Mr Matteo Segers, Scénographe
Interview réalisée en mars 2011 |
Scénographe pour des spectacles de rue, en salle, des installations ou encore des expositions.
En quoi consistent exactement la scénographie et le métier de scénographe ?
La scénographie signifie "écriture de la scène", donc tout ce qui a trait au visuel en lien avec une dramaturgie ou un spectacle. Le scénographe est donc à la fois un décorateur et un costumier. Certains font les deux, d’autres ne font que l’un ou l’autre. C’est un travail pour lequel il faut tout prendre en compte (l’aspect technique, artistique, financier, etc.), et à partir de ce tout, proposer un univers et un décor. C’est quelqu’un qui a un langage plastique complémentaire à un spectacle en général. Ca se décline selon plusieurs formes : installation urbaine, muséographie, cinéma, accompagnement de troupes de théâtre, etc. Souvent, le scénographe de par sa fonction d’ensemblier et de producteur, est amené à devenir coordinateur artistique d’un projet. Il va souvent plus loin que son métier de scénographe et intervient aussi dans la mise en scène par exemple.
En Belgique, il faut savoir qu’il est pratiquement impossible de vivre uniquement du métier de scénographe. Certains y sont parvenus mais ils sont rares. Il faut plutôt concevoir le métier de scénographe comme un métier de plasticien des arts de la scène de façon large. Selon moi, Il faut avoir une approche transectorielle de la profession sinon, il n’y a pas assez de possibilités d’en vivre. En scénographie, on zappe beaucoup, on passe d’un secteur à l’autre sans arrêt.
Comment s'organise votre travail ? Les différentes étapes ?
Tout dépend du domaine. Au théâtre, on travaille très souvent en lien avec un metteur en scène. Les premières étapes consistent en de premières rencontres avec lui pour discuter de la façon dont il a envie de travailler par rapport à un texte. Ensuite, il y a toute une phase de conception, de réflexion (dessins, croquis, discussion avec le metteur en scène, maquettes), d’essais et de répétitions. On passe parfois directement de la conception à la réalisation, tout dépend aussi du budget.
En quoi est-il différent du métier de décorateur ?
En théâtre, le métier de décorateur est un métier qui n’existe pas vraiment. On parle plutôt d’une personne qui crée le décor, qui le construit selon des indications très précises. Le scénographe est par contre invité à amener sa pate et à lier son univers à la dramaturgie. Il s’agit d’une plus value pour l’équipe, pour le metteur en scène car il va proposer des axes artistiques complémentaires à la création et propose aussi des solutions. Contrairement au décorateur, le scénographe arrive à "tirer les vers du nez" du metteur en scène, à comprendre quelle est sa conception du projet, à faire des conciliations afin que le rendu soit plus efficace. Il y a aussi un rapport plus fort avec la production (les subsides, les tournées, la diffusion, etc.).
Outre le théâtre, quels sont les autres domaines pour lesquels vous travaillez ?
Pour ma part, je travaille essentiellement dans le secteur socio-artistique. Je crée des projets liés à des opérateurs culturels (centres culturels, etc.), et à des services communaux, à l’éducation permanente, etc. Je travaille aussi pour le théâtre pour enfants, le théâtre de rue.
La façon de travailler est-elle différente d'un domaine à l'autre ?
Non pas vraiment. Le métier est le même mais les données sont différentes. Il s’agit toujours de voir comment on peut compléter une création artistique de façon visuelle. Mais il est vrai que dans le cinéma, par exemple, le scénographe sera plus technico-pratique (recherche de matériaux, repérages, etc.), mais le profil reste le même. Il faut être très conciliant, à l’écoute et dans une dynamique de coordination de différents postes.
Quel est votre parcours ?
Après un an à l’IAD en théâtre, je me suis rendu compte que je n’avais pas envie de devenir comédien. J’ai donc suivi le master en scénographie pendant 5 ans à la Cambre. J’ai travaillé en tant que scénographe, essentiellement pour le théâtre de rue (marionnettes de rue), sur différents projets, notamment avec Franco Dragone. J’ai ensuite travaillé pour la Zinneke Parade dont je suis devenu le directeur artistique après 5 ans. Au travers de ma fonction, je m’étais surtout spécialisé dans les projets socio-artistiques (liens entre centres culturels, maisons de jeunes, communes, amo, etc.). J’ai créé une asbl qui essaie de répondre à de l’accompagnement, à des appels d’offre. Pour l’instant, je travaille donc surtout sur des projets qui vont de l’accompagnement de parades au Luxembourg à la création de spectacles de rue, de scénographies pour le théâtre d’enfants.
A côté de tout cela, je m’investis également au niveau institutionnel puisque je suis membre de la Commission des Centres culturels, je participe au groupe de travail sur le nouveau décret des centres culturels, je suis membre du Conseil d’art dramatique, membre du conseil d’administration du Botanique, etc.
J’essaie de décloisonner mon métier, de défendre une approche transversale et interdisciplinaire en montant des projets dans différents secteurs.
Qu'est-ce qui vous a attiré vers ce métier ?
Je me suis vite rendu compte que mes études de comédien ne me satisfaisaient pas car je trouvais qu’il y avait beaucoup de tension, d’attente vis-à-vis du public et que j’avais besoin d’un métier plus créatif. J’ai hésité à me lancer dans la mise en scène mais je trouvais cela encore trop proche du métier de comédien. Comme je faisais déjà de la peinture et que je travaillais beaucoup sur l’image, je suis donc passé à la scénographie qui marie très bien la coordination de projets, la direction artistique et les arts plastiques.
Quelles sont les qualités qu'il faut posséder pour devenir scénographe ?
C’est avant tout un métier de plasticien. Il faut pouvoir déterminer un univers et savoir le défendre, l’exprimer par la peinture ou par les arts numériques par exemple. Il faut être conscient de ce qu’est l’esthétique, de ce que sont les arts du spectacle et la dramaturgie, de la place des différents métiers dans une équipe, etc. C’est un métier très sociable dans le sens où il faut être à l’écoute mais aussi avoir du répondant. Il faut aussi beaucoup d’humilité, pouvoir accepter de faire un décor qui ne nous plait pas forcément mais qui sera une réussite pour le spectacle. Il faut aussi des connaissances en construction, en gestion (notions de comptabilité), en administration.
Le scénographe doit être à la fois capable de créer les décors lui-même mais aussi de gérer les équipes qui les créent. Il faut avoir le profil d’un indépendant, ne pas se reposer sur les autres, savoir où on va, être proactif, avoir la volonté de passer d’un projet à l’autre et ne pas rester ancré dans un créneau.
Quel est votre statut ?
J’ai monté ma propre asbl et je suis engagé à la mission via cette asbl. C’est très difficile d’être indépendant ou alors, il faut l’envisager comme activité complémentaire.
Qu'est-ce que vous appréciez le plus dans votre travail ? le moins ?
J’aime le fait de toucher à tout, de pouvoir exercer plein de fonctions différentes (directeur artistique, accessoiriste, producteur, etc.). J’aime la nouveauté, le changement et ne pas faire tout le temps la même chose dans le même domaine.
Par contre, j’apprécie moins la précarité financière. Les budgets de fonctionnement ne sont pas assez importants ou mal distribués. De plus, la profession est peu reconnue dans le milieu. Le scénographe est rarement payé pour le travail de conception, de réflexion qu’il a mené. Je n’aime pas non plus le fait qu’en Belgique, certains secteurs soient fermés. Il n’y a pas toujours cette volonté de transversalité que l’on retrouve dans d’autres pays.
Quels seraient les conseils que vous donneriez à une personne qui veut se lancer ?
Il faut faire des études en scénographie ou en tout cas suivre une formation qui marie arts plastiques et théâtre. Cela permet de comprendre la dramaturgie, les arts vivants. Prendre le temps de rencontrer un maximum de personnes de secteurs différents afin de se confronter à leur façon de travailler. Il faut aussi être très patient et ne pas faire ce métier pour l’argent, la réussite ou pour la gloire mais bien parce que l’on est passionné.