’ai ainsi pu travailler sur des projets comme London Gateway, Ust-Luga en Russie et Bremerhaven. 

Y a-t-il une distinction entre les opérateurs de dragage ? 

Il faut distinguer les activités par rapport au grade de la personne. Personnellement, j’ai eu les grades d’aspirant 2ème officier, d’opérateur d’élinde et de 2ème officier.

En tant qu’aspirant 2ème officier, le but de la fonction est de se familiariser avec l’environnement du dragage et d’apprendre les rudiments du métier. L’aspirant passe du temps sur le pont ainsi qu’à la passerelle. Sur le pont, il apprend à effectuer la maintenance de l’installation de dragage (remplacement de pièces, maintenance des différentes pompes, détection de dégâts, etc.). A la passerelle, il commence par la compréhension du processus de dragage et l’influence de celui-ci sur la navigation. Une fois confiant, l’aspirant effectue les opérations de dragage (opération du tuyau et opération de la pompe). En ce qui concerne la navigation, l’aspirant débute son apprentissage par de la navigation entre la zone de dragage et la zone de clapage ou de connexion. Ensuite, sous la supervision du 1er officier, il apprend à piloter le bateau pendant les opérations de dragage. 

La suite logique pour l’aspirant 2ème officier est d’être promu 2ème officier. Le 2ème officier assiste le 1er officier durant les 12 heures de quart. L’officier navigue, drague et fait des inspections de maintenance sur le pont.  De plus, celui-ci est responsable des équipements de survie à bord ainsi que de la sécurité opérationnelle. 

Le 1er officier est, quant à lui, responsable de l’intégralité de son quart. En d’autres mots, il dirige le navire selon le plan de dragage tout en gérant le processus de dragage. Il a la responsabilité et le devoir d’accomplir ces tâches en toute sécurité sans mettre le navire en péril. 

Qu’est-ce qui vous plaît et vous déplaît dans les opérations de dragage ? 

Ce qui me plaît le plus dans ce métier, ce sont les manœuvres précises à effectuer avec les navires.  La plus grosse difficulté est l’éloignement familial : les contrats durent la plupart du temps 6 semaines.

Quelles connaissances particulières (théoriques et pratiques) faut-il posséder ? 

Généralement, les connaissances théoriques de base sont apprises lors de la formation de la personne. De base, une personne est formée à la sécurité à bord des navires (opération du matériel de survie, technique anti-incendie, premiers secours, etc.). La formation de l’Ecole Supérieure de Navigation est évidemment plus poussée que d’autres en ce qui concerne le règlement maritime, la stabilité, les manœuvres, les techniques du navire, etc. 

Les connaissances pratiques ne sont pas nécessaires dès le début : elles seront inculquées à bord. Cependant, savoir travailler avec des machines de tout genre est certainement une belle aide. Maîtriser les techniques de navigation est un plus pour progresser plus rapidement dans le métier.

Pensez-vous qu’il risque d’y avoir une forte demande en opérateurs de dragage dans le futur ? 

Je pense que l’embauche sera stable. Quelques projets importants ont été récemment signés chez les différentes compagnies de dragage. 

Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans la pose d’éoliennes en mer ? 

Je me suis orienté dans ce secteur en 2013. A cette époque, l’offshore éolien en était à ses débuts. La raison principale était de pouvoir naviguer sur des bateaux équipés d’un système de positionnement dynamique. Afin de pouvoir utiliser ce système, l’opérateur doit être certifié et passer un examen. Cela m’a donc permit d’obtenir une qualification en plus. Une deuxième raison était que l’installation d’éoliennes permettait de contribuer à un monde plus vert.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.