Mr Marc Eylenbosch, Apiculteur
Interview réalisée en avril 2011 |
En quoi consiste votre activité au quotidien ?
La saison apicole commence vers le mois de mars et se termine vers le mois de septembre. C’est la grosse période d’activité avec une pointe particulière entre avril et fin juin. Je vais toutes les semaines voir les ruches, je visite, je fais un contrôle complet de toutes mes colonies. Cela correspond à la période d’essaimage. Les abeilles peuvent partir de la ruche pour aller faire une colonie ailleurs. Il faut donc vérifier régulièrement leur présence si on veut s’assurer de garder ses abeilles chez soi. Après le mois de juin, il y a la récolte d’été puis des traitements à faire mais c’est moins régulier. En toute fin de saison, il faut compléter les réserves avant l’hiver. Il y a encore un traitement à faire au mois de décembre mais c’est beaucoup plus ponctuel.
Cela me plaît assez bien parce que les abeilles vous laissent tranquille l’hiver. J’ai déjà eu d’autres élevages de lapins, de cochons, de moutons et il faut s’en occuper en hiver et par tous les temps, aller voir chaque jour, c’est assez astreignant. En apiculture, il y a des choses à faire en hiver comme, par exemple, préparer du matériel. Le genre de choses qu’on fait au coin du feu à son aise. Je ne vis pas de l’activité apicole. C’est un hobby pour moi. Le miel que je vends rembourse largement le matériel que j’investis, sans compter mon temps, bien-sûr. Cela s’autofinance après 2-3 ans quand on a un peu l’habitude.
Quand on extrait le miel, on le filtre pour enlever tous les petits opercules, les déchets de cire. Puis, l’écumage permet d’ôter les toutes fines particules à la surface. Quand je ne le mets pas en pot tout de suite, le miel cristallise. Il faut alors le défiger à des températures bien précises pour ne pas détruire certaines enzymes qui sont importantes si on veut faire un bon miel ; il faut ensuite le brasser pour obtenir une texture fine, onctueuse, facile à tartiner. Le travail du miel consiste en actions physiques et mécaniques. Il n’y a pas de produits ajoutés. On considère que les miels industriels, qui sont fabriqués en grosse quantité, sont aussi du miel même si on constate parfois des cas d’altération par ajout de sucres. Ces miels sont fort chauffés pour faciliter les phases de mise en pots et perdent certaines particularités et qualités intrinsèques pour la santé, le système digestif.
Le miel n’est pas le seul produit que les abeilles me donnent. J’utilise le pollen et le propolis pour ma consommation personnelle mais ils peuvent aussi être mis à la vente. La cire est également commercialisable mais je la réserve pour mes propres colonies.
La commercialisation se passe chez moi, j’ai une petite affiche, les gens peuvent sonner à la porte. J’en vends aussi via deux moyennes surfaces qui en achètent parce que c’est un produit local. Occasionnellement, je fais des marchés. J’arrive à écouler toute ma production. Il faut être déclaré à l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire même si on ne vend pas. L’AFSCA supervise tout ce qui est production alimentaire pour éviter les problèmes. Le miel n’est pas un produit à risque, c’est du sucre, ça ne fermente pas. Il y a malgré tout des contrôles qui sont effectués régulièrement.
Quelles études avez-vous réalisées pour accéder à cette profession ?
Tout le monde peut être apiculteur. Il n’y a pas d’obligation légale de suivre des cours ou d’avoir un diplôme. En Belgique, il y a des écoles d’apiculture qui sont en partie subsidiées.
Il y a une autre formule qui existe : l'apprentissage. La personne apprend sur le terrain. Un peu comme un père ou un grand-père apprend à son fils ou petit fils. C’est plus une formation sur le tas. Le CARI, Centre Apicole de Recherche et d’Information, est l’organisme qui centralise tout ce qui concerne l’apiculture en Wallonie. C’est eux qui reçoivent les subsides de l’Europe pour la promotion de l’apiculture. Une autre structure apicole, la Fédération Apicole belge (FAB), supervise les écoles d’apiculture. Le CARI s’occupe plus de la gestion des subsides européens.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Je suis jardinier de profession, la flore et les abeilles, ça va bien ensemble. Pouvoir aménager mon environnement en pensant abeille, ça me plaît bien. Quand je me suis installé ici il y a 20 ans, je n’étais pas encore apiculteur et pourtant j’ai commencé par planter tout autour du terrain une haie brise vent avec des essences butinées par les abeilles. Je ne pensais pas encore abeille mais je pensais insectes butineurs. Il y avait déjà quelque chose et pourtant il n’y avait personne dans ma famille qui faisait ça.
Comment avez-vous choisi ce métier ? Quelles étaient vos motivations ?
Ma motivation pour l’apiculture, c’est avant tout ma fascination pour l’abeille. C’est incroyable tout ce qu’on découvre encore, c’est un animal qui n’arrête pas de nous surprendre.
Il y a aussi le fait que dans cet élevage, on ne doit pas tuer l’animal. Les lapins, à un moment, il fallait leur tordre le cou. Cela ne m’amusait pas. J’ai eu des cochons aussi mais c’était aussi un peu compliqué, nourrir, nettoyer, etc. L’abeille c’est beaucoup plus fascinant, plus magique, vous ouvrez une ruche et ça sent bon, ça ne produit pas de déchets, écologiquement c’est un animal qui apporte quelque chose à l’environnement. L’abeille n’apporte que du positif.
L’apiculture, ça me permet aussi de rencontrer des gens, de parler de ma passion, ce qui me plaît bien aussi.
Quelles sont les qualités personnelles et les compétences nécessaires pour exercer cette activité ?
Il faut avoir un bon sens de l’observation et être assez régulier. Chaque fois qu’on ouvre une colonie, il faut bien analyser comment elle fonctionne. Est-ce que tout est en place pour que cela se passe bien ? Il faut être assez calme, la manipulation des abeilles doit se faire en douceur. L’organisation est importante, il y a beaucoup de petites choses à voir au bon moment au bon endroit, il faut prendre beaucoup de notes.
Il ne faut pas avoir fait de grandes études, il y a des gens qui ont le sens des abeilles, qui sentent. J’ai eu un jeune garçon qui avait 8-9 ans quand il a commencé l’apiculture avec moi. Il a fait deux saisons avec moi. Maintenant, il a 13 ans et il a ses ruches. Il fait sans doute des erreurs comme j’en faisais au début et comme on en fait toujours mais il a une récolte et ça se passe plutôt bien.
Que diriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans cette voie ?
Qu’elle fonce mais ne se lance pas toute seule, sur base d’un bouquin. Je conseillerais d’aller dans une école, suivre une formation. Sinon ce serait un peu casse-cou, elle va perdre beaucoup de temps et risque d’être dégoutée. J’ai commencé un peu comme ça, j’avais acheté des colonies et j’ai un peu galéré, je ne me suis pas découragé pour autant, mais ce n’était pas les conditions idéales. Par rapport à l’environnement, aux enfants, au voisinage, il y a une responsabilité. Si vous faites ça n’importe comment, vous risquez d’avoir des abeilles agressives.
Avez-vous une anecdote à raconter ?
Ma première récolte, j’avais eu 8 kilos sur la saison avec ma ruche, j’étais tout content. Cette saison-ci au printemps j’ai eu 35 kilos par ruche, j’ai pas mal progressé ! Ce qui me plait c’est que chaque année, je m’améliore. Je peux chaque fois fignoler la production de miel. J’ai le souci du détail, de bien faire les choses, d’être bien organisé. Chaque année je trouve des petites astuces pour m’améliorer et faciliter le travail. Je réfléchis aussi beaucoup aux manipulations pour ne pas me faire mal au dos. Je soulève des poids à chacune de mes visites de colonies. Il faut retirer les hausses, ça fait 20 kilos. J’ai envie de faire ça encore longtemps. Il y a pas mal d’apiculteurs qui arrêtent pour des problèmes de force physique.
Le CARI organise chaque année un petit tournoi, un genre de rallye apicole par équipe, on visite les ruchers des apiculteurs amateurs dans une région. Il y a des petites épreuves de manipulations, de connaissances, etc. Cela me permet de rencontrer des gens qui partagent la même passion, de rencontrer des apiculteurs chez eux, de voir les pratiques des autres, cela donne plein d’idées, c’est sympathique.