Mr Maxime Dieu,
Programmateur d'un festival de cinéma
Interview réalisée en octobre 2010 |
Programmateur pour le Festival du Film d'Amour de Mons.
Parlez-nous de votre parcours scolaire…
J’ai fait mes études secondaires dans la filière générale, aux Ursulines à Mons. Ensuite, je ne savais pas trop vers quoi m’orienter mais le programme des cours en communication me plaisait bien. J'ai donc choisi l’IHECS à Bruxelles où ils proposent à la fois des cours pratiques et des cours théoriques donc c’est assez complet au niveau de l’apprentissage. Il faut savoir qu’en faisant des études en communication, on n’apprend pas forcément un métier. On a les clés pour s’orienter vers différentes voies, par après.
Quel est votre parcours professionnel ?
Les débuts n’ont pas été faciles. J’avais plusieurs idées mais ce n’est pas évident de trouver du boulot en communication à la sortie des études ! Je fréquentais régulièrement un ciné-club montois et on m’a ensuite proposé de participer au Festival International du Film d’Amour de Mons en tant que bénévole. J’ai commencé par écrire des articles, des critiques de films, des interviews pour le quotidien du festival. Apparemment, ils étaient très contents de moi puisqu’ils m’ont proposé un contrat à durée déterminée pour être responsable des publications (catalogue, programme, etc.). Suite à cela, j’ai envoyé une lettre de motivation et un CV en disant que j'étais candidat si un poste permanent pour le service cinéma se libérait. Il s’avère que six mois après, le poste du programmateur était disponible et ils ont pensé à moi.
Pourquoi avez-vous eu envie de travailler dans le milieu du cinéma ? Qu’est-ce qui vous a attiré ?
J’ai toujours été attiré par le cinéma. J’ai commencé à m’y intéresser pendant mes études à Bruxelles. J’allais voir des films en version originale, des films d’auteur que je n’avais pas l’habitude de voir. Ca a été un peu une révélation. Tout ça était aussi combiné avec les cours d’audiovisuel que j’ai eu à l’IHECS. Et puis, j’ai fait diverses rencontres, notamment avec les frères Dardenne qui étaient venus à l’école pour expliquer ce qu’ils faisaient, au tout début de leur carrière. Compte tenu de tout cela, j’avais envie de m’impliquer dans le domaine du cinéma, même bénévolement.
En quoi consiste exactement la programmation d’un festival ? Quelles sont les différentes étapes ?
La première étape, c’est la construction d’un fond. Il faut des idées originales. Dans le domaine culturel, il faut savoir qu’il y a deux pôles importants : la gestion et le fond. Moi je ne m’occupe pas directement de la gestion mais principalement du contenu. Il faut essayer d’innover, de donner envie aux gens de s’intéresser. On essaie d’être éclectique car le but est de proposer un événement ouvert vers tous les publics, de faire quelque chose d’accessible à tout le monde, de démocratique. On n’a pas envie de faire uniquement du "culturel élitiste".
Pour la programmation en tant que telle, il y a tout un travail de recherche. Au festival, nous présentons une moyenne de 80 longs métrages, ce qui veut dire que nous en visionnons entre 300 et 350. On reçoit des candidatures spontanées (entre 5 et 20% des films) mais on cherche par nous-mêmes aussi. Pour cela, on voyage beaucoup dans les festivals, ce qui nous permet à la fois de voir les films les plus récents possibles mais aussi de rencontrer des gens. Comme nous faisons des évènements autour de personnalités en particulier, c’est intéressant de pouvoir prendre des contacts.
Quand un film nous plait ou qu’une personnalité nous intéresse, on entame alors les négociations pour obtenir le film en présence du réalisateur, des acteurs. Même chose si on veut la présence d’une personnalité. Il faut proposer des concepts, revenir vers eux, il faut tout le temps les relancer, insister. Il s’agit d’un travail sur la longueur qui comprend une part de frustration lorsque l’on doit attendre avant d’obtenir une réponse.
Lorsque cette étape est réglée, il y a alors toute la coordination de l’évènement, des films et des invités dans l’évènement même. Il faut coordonner les séances, la présence des copies de films au bon endroit, au bon moment, etc. S’assurer de la présence des gens et du matériel, c’est peut-être l’aspect le moins agréable dans l’organisation. On est dépendant de beaucoup de contraintes.
Le meilleur moment, c’est bien sûr l’évènement en tant que tel qui est l’aboutissement de tout ce travail de préparation. Mais pendant le déroulement du festival, il faut aussi pouvoir faire face à tous les imprévus. On peut préparer les choses autant qu’on veut, il y en a toujours. C’est une gestion de tous les instants.
Sur quels critères vous basez-vous pour choisir les films ?
En ce qui nous concerne, il y a bien entendu une thématique, l’amour, que l’on décline de façon très large. On ne s’intéresse pas seulement qu’aux films romantiques. Il y a ensuite toute une série de critères techniques (sous-titres en français, format 35 mm, etc.). Il faut aussi que ce soit des films récents et surtout inédits de projection en Belgique. Plus globalement, dans la programmation, il y a un critère de diversité qui joue. On doit proposer une proportion de films européens, de films de pays en voie de développement, des films italiens dans le cadre de notre panorama sur le cinéma italien. Je fais partie d’un comité de programmation qui compte 4 ou 5 personnes. Nous visionnons beaucoup de films, nous en discutons, débattons et ensuite, cela reste une question de subjectivité.
En ce qui me concerne, je me souviens toujours de ce que disait le directeur du festival de Cannes : "La question que l’on se pose, ce n’est pas "Est-ce que c’est bien ou pas bien ?" mais "Est-ce qu’on doit le présenter ou pas ?"". Quand je vois un film, c’est la question que je me pose. Est-ce qu’on doit avoir ce film ou est-ce qu’on peut s’en passer ?
Quel est l’horaire de travail ?
Je dirais qu’il y a deux rythmes différents pendant l’année. De septembre à avril, pendant 8 mois, c’est un rythme soutenu et plus on approche du festival, plus l'intensité augmente. Le reste de l’année, c’est beaucoup plus calme. On est dans les horaires de travail standards. Sinon, dans l’événementiel, il n’y a pas d’horaires fixes et il ne faut pas avoir peur de faire des heures supplémentaires. Il faut être très flexible.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans votre métier ?
Pour moi, la difficulté principale, c’est d’arriver à construire quelque chose de vraiment cohérent. Un produit fini cohérent en repartant à chaque fois de zéro. C’est un défi qu’il faut relever chaque année. Il faut aussi pouvoir passer d’une petite équipe à l’année à une grosse organisation avec plus ou moins 120 personnes pendant le festival. Tout doit se coordonner convenablement.
Quels sont les avantages et les inconvénients de votre métier ?
Avantage(s) : le fait que l’on rencontre beaucoup de monde et on se crée de nombreux contacts en provenance du monde entier. On a l’occasion de voyager régulièrement également. Dans ce secteur, nous avons aussi l’avantage de travailler vers un but bien précis. On travaille par cycles, avec des échéances bien définies et c’est un véritable moteur dans le travail.
Inconvénient(s) : je dirais la pression liée à tout ce qui concerne l’accueil des personnalités, aux films qui doivent être là au bon moment, etc. Par rapport à ce qu’on avait prévu de faire, il ne peut pas y avoir d’accidents. Donc il y a pas mal de pression par rapport à cela.
D’après vous, quelles sont les qualités qu’il faut posséder si l’on veut travailler dans ce métier ?
Il faut la fibre culturelle, un intérêt pour l’art, le cinéma mais aussi les autres cultures. Il faut avoir une certaine confiance en soi et ne pas être timide, réservé. Il ne faut pas avoir peur de prendre la parole en public, de discuter avec des gens. Il est bien sûr important d’être bien organisé. L’ouverture d’esprit et le goût pour les relations humaines sont évidemment essentiels.
Quels sont les conseils que vous donneriez à une personne qui a envie de se lancer dans le milieu ?
S’intéresser à tout ! Etre patient et s’accrocher.